260 Dossier Élisabeth Soulié

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Recherche d’autonomie, quête de sens, culte de l’instant présent… Si le travail est souvent considéré comme une finalité par les générations X et Y, les Z, plus connectés et mieux informés, considèrent le travail comme un accomplissement. Pour l’anthropologue Élisabeth Soulié, les entreprises ne peuvent plus se satisfaire d’un management à l’ancienne. Comme sur les réseaux sociaux, où tout est horizontal, les Z veulent contribuer, apporter leur pierre à l’édifice et obtenir des « likes » dans la vie réelle.

Les jeunes de la génération Z sont-ils vraiment différents des autres ?

C’est la première génération purement numérique. Elle a vécu la révolution du web 2.0 et le passage d’un internaute spectateur, qui reçoit une information descendante, à un internaute acteur, qui participe, interagit, contribue… « Atawadac » (Any time, any where, any devices, any content) est un peu son cri de ralliement. Elle se connecte tout le temps, à tout moment.

Cette manière de contribuer sur les réseaux explique-t-elle son rapport à l’autorité ?

Complètement. Sur les blogs, les réseaux, tout est très horizontal. Il n’y a plus d’autorité reconnue comme descendante, mais simplement des gens qui interagissent en « peer-to-peer » (d’égal à égal, NDLR) : « Je donne mon avis, et ma parole vaut autant que celle de l’expert. » Cela se traduit par la fin de l’autorité descendante, de statut, et l’avènement d’un autre type d’autorité : de savoir-faire, attribuée, liée à la confiance, partagée, tournante, éphémère. Plus rien n’est figé dans le marbre : « J’attribue l’autorité à une personne à un moment donné. Mais elle peut être reprise, échangée… »

Faire « avec » est très important pour les Z…

C’est une génération tribale, qui veut vivre des choses ensemble, c’est-à-dire « avec », « à côté de ». C’est très nouveau. Les Z font le pari du collectif. Ils veulent générer de l’intelligence collective, des synergies, métisser les talents, hybrider les compétences pour apporter des solutions innovantes… Les réseaux sociaux, système tribal par excellence, ont 20 ans, comme eux… On est passé du « do it yourself » au « do it with the others ».

Pouvez-vous détailler cette notion de « peer-to-peer »?

C’est à mon avis quelque chose de révolutionnaire. Cette génération ne se pense plus en tant qu’individu, mais en termes de personnes. Les générations précédentes se croyaient interchangeables, comme une unité numérique au sein d’une multitude, comme un pion sur un échiquier. La génération Z a vu ses aînés en burn-out. Les Z se voient comme des valeurs ajoutées. Cela demande au manager de proximité la prise en compte de la personne dans sa totalité, avec ses émotions, son unicité, dans une relation horizontale : « Je ne suis pas un kleenex qu’on jette. Je dois pouvoir m’épanouir et me développer au sein de mon travail. »

Qu’est-ce qui « coince » souvent ?

On n’a pas appris aux enseignants et aux managers à être « à côté » et pas « au-dessus », à avoir « un pouvoir avec ». Les Z veulent se développer personnellement, non plus dans une spirale hiérarchique – la plupart ne veulent plus devenir manager –, mais pour multiplier les expériences.

Élisabeth Soulié

Diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Élisabeth Soulié est anthropologue, coach, formatrice, conférencière et auteur de l’ouvrage La Génération Z aux rayons X, aux éditions du Cerf.

Cette génération ne se pense plus en tant qu’individu, mais en termes de personnes. […] Les Z se voient comme des valeurs ajoutées. 

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