Infirmiers en santé au travail : un métier en pleine mutation
Au sein des équipes pluridisciplinaires coordonnées par les médecins du travail, les infirmiers jouent un rôle crucial. Tour d’horizon.
Date de mise à jour : 27 mai 2024 - Auteur : Cendrine Barruyer
- L’infirmier en santé au travail se voit confier de plus en plus de missions par le médecin du travail.
- La création prochaine des infirmiers en pratiques avancées devrait renforcer leur rôle.
Article paru dans PréventionBTP n°284-Mai 2024-p. 32.
Plus de 6 000 médecins du travail en 1995, environ 4 000* au début des années 2020 dont la moyenne d’âge dépasse 55 ans ! La démographie médicale a imposé une refonte totale de la santé au travail matérialisée notamment par les trois plans Santé au travail et les lois de juillet 2011 et août 2021. Parmi les évolutions phares, celle du métier d’infirmier en santé au travail (IST) : de nombreuses missions peuvent désormais lui être confiées, sous la responsabilité du médecin du travail. La plus connue reste la visite d’information et de prévention (VIP). Elle peut être réalisée par un infirmier, dans le cadre de protocoles écrits, pour les salariés non soumis à des risques particuliers. Les IST peuvent aller sur le terrain pour effectuer des études de poste, des fiches d'entreprise et des actions d'information et de prévention, notamment. Pour Maggy Frumery, IST chez Santé BTP Normandie, l’infirmier est un détecteur, une sentinelle qui alerte le médecin du travail. Kevin Gabellini, IST à l’APST BTP 06 à Vallauris confirme : « Lorsque nous l’estimons nécessaire, nous redirigeons sans délai le salarié vers le médecin. » Le médecin et l’infirmier n’ont pas le même cursus rappelle Maggy Frumery. « Le médecin apprend à voir la pathologie, la mécanique, nous, nous sommes éduqués à repérer les petits signes de mal-être. Nous apprenons à être attentifs à l’environnement et aux comportements du patient, à sa gestuelle, à ses habitudes de vie, aux mots utilisés… » L’infirmière souligne également que les patients ou les salariés ont souvent plus de facilité à s’adresser à une infirmière qu’à un médecin, perçu comme un « sachant ». Ainsi ce salarié, qui au cours de son entretien avoue ne pas se sentir reconnu au travail. « Il restait parce que ce poste se situait près de son domicile. » Après signalement par l'infirmière, le médecin du travail a organisé une rencontre tripartite avec l'employeur. « Cela a débloqué la situation et lui a permis d'évoluer dans son poste.
Le BTP, un secteur ouvert au changement
Maggy Frumery a exercé dans plusieurs SPST. Elle apprécie particulièrement l’état d’esprit du BTP. « L’infirmier est totalement inclus dans les équipes. Il est missionné pour de nombreuses actions et envoyé sur le terrain pour aller à la rencontre des salariés, voir le matériel, l’organisation. C’est vraiment en se rendant sur les chantiers que l’on peut appréhender les difficultés de la tâche, les aménagements possibles et ceux qui ne le sont pas. » Le développement des compétences des infirmiers en pratique avancée (IPA), en projet, permettrait de déléguer encore plus de tâches à l’infirmier. Par ailleurs, le Conseil d'État a validé le décret du 26 avril 2022, par une décision du 28 avril 2023, que les visites de mi-carrière, de préreprise et de reprise soient réalisables par l’infirmier santé au travail dans le cadre de protocoles écrits.
*4 167 médecins du travail en 2022 en SPSTI + 957 dans les services autonomes (source : ministère du Travail).
Une intégration globalement réussie
La collaboration entre le médecin du travail et l’IST est essentielle au bon fonctionnement des SPST. Mais encore faut-il que le rôle de ce dernier soit bien défini. Dans un rapport publié en février 2020 l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) notait que ce n’était pas toujours le cas. Pour identifier les pistes d’amélioration, le Dr Oriane Stadler, médecin au Pôle Santé Travail Métropole Nord de Tourcoing a mené une enquête auprès de 249 IST. Premier constat : les infirmiers sont globalement satisfaits de la situation. Le Dr Stadler souligne la complémentarité entre le médecin et l’IST. « Le premier est plus dans une approche de prise en charge, de gestion de situations complexes, tandis que l’infirmier est plus axé vers la prévention primaire. » Restent des points d’amélioration, comme la meilleure reconnaissance des compétences des infirmiers et la possibilité d’exercer des missions dans le cadre de la « pratique avancée » (IPA).
La mission d’infirmier en santé au travail en 4 points
L’aptitude, une prérogative du médecin
L’infirmier est habilité à réaliser des visites d’information et de prévention (VIP) pour les salariés qui ne relèvent pas d’un suivi individuel renforcé ainsi que les visites intermédiaires pour les salariés bénéficiant d’un suivi individuel renforcé. Des dispositions récentes autorisent l’infirmier à effectuer des visites de mi-carrière, de préreprise et de reprise. Ces visites ne donnent pas lieu à une aptitude mais à une attestation de suivi. L’aptitude est une prérogative du médecin.
L’entretien infirmier, une visite complète
Au cours de la VIP, l’infirmier peut réaliser certains examens complémentaires : contrôle de la vision, audiométrie, spirométrie, mesure de la tension artérielle, tests urinaires… Il réalise ainsi un « diagnostic infirmier ». En revanche, il n’ausculte pas les salariés qu’il reçoit et n'interprète pas le résultat des examens (diagnostic médical).
Le terrain, une mine d’information pour l’infirmier
Au même titre que le médecin du travail, l’infirmier est appelé à effectuer des actions en milieu de travail afin de réaliser des fiches d’entreprise, des études de poste, mener des actions d’information et de sensibilisations collectives relatives à la prévention des risques professionnels et à la santé au travail. Il participe aussi à de multiples autres tâches du service comme le recueil d’information pour des enquêtes épidémiologiques.
Le binôme infirmier-médecin, clé du suivi des salariés.
Lorsque l’infirmier détecte une situation où l’état de santé physique ou psychique du salarié ou les risques professionnels nécessitent un avis médical, l’infirmier en réfère sans délai au médecin du travail, qui reprend la main.