Pourquoi faut-il assurer la prévention collective des consommations de substances psychoactives ?

L’INRS met à disposition des entreprises et des préventeurs des outils, dossier web, brochure, formations…, pour développer la prévention des consommations de substances psychoactives en milieu de travail. Une manière de contribuer à endiguer un problème de santé publique et de santé et sécurité au travail. Le point avec Philippe Hache, médecin à l'INRS.

Que sait-on des pratiques addictives dans le BTP, en particulier du cannabis et du CBD ?
Le BTP est désormais dans la moyenne par rapport aux autres secteurs, selon les données de Santé publique France de 2017, alors qu’il était au-dessus en 2010. En moyenne, 10 % de la population active consomme du cannabis une fois dans l’année. En population générale, 900 000 en consomment tous les jours, selon les chiffres 2017 de Santé Publique France. Pour le CBD, nous n’avons aucune donnée. Ces chiffres sont toutefois à mettre en regard avec ceux de la consommation d’alcool – largement prépondérante avec cinq millions de consommateurs quotidiens en population générale. Pour Santé publique France, 6,4 % des travailleurs consomment quotidiennement de l’alcool. L’attention est parfois très centrée sur le cannabis, ce qui peut occulter l’ampleur du problème alcool.

Quels sont les risques inhérents à la consommation de cannabis ?
Certains professionnels ont une consommation simple ponctuelle, mais qui peut devenir régulière et nocive. Cela provoque, entre autres, des troubles de la vigilance et des pertes de mémoire, ce qui augmente les risques d’accident. Des risques sur le plan cardiovasculaire existent également. Comme pour les autres substances psychoactives, le stade ultime de la consommation, c’est la dépendance, l’addiction. Vous êtes conscient que la consommation est dangereuse pour vous mais vous n’arrivez pas à arrêter de consommer. Votre journée s’organise autour de votre consommation, au détriment des activités familiales, sociales, professionnelles… Cela nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et notamment addictologique. Une enquête de l’INRS montre que 7 % des travailleurs sont en difficulté avec le cannabis. Et puis, il faut aussi penser aux combinaisons alcool + cannabis. L’accidentologie routière française nous montre que lorsque vous conduisez sous influence de l’alcool, vous multipliez par 17,8 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel, 1,65 fois avec le cannabis.

La consommation et l’addiction sont-elles corrélées aux conditions de travail ?
Oui, les conduites addictives sont de nature multifactorielle, avec des facteurs liés à la vie privée et des facteurs professionnels favorisant les consommations, dont le stress, le port de charge, les horaires atypiques, le travail en extérieur et isolé. C’est pourquoi, il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures de prévention collective vis-à-vis de l’usage de substances psychoactives pour ne pas laisser évoluer les professionnels qui sont au stade de l’usage régulier vers la dépendance. L’INRS a créé un site web dédié pour outiller les préventeurs, il est aussi accessible aux employeurs et aux représentants du personnel afin de leur permettre de se former sur le sujet.