Hygiène sur les chantiers : des pistes pour progresser
Sur les chantiers, hygiène rime avec santé, dignité et productivité. Une campagne vient d’être lancée pour aider les entreprises à être à la hauteur de ces enjeux.
Date de mise à jour : 4 déc. 2023 - Auteur : Chloé Devis
©OPPBTP
- Les entreprises du BTP peuvent encore s’améliorer en matière d’hygiène.
- La campagne Hygiène BTP 2023 capitalise sur les bonnes pratiques et l’offre du marché.
Dossier paru dans PréventionBTP n°278-Novembre 2023-p. 6
Se laver, se changer, assouvir ses besoins naturels, se restaurer : ces fondamentaux de l’hygiène sur les chantiers sont au cœur de la campagne nationale Hygiène BTP 2023 lancée cet automne. Ces dernières années, les préoccupations sanitaires les ont remis sous les projecteurs. « Le Covid a représenté un marqueur, estime ainsi Malika Benamar, responsable Organisations de chantiers à la direction technique de l’OPPBTP. La mobilisation des entreprises pour répondre aux exigences préalables à la reprise d’activité a aussi révélé des carences, tant en termes d’organisation que d’équipements. »
Un tour d’horizon des pratiques du secteur témoigne encore d’une situation contrastée. « Sur vingt-cinq chantiers visités, 40 %, toutes activités confondues, ne disposaient pas d’installations satisfaisantes, et 23 % n’en avaient pas du tout », relève Malika Benamar. Quand les majors se montrent globalement en pointe sur ces sujets, 72 % des constructeurs de maisons individuelles ne mettent pas de toilettes à disposition de leurs compagnons, révèle une étude de la Cnam de 2022. « Encore trop de chantiers de courte durée ne sont pas équipés », observe également Hervé Montagne, président du spécialiste des toilettes autonomes WC Loc. Le constat s’étend à l’entretien des installations : « Si le matériel loué aux grands groupes rentre peu dégradé et plutôt propre, c’est moins le cas pour les PME », note Marcelle Faggianelli, dirigeante du fournisseur de solutions modulaires Coficiel et membre de la commission location de l’Acim (syndicat qui regroupe les principaux acteurs professionnels de la filière modulaire en France). Nicolas Dalert, directeur commercial et exploitation de Kiloutou Module, remarque que beaucoup d'entreprises n'investissent pas au-delà du minimum réglementaire en matière d'hygiène. « Pour les structures les plus modestes, le coût reste un frein, selon Marcelle Faggianelli, toutefois, il y a aussi un manque de prise de conscience de ce que peut leur apporter une amélioration des conditions d’hygiène de leurs salariés. »
Un enjeu d'attractivité
Le risque épidémique a pourtant remis en évidence le lien entre hygiène et santé, la multiplication récente des événements climatiques extrêmes lui donnant une autre actualité. Un meilleur confort au travail favorise aussi la vigilance, donc la sécurité et la productivité. Et ce d'autant que la qualité de vie dans l'exercice de son métier devient une préoccupation grandissante. Comme dans tous les autres secteurs professionnels, « le respect de la dignité des salariés du BTP repose sur l’accès à des équipements de base pour assouvir les besoins élémentaires de tout être humain », fait valoir Malika Benamar. « Les jeunes générations sont particulièrement sensibles aux questions de mixité, d’environnement… et d’hygiène », renchérit Hervé Montagne. Dans des professions qui peinent à recruter, il en va donc de la marque employeur des entreprises et de l’image du BTP. Ces enjeux rejoignent le sujet de la performance économique, alors qu'une base vie représente en moyenne 3 % du coût du chantier, précise Pierre Bruneau, à la tête du loueur de bases vie Allomat et président de la commission normes de l’Acim.
Fournisseurs et entreprises innovent
Matériels toujours plus adaptés aux multiples configurations de chantier, prestations clés en main, traçabilité accrue… Face aux réticences des entreprises à prendre en charge des problématiques extérieures à leur cœur de métier, les offres du marché, centré à 80 % sur la location, ne cessent d'évoluer. Le spécialiste des bases vie mobiles VAC propose, par exemple, des modules démontables pour pallier les difficultés d’accès en milieu urbain. Allomat a conçu pour les petits chantiers des demi-modules de 3 m x 2,5 m qui, couplés, permettent aussi d'installer des toilettes hommes et femmes. Les majors accompagnent cette dynamique d’innovation. Ainsi, chez Bouygues Construction, l’heure est au raisonnement en termes de coût global, avec le développement de bases vie bas carbone dont la consommation énergétique est divisée par deux ou trois. Aider les entreprises à faire les bons choix d'équipement, c'est l'objectif d'un partenariat entre l'OPPBTP et l'Acim-DLR, signé il y a un an, pour l'élaboration d'un guide d'aide au choix de sa base vie et/ou d'une installation d'hygiène pour son chantier, mis en ligne début octobre. Certaines structures prouvent également qu’il est possible de progresser sur le terrain de l’hygiène avec des moyens limités. À l'image de l'entreprise de gros œuvre et génie civil CNR, qui s'est mise à l'écoute de ses grutiers. Le métier est l’un des plus exposés aux manquements en matière d’hygiène, comme l’a montré une étude de la médecine du travail de 2019*. CNR a mis au point un kit adapté aux spécificités du poste. « Le produit a été finalisé après un an de tests et d’allers-retours avec le terrain », souligne Antoine Laurent, responsable QSE. Il s’agit d’un sac floqué au nom de l’entreprise, compact pour être monté facilement, et contenant un aspirateur, des sacs urinaires, une poche isotherme, des lingettes nettoyantes et du nettoyant vitre. Son coût unitaire est de 200 euros. Les retours ont été très positifs : « les grutiers se sentent mieux pris en considération, et s’impliquent davantage dans l’entretien de leur cabine. » La démarche, relayée sur les réseaux sociaux, fait aussi briller l’image de l’entreprise.
*« L’accessibilité des toilettes aux grutiers : vers une organisation de travail bienveillante et performante ? », Dr Catherine Lopez.
Les jeunes générations sont particulièrement sensibles aux questions de mixité, d’environnement… et d’hygiène.
Hervé Montagne, WC Loc.