Entreprise Armor Peinture : la volonté d'implication se retrouve à tous les échelons
Pour mieux organiser la prévention et faire passer les messages, Armor peinture parie sur une organisation qui responsabilise chaque salarié.
Date de mise à jour : 27 janv. 2022
Auteur : Thierry Beaurepère
©Emmanuel Gabily
Identité : Armor Peinture
Activité : Travaux de peinture, revêtements de sol, isolation, intervention sur amiante…
Création : 1961
Chiffre d'affaires : 5,5 millions d'euros
Nombre de salariés : 75
Lieu : Plélo (Côtes-d'Armor)
Conseiller en prévention : Céline Rouvray
Site : www.armor-peinture.com
Depuis le bureau de son entreprise Armor Peinture, installée le long de la Nationale 12 qui file vers Brest, Philippe Nicol n'a pas le temps de rêver au grand large. Pour l'heure, son horizon se limite à des photos avec le Premier ministre Jean Castex et le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qu'il a rencontrés lors de leur passage dans la région, et à des maquettes de bateau et un aquarium, pour l'ambiance maritime. Car avec le plan de relance économique engagé par le gouvernement, les carnets de commandes pour des travaux d'isolation, de peintures ou de revêtements de sol, sont pleins pour ses 75 salariés. « Comme beaucoup d'entreprises de la région, nous cherchons des compagnons. Dix à quinze salariés en plus ne seraient pas un luxe », affirme Philippe Nicol, qui forme même en interne des anciens salariés de la restauration pour faire face à la demande. « Je me refuse à débaucher chez des confrères, nous sommes tous dans le même bain », ajoute-t-il. À 59 ans, il pourrait pourtant lever le pied depuis qu'il a vendu la société familiale de démolition SNT Nicol à Screg Colas, en 2006. Mais la passion du bâtiment ne l'a jamais quitté. Et lorsqu'en 2009, on vient lui proposer de racheter Armor Peinture, il replonge avec délice. Depuis, il a repris trois autres entreprises bretonnes : CRA (carrelages, revêtements) en 2017, L'Henoret (ravalement, isolation) et Le Guen Peintures en 2019. L'ensemble pèse désormais 15 millions d'euros et emploie 180 personnes. « Dans un contexte tendu pour trouver des salariés, il est plus confortable de grandir par croissance externe. Mais pas n'importe comment. Il s'agit d'entreprises complémentaires, qui permettent plus de confort, de flexibilité, et d'intervenir en groupement partout en Bretagne. C'est aussi une façon de tranquilliser le client, avec un seul interlocuteur », poursuit Philippe Nicol, qui n'exclut pas d'autres rachats si des opportunités se présentaient, par exemple pour constituer un pôle second œuvre.
- Des investissements réguliers pour améliorer les conditions de travail.
- Une prévention décentralisée pour mieux sensibiliser.
Article paru dans le magazine Prévention BTP n°257 de décembre 2021-Janvier 2022, pages 22-25.
Miser sur la formation, le confort de travail et la prévention
Les travaux sur bâtiments industriels génèrent 50 % de l'activité d'Armor Peinture ; les marchés publics, 40 %. Le solde provient des particuliers. « Actuellement, nous réalisons pour l'essentiel des chantiers de rénovation car avec la crise sanitaire, les délivrances de permis de construire ont pris beaucoup de retard », précise le dynamique dirigeant. Dans une entreprise qui a besoin d'une main-d'œuvre importante et pour laquelle les compétences humaines sont décisives, la formation est essentielle, pour intervenir en toutes circonstances, y compris sur des matériaux amiantés. Le confort au travail et la prévention sont tout aussi essentiels. Un arrêt de travail – même minime –, et c'est toute la machine qui se dérègle, un chantier qui prend du retard. Plutôt qu'une organisation pyramidale, Philippe Nicol a pris le parti de répartir les responsabilités. Chez Armor Peinture, pas de chargé de prévention : les trois conducteurs de travaux ont signé une délégation de pouvoirs.
Répartir les responsabilités
Cette volonté de responsabiliser se retrouve à tous les niveaux, à travers une distribution des tâches en fonction des compétences de chacun. Ainsi, la gestion du document unique pour l'évaluation des risques au sein de l'entreprise est réalisée par la contrôleuse de gestion Viviane, avec l'outil monDOCunique Plus mis à disposition sur le site internet de l'OPPBTP. « Elle a tout à la fois l'approche économique et la sécurité. Cela permet de mieux mesurer l'investissement de l'entreprise dans la prévention », souligne Philippe Nicol. De la même manière, c'est le responsable des achats d'Armor Peinture, un ancien peintre, qui s'est occupé de l'évaluation du risque chimique. L'organisation du travail, à chaque étape, est un autre leitmotiv. Elle commence dès l'entrepôt, placé sous la responsabilité d'un magasinier, qui gère avec minutie les outils et matériaux qui partent sur chaque chantier. « Nous entretenons des relations privilégiées avec nos fournisseurs, qui nous permettent de gérer les stocks qui coûtent cher au plus juste, tout en évitant les pénuries », se félicite Philippe Nicol, qui ne rechigne jamais à mettre la main à la poche lorsqu'il s'agit d'investir dans de nouveaux matériels pour améliorer le confort au travail et diminuer les risques d'accident. Une cinquantaine de véhicules légers aménagés pour Armor Peinture (et 120 pour les quatre entreprises du groupe), 800 m2 d'échafaudages, sept nacelles et des machines parfois improbables… les équipements sont à la hauteur des besoins.
Armor Peinture a investi dans une machine de découpe des revêtements de sol, installée dans l'entrepôt, pour un coût de 20 000 euros. Au-delà des bénéfices en prévention (diminution des postures pénibles et des risques de coupure), l'entreprise y trouve son compte : 10 % d'économie en matériaux avec une réduction des déchets, et un gain de 10 % en temps de travail. Une étude d'impact d'un équipement similaire est disponible sur preventionbtp.fr.
Investir pour la productivité, mais aussi la sécurité
Philippe Nicol insiste : il ne discute jamais pour acheter du matériel. Pour gagner en productivité, car il aime rappeler qu'un mètre carré de peinture c'est 15 % de matériau et 85 % de main-d'œuvre ! Mais aussi dans un souci de prévention. Explications.
D'abord chauffeur de camion, puis manœuvre, Philippe Nicol a gravi les échelons dans l'entreprise familiale jusqu'à la reprendre avec son frère en 1985, avant de la céder en 2006. Aux commandes d'Armor Peinture, rachetée en 2009, il mouille aussi la chemise pour la profession en tant que président de la section départementale de la FFB.
Quelle est votre stratégie en matière d'investissements ?
Nous investissons régulièrement, dans des matériels parfois inattendus. Récemment, nous avons acheté une machine de découpe pour des matériaux de sol. Je ne savais même pas que cela existait ! Un rouleau de sol souple pèse 150 kg. La manutention dans les escaliers, par les fenêtres, est toujours délicate et fatigante, et la découpe au cutter, sur place, est dangereuse. Désormais, chaque compagnon réalise la prédécoupe en atelier et ne transporte sur le chantier que le matériau nécessaire. Cela permet un gain de temps et d'efficacité. C'est aussi moins de pénibilité.
À quelles difficultés êtes-vous confrontés ?
Pour les travaux d'isolation, nous avons acheté une machine qui projette l'isolant et évite d'avoir à hisser les seaux sur les échafaudages, une tâche fastidieuse. Les compagnons n'ont plus qu'à talocher. Mais beaucoup rechignent car il faut ensuite la nettoyer ! Nous avons également investi dans un exosquelette, Hilti EX0-01, pour les travaux de peinture ou de ponçage, des tâches pénibles et répétitives. Le coût est supportable, environ 1 200 euros. Là encore, il faut convaincre, rappeler la nécessité d'entretenir un matériel fragile. Mais une fois essayé, il est adopté !
Comment accompagnez-vous les compagnons ?
Nous constatons une résistance naturelle au changement. Cela passe par la formation, mais pas que… Pour les inciter à s'approprier ces outils, j'ai instauré une prime de prévention et de propreté de 15 euros par mois. Le résultat est satisfaisant. C'est aussi une manière de responsabiliser chacun individuellement, de mieux faire passer les messages de prévention.
L'aménagement de l'entrepôt permet une gestion optimale des matériels et du stockage des peintures, isolants…
Dans les véhicules légers, équipés des EPI réglementaires, un document affiché récapitule la dangerosité de chaque produit.
Un local amiante a été aménagé, pour entreposer et tracer les consommables (gants, combinaisons…) avant leur destruction.
Pour gagner en efficacité, une machine permet d'effectuer la prédécoupe des revêtements de sol en atelier.
Sur le chantier de l'hôpital de Saint-Brieuc, un exosquelette soulage les articulations pour les travaux de peinture.
Échafaudages mobiles mais aussi « girafe » permettent de poncer les murs et plafonds avec un meilleur confort.
- Dans un contexte tendu sur le front de l'emploi, Armor Peinture et ses satellites rachetés depuis 2017 rassurent les clients. Cela permet de tranquilliser le donneur d'ordre avec un interlocuteur unique et offre plus de flexibilité pour une réalisation des chantiers dans le timing.
- Les plans particuliers de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) sont préparés par les métreurs, et mis en musique par la contrôleuse de gestion, pour gagner en efficacité. Tous ont participé à des formations organisées par la FFB et coanimées par l'OPPBTP.
- L'approche prévention est intimement liée à l'approche économique et de qualité. En partageant les responsabilités, il s'agit aussi de mesurer ce que rapporte chaque euro dépensé en matière de sécurité. La prévention n'est pas perçue comme une dépense, mais comme un investissement.