En résumé
  • Le groupe Serfim a entamé une démarche de prévention ambitieuse.
  • Alexandra Mathiolon est très engagée sur les questions environ-nementales, indissociables selon elle de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Interview parue dans PréventionBTP n°286-Juillet-Août 2024-p. 34.

286 Grand entretien Alexandra Mathiolon

©B. Tournaire

Préserver la santé et la sécurité des collaborateurs, œuvrer chaque jour en faveur de l’environnement. Tel est le credo d’Alexandra Mathiolon, la jeune P-DG du groupe Serfim, qui a engagé l’ETI familiale et ses dix filiales dans une véritable démarche de prévention depuis 2023 avec un maître mot : l’exemplarité.

Parcours

Alexandra Mathiolon est Ingénieure de formation, spécialisée sur les sujets énergie.
2013 : diplôme d'ingénieur à l'école des Mines de Saint-Étienne.
2014 : master en énergies renouvelables et environnement à l’Imperial College de Londres.
2014-2018: chef de projet en stratégie au bureau de Londres de McKinsey sur les sujets industriels et l’environnement.
2018 : directrice adjointe de la branche énergie du groupe Serfim. Crée Serfim ENR (photovoltaïque).
Janvier 2020: directrice générale du groupe Serfim.
Janvier 2023: P-DG du groupe Serfim.


Pouvez-vous nous présenter le groupe Serfim et ses activités?
Nous sommes une entreprise qui a 150 ans d’histoire avec un capital familial et salarial. Nous comptons 2 800 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 580 millions d’euros en 2023. Parmi notre dizaine de métiers, les deux tiers sont affiliés TP et BTP et notre activité principale est la pose et la maintenance de réseaux d’énergie. Nous sommes également présents sur les réseaux d’eau et le chauffage urbain, les ouvrages d’art (réparation de ponts et tunnels). Nous avons une forte activité de rénovation de routes ; une branche TIC, qui opère notamment sur la pose de fibre optique et les territoires connectés, toute la partie environnementale avec la dépollution des sols, le traitement des eaux et des effluents et le recyclage de matériaux inertes et non inertes (plâtre, laine de verre, bois…), et enfin les énergies renouvelables. Tous nos métiers convergent vers notre raison d’être, qui est de contribuer à une meilleure qualité de vie en aménagement des territoires durables et respectueux du vivant.


Vous avez repris les rênes de l’entreprise à la suite de votre père en 2023. Le sujet de la prévention était-il déjà présent dans le groupe avant votre arrivée?
En arrivant à la tête de l’entreprise, j’ai fait le constat que nous avions de bons fondamentaux, mais dans notre secteur d’activité, très accidentogène, il nous restait encore beaucoup à faire, notamment sur la dimension managériale et humaine. En 2023, nous avons entamé un important état des lieux, accompagnés par le cabinet Worksafe, sur notre situation, en lien avec une sinistralité trop importante au sein du groupe. Il en est ressorti que nous avons de bonnes intentions, mais que leur concrétisation sur un nombre important de nos filiales manque encore d’efficacité. À la suite de cet état des lieux, nous avons établi une feuille de route avec un objectif ambitieux : réduire notre sinistralité de moitié d’ici à 2026 et atteindre des taux de fréquence et des taux de gravité parmi les meilleurs de la profession à l’horizon 2030. Tous les accidents sont évitables. Et dans notre profession le sentiment de fatalité est encore fort. 

286 Grand entretien Serfim (image 2)  


Cette feuille de route, lancée en cette année, comporte des engagements forts en matière de sécurité, quels sont-ils?
Nous avons souhaité nous donner les moyens de nos ambitions pour intégrer cette culture sécurité de manière participative. Au lancement de la feuille de route, tous nos collaborateurs ont reçu chez eux un document présentant sept engagements, signé par le comité de direction et moi-même. Le premier engagement est de toujours donner la priorité à la prévention par rapport à la production. L’idée est de s’assurer, y compris dans des périodes d’activité intense, d’avoir des temps d’arrêt à des moments spécifiques pour analyser les situations à risque. Le deuxième engagement est que chacun soit au clair sur ses rôles et responsabilités. Pour ma part, cela passe par le suivi et pilotage de la feuille de route et de nos indicateurs, ainsi que la réalisation de visites sécurité sur les chantiers. Troisième engagement : la formation. Tous les managers ont été formés à la sécurité pour développer la dimension de la vigilance partagée. Le quatrième engagement est le pilotage et l’analyse de nos actions à travers des indicateurs qualitatifs. Notamment sur l’accueil de nos intérimaires. Cinquième engagement : réagir et partager. Cela concerne les situations de crise et la réaction face aux situations dangereuses. Le sixième engagement porte sur l’exemplarité. Nous pensons ici au respect élémentaire du port des EPI adaptés, à titre d’exemple. Enfin, notre septième et dernier engagement est de faire vivre Prevent’im, notre plan prévention en s’outillant efficacement. Tout cela représente un vrai changement culturel qui ne s’opérera pas en un jour, mais sur plusieurs années.

La sécurité et la santé de nos collaboratrices et collaborateurs ne peuvent être assurées que par un climat stable. 

Alexandra Mathiolon  


Quels sont vos différents rituels prévention?
Nous avons mis en place une commission prévention transverse, qui rassemble l’ensemble des préventeurs de nos filiales, pour partager les bonnes pratiques et porter ensemble des projets. Elle se réunit tous les deux mois et je suis présente à chaque réunion. Nous avons plusieurs autres temps forts, comme le Mois de la Prévention, qui a lieu tous les ans en fin d’année, avec un thème particulier. En 2023, nous l’avons dédié à la protection des mains. Nous avons ensuite des actions plus spécifiques au niveau de chaque métier, à l’image des journées ou des matinées sécurité. Nous mettons à disposition des catalogues proposant des ateliers adaptés à des besoins métiers particuliers. Par exemple, sur les travaux sous-tension, nous allons au-delà du réglementaire en faisant des audits spécifiques sur les process sécurité. Nous mêlons donc des ambitions générales au niveau du groupe et des actions ciblées sur chaque métier.

Portrait chinois

Votre mot préféré? Collectif.
Le mot que vous détestez? Accident, car c’est tout ce qu’on veut éviter !
Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre? Architecte.
Le métier que vous n'auriez pas aimé faire? N’importe quel métier où l’humain et le relationnel sont peu présents.
Votre bâtiment préféré? L’Hôtel-Dieu de Lyon.
Le son, le bruit que vous aimez? Le vent dans les feuilles.
Le son, le bruit que vous détestez? La fraise du dentiste.
Le livre que vous emporteriez sur une île déserte? L’Homme qui plantait des arbres, Jean Giono.
Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque? Valérie Masson-Delmotte.


Vous organisez également un challenge sécurité en interne baptisé les Serfim d’Or. Quels en sont les objectifs?
Ce challenge a été lancé en 2007. L’idée est de définir des objectifs de taux de fréquence et de gravité par filiale. Chaque filiale qui atteint ses objectifs se voit décerner un Serfim d’Or, qui lui est remis lors d’une cérémonie dédiée. Chaque personne impliquée reçoit une pièce d’or qui symbolise la sécurité. Ce challenge crée une émulation positive au sein de chaque filiale. Les derniers ont été remis le 23 mai. Dans la sécurité, on est souvent dans le punitif, il faut garder des éléments de gratification avec des symboles forts. Nous proposons également, depuis dix ans, un challenge Innovation baptisé Eurêka. Les innovations sont pitchées devant le comité de direction, qui désigne les meilleures d’entre elles. La dernière innovation primée est un système de passerelles sur roulettes pour le franchissement des tranchées qui supprime le risque de chute. Une filiale a également développé un caisson « Ecoleau » pour assurer l’accès à l’eau sur les chantiers en se raccordant aux bornes à incendie et en la filtrant pour que les opérateurs puissent recharger leurs gourdes. Toutes nos innovations sont très terrain et tournées vers la sécurité, et l’ambition est de pouvoir les déployer sur d’autres filiales.

Notre premier engagement est de toujours donner la priorité à la prévention par rapport à la production.

Alexandra Mathiolon  


Dans vos actions, vous portez une attention particulière aux risques psychosociaux. Comment cela se traduit-il exactement?
En France, on parle peu de la santé mentale en lien avec le travail, à l’inverse des pays anglo-saxons. Nous avons mis en place une ligne d’écoute téléphonique, accessible à tous nos salariés. Même si cela ne remplace pas un suivi psychologique, c’est un outil mis à leur disposition, accessible 24 h/24, 7 j/7. Nous proposons aussi les services d’une assistante sociale et nous travaillons sur le sujet du stress, avec le modèle de Karasek (modèle d'analyse du stress au travail, NDLR) dans certaines filiales. Enfin, nous sommes très impliqués dans le sport, à travers notamment des événements sportifs internes à l’entreprise mais aussi des séances de sport animées par un coach professionnel, par exemple chez Serpollet.


À titre personnel vous êtes très engagée sur les sujets de la préservation de l’environnement, qui est pour vous indissociable de la sécurité et de la santé. Comment ce lien se fait-il?
Ce qui m’intéresse avant tout c’est l’Humain. Je souhaite que l’on soit dans une logique de progrès social au niveau du groupe, et pour cela il faut s’occuper du bien-être de nos collaboratrices et collaborateurs. Cela passe par la sécurité directe, mais aussi la santé à long terme, qui ne peut être assurée que par un climat stable. On peut déjà le voir de manière très concrète avec le sujet des fortes chaleurs. Nous voulons trouver des solutions pour limiter notre impact en matière d’environnement, comme la diminution des consommations d’eau dans nos activités de travaux publics. Les deux discours sont donc systématiquement liés dans nos prises de parole et mes équipes sont très impliquées dans ces engagements en faveur de l’environnement.

Groupe Serfim

Le groupe Serfim est une entreprise indépendante et familiale créée en 1875 par Louis Moulin, un artisan paveur. Elle est spécialisée dans l’aménagement durable des territoires au travers de ses différents métiers : énergie, recyclage, dépollution, TIC, ouvrages d’art, eau, route, industrie, ENR et immobilier. Le groupe compte 2 800 collaborateurs, répartis dans 10 branches et 40 entreprises, et a réalisé un chiffre d’affaires de 580 millions d’euros
en 2023. Chaque année, ce sont plus de 7 000 chantiers qui sont menés par les filiales, avec un fort ancrage local en région Aura (Auvergne-Rhône-Alpes), mais aussi plus récemment en Ile-de-France. Très engagée dans la sécurité de ses salariés, l’entreprise dispose de nombreuses certifications dont le Mase et l’ISO 45001. Le groupe comprend également une filiale ouvrages d’art et effectue notamment de nombreux travaux subaquatiques.
La raison d’être du groupe est de contribuer à une meilleure qualité de vie des habitants en aménagement des territoires durables et respectueux du vivant.

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