Lot logistique : anticiper pour améliorer la performance du chantier
La coordination entre le coordonnateur SPS et le maître d'œuvre dès les premières étapes de conception d’un bâtiment permet de gagner considérablement en confort de travail et en performance. Revue de ces enjeux parfois sous côtés.
Date de mise à jour : 24 févr. 2025 - Auteur : Jeremy Debreu

©Frédéric Vielcanet
- La phase de conception est déterminante une logistique de chantier efficace.
- Le rôle du CSPS, en lien avec le maître d'œuvre et le maître d’ouvrage, est crucial.
Dossier paru dans PréventionBTP n°292-Février 2025-p. 6
« Le rôle du coordonnateur SPS se joue à 80 % en phase de conception et va permettre au maître d’œuvre de gagner à la fois en prévention et en gestion des phases de travaux liées à la logistique. » Frédéric Fize, responsable du domaine Coordination SPS au sein de la direction technique de l’OPPBTP, plonge directement dans le cœur du réacteur : en intégrant les éléments de logistique mis en commun dans le plan général de coordination SPS (PGCSPS) élaboré par le CSPS, le maître d'œuvre s’assure des moyens adaptés pour un chantier réussi. Cela passe par l'identification des zones de stockage, des accès et des flux de circulation, mais aussi par la mise en commun des appareils de levage et des plannings de livraison intégrant les phases de coactivité.
Les avantages du lot logistique
Comment le lot logistique – parfois appelé « lot zéro » – peut-il contribuer activement à augmenter la performance durant la phase de construction ? La logistique regroupe l’ensemble de mesures définies en amont qui permettent d’optimiser les aspects organisationnels du chantier : stocks, transports, flux, manutention, construction-déconstruction, équipements, démontage… « En somme, c’est acheminer le bon produit au bon moment au bon endroit, dans la bonne quantité, avec un minimum de stock et de manutention », abonde Malika Benamar, responsable des Méthodes constructives et du Lean à la direction technique de l'OPPBTP. Une logistique performante aura des impacts sur l’accidentologie, car 48 % des accidents sont liés aux manutentions manuelles, dont la plupart lors de la phase d'approvisionnement. Les flux mal identifiés ou mal gérés contribuent à un encombrement du chantier et deviennent des sources d’accident. À l’inverse, la programmation de livraisons de matériel à pied d'œuvre est un facteur direct de sécurisation du chantier. Au-delà de l’aspect prévention, il s’agit aussi d’efficacité et de performance économique, affirme Arnaud Krebs, responsable d’opérations au sein de la direction technique de l’OPPBTP : « L'organisation des moyens communs est gagnante pour tout le monde. C’est typiquement le cas de l’échafaudage, nécessaire pour le maçon, le menuisier, l’électricien, la pose de l’isolation extérieure… Plutôt que chaque entreprise monte son propre matériel, le CSPS peut organiser la mise en œuvre d’un échafaudage plus grand et mieux adapté. » Les coûts, mutualisés, peuvent être perçus au premier abord comme une charge supplémentaire pour les entreprises du chantier. Pourtant, mutualiser coûte moins cher. « Un chef d’entreprise ne connaît pas forcément le coût unitaire de sa logistique, mais des compagnons déchargés de tout ou partie de la manutention logistique et concentrés sur leur expertise métier vont être considérablement plus efficaces et satisfaits de leurs conditions de travail », souligne-t-il. Une meilleure organisation logistique permet des gains de temps et d’efficacité, mais peut aussi se parer de vertus environnementales, notamment en lien avec les lois ZFE (zones à faibles émissions) qui limitent la circulation des camions de livraison en milieu urbain, ou circularité des déchets.
Sur ce chantier, à Belfort, des zones de stockage extérieures ont été soigneusement réparties, identifiées par matériaux et balisées pour sécuriser les circulations.
Pratiques constructives sur et en dehors du chantier
Les avantages sur le chantier sont donc nombreux lorsque des pratiques claires sont mises en place et partagées par toutes les entreprises qui y travaillent, au-delà des mesures de chargement et déchargement et du plan d’installation chantier (PIC) visant à définir en amont les zones de circulation et de stockage. Parmi les critères, les besoins en matériaux vont permettre de déterminer la mise en commun des moyens de levage, détaille Arnaud Krebs : « Si un ascenseur convient pour déposer des palettes européennes, on préférera toutefois un palonnier à ventouses s’il y a des livraisons de vitres avec châssis métallique et double-vitrage par exemple. » Le BTP innove aussi dans ses méthodes constructives. Des pratiques comme la construction hors-site permettent de désencombrer le chantier en livrant des éléments pré-assemblés, réduisant ainsi les interventions multiples in situ. La mise en œuvre d’un site de logistique sur une base arrière ou un entrepôt extérieur (Centres de Consolidation de la Construction, CCC) permet d’optimiser la logistique du chantier. Cela ouvre un nouveau champ des possibles, affirme Malika Benamar. C’est la pratique du « kitting » : « En définissant les besoins à chaque poste de travail pour chaque pièce, les livraisons pourront être organisées à pied d'œuvre, suivant le planning du chantier. » Ces solutions optimisent les chargements et réduisent de 30 à 40 % le flux de camions. À la clé : moins de risques routiers, moins d’encombrements de chantier, moins de risques de heurt engin-piéton, et une amélioration directe des conditions de travail.
Le trio CSPS, maître d'œuvre et maître d’ouvrage
Le rôle du CSPS est donc de définir en amont des mesures de prévention pour pouvoir gérer les risques, qui sont liés aux interférences entre les différentes entreprises qui interviennent sur un chantier. Ces mesures sont définies notamment au travers d’échanges réguliers entre le CSPS et le maître d’œuvre. Mais il ne faut pas oublier le rôle majeur du maître d’ouvrage selon Frédéric Fize : « Au final c’est lui qui valide l’intégration des mesures de prévention, qui peut impulser des politiques de prévention fortes sur le chantier. » De la coordination encore une fois !