Avoir la capacité de travailler jusqu’à la retraite
Le docteur Emmanuelle Brichet, médecin du travail au sein du service interentreprises de santé au travail GAS BTP, partage ses constats de terrain.
Date de mise à jour : 29 juil. 2024 - Auteur : Armelle Gegaden
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Le service interentreprises de santé au travail GAS BTP couvre 33 000 salariés issus du BTP sur quatre départements (l'Aisne, l’Aube, la Marne et la Haute-Marne). Depuis plusieurs années, ses médecins du travail compilent des questionnaires de personnes déclarées inaptes. Pour le docteur Emmanuelle Brichet, il faut agir aujourd’hui pour anticiper l’usure professionnelle et permettre aux salariés de garder leur emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite.
Quels sont vos constats sur l’usure professionnelle dans le BTP ?
L’an passé, notre service interentreprises de santé au travail a analysé 167 inaptitudes. Les pathologies à l’origine d’inaptitudes touchent essentiellement l'appareil locomoteur : les mains, les coudes, les épaules, les genoux, le rachis, les hanches, le dos… Nous voyons des lombalgies, des sciatiques, des hernies discales cervicales… Les troubles musculo-squelettiques (TMS) et pathologies de l’appareil locomoteur sont à l'origine de près de la moitié des inaptitudes. Les salariés de plus de 50 ans sont les plus impactés, avec 100 inaptitudes sur 167.
Comment agir pour prévenir l’usure professionnelle ?
Il faut agir à différents niveaux, ne pas sous-estimer les problèmes de santé qui apparaissent de façon précoce, et sensibiliser à l’importance d’une bonne hygiène de vie : avoir une alimentation équilibrée, éviter le surpoids, le tabac, les excès d'alcool, essayer de bien dormir. Le renforcement musculaire et le gainage ne doivent pas être négligés. Je compare les salariés du bâtiment aux sportifs ! Une réflexion de tous les acteurs de l'entreprise va devoir être menée pour anticiper cette usure professionnelle, et permettre aux salariés d’avoir la capacité de travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite.
L'organisation du travail joue un grand rôle…
Les entreprises doivent tout mettre en œuvre pour prévenir l’apparition de TMS et adapter le travail des personnes qui en sont déjà atteintes. Il faut inciter l'ensemble des salariés à faire régulièrement des micro-pauses et limiter les gestes répétitifs : éviter, par exemple, d’utiliser un marteau-piqueur pendant deux heures. Il faut éventuellement proposer davantage de missions d'encadrement aux salariés expérimentés et se doter, quand c’est possible, d’équipements techniques pour soulager les tâches pénibles. Les entreprises doivent notamment anticiper et organiser en amont les approvisionnements en matériau au plus près des postes de travail.
Il faut aussi veiller aux risques psychosociaux…
Quand un ouvrier travaille dans de bonnes conditions, sans trop de pression, sa souffrance musculaire est moindre. À long terme, les personnes s’abîment moins, les arrêts de travail sont moins fréquents et tout le monde est gagnant.
Emmanuelle Brichet est médecin du travail depuis vingt ans au sein du service interentreprises de santé au travail, le GAS BTP. Dans le cadre du suivi médical des collaborateurs, elle conseille employeurs et salariés, et les sensibilise aux risques professionnels.