Exposition au risque chimique : tous concernés !
Les entreprises sensibilisées au risque chimique ont la capacité de caractériser le danger puis de l’évaluer avant d’engager un plan d’action.
Date de mise à jour : 17 janv. 2025 - Auteur : Loïc Féron
©Frédéric Vielcanet
- Le risque chimique est omniprésent dans le BTP.
Identification, évaluation et plans d'action sont nécessaires.
Dossier paru dans PréventionBTP n°290-Décembre 2024-Janvier 2025-p. 6
Le risque chimique, omniprésent dans les entreprises du BTP, est la plupart du temps sous-évalué au regard de sa dangerosité. Et pourtant, l’Assurance maladie-Risques professionnels nous rappelle que les risques chimiques sont la deuxième cause de maladie professionnelle en France, responsables de près de 1 800 cancers professionnels reconnus chaque année. Les principales pathologies sont liées à l’inhalation de fibres d'amiante, de poussières de silice cristalline alvéolaire, de poussières de bois ou au contact avec les ciments*. C’est dire si le BTP est concerné, et pas seulement par les agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). « Les maçons utilisent du ciment, du béton, de la chaux et des silicones, les peintres et menuisiers des peintures, des teintures et des solvants, les couvreurs des démousseurs et des dégraissants, les poseurs de sol des décapants… », énumère Isabelle Quadrini, médecin du travail au sein du service santé BTP Normandie, pour ne citer que les expositions aux produits chimiques manufacturés. Conseil auprès de l’OPPBTP, le Dr Quadrini participe à l’élaboration d’une campagne ciblée qui portera, en 2025, sur l’accompagnement des TPE dans l’inventaire de ces produits.
Voies d’exposition et contamination
Solide, liquide, aérosols solides ou liquides, gaz…, la forme sous laquelle est utilisé un produit chimique et le procédé de travail déterminent les voies d'exposition potentielles à des agents chimiques et l'existence ou non d'un risque pour les salariés. « Les voies de contamination peuvent être aérienne, digestive ou cutanée, rappelle le médecin. Dans le cas du plomb contenu dans les peintures, en l'absence des mesures de prévention comme le port des EPI et le lavage des mains, le salarié peut être contaminé par l’ingestion de particules. » Quant aux effets sur la santé d'une exposition aux agents chimiques, ils peuvent se manifester rapidement après une exposition accidentelle (brûlure, intoxication) ou être différés, généralement du fait d'une exposition chronique à des niveaux relativement bas. « Un asthme allergique se développe en quelques expositions, les symptômes apparaissent rapidement ; de même avec les solvants, les peintres qui les utilisent en milieu fermé ressentent des maux de tête, explique Isabelle Quadrini. En revanche, les cancers liés à la manipulation de produits dangereux n’apparaissent qu’au bout de quinze à vingt ans. »
Hiérarchiser la dangerosité des produits
Dans le cas de produits chimiques manufacturés, les informations figurant sur l'étiquette et la fiche de données de sécurité aident à repérer les dangers.
Face à un risque « invisible », vecteur de pathologies à longue échéance, il est difficile pour les employeurs d’appréhender le danger, y compris dans les cas de reprotoxicité pouvant altérer la fertilité. « La prise en compte du risque passe par l’inventaire des produits chimiques et des agents émis, leur évaluation au poste de travail et la mise en place de mesures de prévention », rappelle Isabelle Monnerais, responsable de domaine Risque chimique à l’OPPBTP. Dans le cas de produits chimiques manufacturés, les informations figurant sur l’étiquette et la fiche de données de sécurité (FDS) permettent de repérer les dangers. À cette fin, l’outil d’évaluation du risque chimique proposé par l’OPPBTP pour les petites entreprises a été, cette année, refondu et recentré sur la partie « inventaire ». « L’objectif est de hiérarchiser la dangerosité des produits chimiques manufacturés suivant trois indicateurs de danger, santé, inflammabilité-explosion et environnement, puis d’identifier des conseils d’utilisation et des alternatives », précise Isabelle Monnerais.
Des systèmes de captage efficaces
Les plans d’action déployés dans les entreprises suivent ces étapes : éliminer ou substituer le produit, organiser le travail pour limiter le nombre de personnes exposées et mettre en place une protection collective, complétée au besoin par le port des bons EPI. Ces séquences valent pour l’exposition aux poussières et aux fumées. « Au niveau de la sinistralité, les produits émis, comme la silice, les poussières de bois et le plomb, sont les plus dangereux », pointe Mickaël Guihéneuf, ingénieur-conseil à l’Assurance maladie-Risques professionnels et référent sur le risque chimique. Sur les 800 entreprises du BTP accompagnées par l’Assurance maladie-Risques professionnels (sur la période 2018-2023) dans le cadre du programme de prévention Risques chimiques pros (sur 5 000 établissements au total), 600 exercent dans le bâtiment (50 % en menuiserie) et 200 dans les travaux publics. Globalement, 80 % ont élaboré un plan d’action et plus de 60 % ont mis en œuvre les actions prioritaires. L’outil en ligne Risques chimiques pros fait partie du dispositif. « Parmi les mesures de prévention, les systèmes de captage des poussières et fumées, bien qualifiés, sont particulièrement efficaces, explique Mickaël Guihéneuf. La vérification et la maintenance des installations permettent de pérenniser ces actions et d’intégrer la prévention des risques chimiques dans l’organisation d’une entreprise. »
* 90 % des maladies professionnelles liées au risque chimique sont le fait de trois agents : amiante, poussière de bois et silice.
La prise de conscience du danger lié à la mise en œuvre de produits chimiques passe par sa connaissance et sa compréhension.