En résumé
    • Les remontées d’événements touchant à la sécurité contribuent à la vigilance collective permanente.
    • L’entreprise se prépare aux défis de la transition énergétique.

    Interview parue dans PréventionBTP n°275-Juillet-Août 2023-p. 34

    275 Grand entretien - Pierre Duvieusart, directeur général adjoint, GRTgaz

    ©Ph. Jacob

    Pierre Duvieusart, directeur général adjoint de GRTgaz, explique comment l’entreprise a progressé en prévention depuis plus de vingt ans, avec ses entreprises intervenantes. Ancrée dans le quotidien des équipes, la sécurité des personnes et des installations doit s’adapter aujourd’hui à la transition énergétique.

    Parcours

    Pierre Duvieusart est ingénieur en mécanique de l’Université catholique de Louvain et ingénieur Économie et Gestion de l’Énergie (IFPEN).
    1992 : il rejoint Elf dans des fonctions de business development, puis de contrôle financier et de communication financière.
    2001 : il intègre Gaz de France en tant que responsable des chantiers financiers de l’introduction en bourse de l’entreprise.
    2006 : adjoint du directeur financier de GRDF.
    2012 : directeur financier de GRTgaz (2012).
    Depuis septembre 2018 : directeur général adjoint de GRTgaz, filiale d’Engie et de la CDC (Caisse des dépôts et consignations).

    Dans le cadre d’un accord de partenariat, depuis 22 ans, l’OPPBTP, GRTgaz et Storengy mènent des actions de sensibilisation, de formation et de conseil en prévention sécurité auprès des entreprises sous-traitantes et des maîtres d’ouvrage sur les chantiers d’infrastructures gazières. Quel bilan en tirez-vous ?
    GRTgaz, par ses activités d’opérateur de transport de gaz à haute pression, porte dans ses gènes l’importance de la sécurité des personnes et des biens : celle de nos salariés, des intervenants des entreprises extérieures et des riverains. Au fil des années, et notamment grâce à notre coopération avec l’OPPBTP, nous avons bien progressé. La sécurité est devenue un sujet fédérateur dans l’entreprise. Nous favorisons toutes les remontées d’événements, que ce soit au niveau des fonctions techniques et industrielles mais aussi au niveau des fonctions tertiaires. Ce partenariat avec l’OPPBTP est très positif, il nous permet de mettre des réflexions en commun et d’avoir des retours d’expérience d’entreprises qui nous ressemblent. L’OPPBTP a de son côté une pédagogie reconnue pour les formations et une compétence technique appréciées par nos entreprises.

    Qu’est-ce qui change avec l’accord signé en avril dernier pour 2023-2028?
    La nouveauté principale de l’accord est l’élargissement à de nouveaux partenaires, Teréga, Trapil et Géométhane. Il réunit ainsi les cinq principaux acteurs intervenant comme maître d’ouvrage et maître d’œuvre sur les chantiers d’ouvrages gaziers et hydrocarbures au plan national. Cela va renforcer nos échanges de bonnes pratiques et les élargir aux flux liquides.

    Quelles actions majeures vous ont permis de progresser en prévention?
    Nous avons notamment initié, dans le cadre de ce partenariat, les passeports sécurité HSE transport. Il s’agit d’une obligation pour les personnes intervenant sur nos sites de compléter leurs formations traditionnelles dispensées lors de l’accueil. Une formation de quatre heures est suivie par toutes les personnes intervenant afin de les sensibiliser à nos risques particuliers. Des formations plus complètes sont suivies par les personnes supervisant les chantiers. Autre
    action emblématique, l’OPPBTP, GRTgaz et Storengy organisent tous les deux ans les Trophées Sécurité, une cérémonie qui récompense les entreprises sous-traitantes pour leurs résultats en matière de prévention. Cette année s’est tenue la seizième édition de cette initiative qui trouve un écho en interne avec un challenge sécurité. Cette coopération nous a également permis de réaliser une série de films courts très utiles pour rappeler aux équipes les points de vigilance particuliers à retenir avant de commencer certaines activités. Plus ponctuellement, GRTgaz a fait appel à l’OPPBTP sur certains chantiers – par exemple lors de réalisations de fouilles – pour rehausser notre niveau de sécurité afin d’intégrer les meilleurs standards de la profession.

    275 Grand entretien - Pierre Duvieusart, directeur général adjoint, GRTgaz

    GRTgaz, par ses activités d’opérateur de transport de gaz à haute pression, porte dans ses gènes l’importance de la sécurité des personnes et des biens. 

    Pierre Duvieusart 

    Comment se traduit cette implication de tous autour du sujet de la sécurité?
    Nous mettons particulièrement en avant le point d’arrêt. Y compris sur les chantiers sensibles, chacun peut et doit demander un point d’arrêt s’il a un doute sur une question touchant à la sécurité, si le chantier ne se déroule pas comme prévu. Par exemple, si un engin de levage différent de celui qui était attendu arrive sur le chantier, cela doit éveiller l’attention et ce point d’arrêt sera apprécié par tous.

    Quels résultats avez-vous obtenus en matière de sinistralité et d’amélioration des conditions de travail?
    Sur le temps long, notre taux de fréquence et celui de nos entreprises extérieures suivent une trajectoire d’amélioration continue. Nous comptons peu d’événements réellement graves touchant à la santé des personnes. De plus en plus, nous intégrons les entreprises extérieures : il existe un effet miroir entre les actions menées auprès de nos salariés et celles qui sont tournées vers les salariés des entreprises extérieures travaillant sur nos sites.

    Vous prêtez aussi une attention particulière aux remontées d’incidents et de presqu’accidents…
    En effet, il est essentiel de regarder les événements qui auraient pu mal tourner, les HIPOs (pour high potential, en anglais, NDLR). Ce sont des situations présentant un danger d’une gravité telle que leur réalisation aurait pu conduire à un mort ou à un blessé grave. Notre équipe dédiée à la santé-sécurité au travail (SST) dialogue en permanence avec les équipes de terrain afin de déterminer comment classifier les différents événements qui se produisent, les analyser et en tirer les enseignements. Nos démarches en SST sont organisées autour d’une approche des facteurs techniques, organisationnels et humains. Par le passé, nous allions souvent chercher les causes des accidents dans des problèmes techniques. Nous interrogeons aujourd’hui notre système de management, notre organisation. Nous avons également monté un programme pour nous assurer que tous les salariés conservent leur professionnalisme en sécurité dans la
    durée.

    Nos démarches en SST sont organisées autour d'une approche des facteurs techniques, organisationnels et humains.

    Pierre Duvieusart 

    Quelles sont vos principales causes d’accidents du travail?
    Heureusement, les accidents qui se matérialisent ne sont pas ceux qui sont potentiellement les plus graves dans nos métiers, comme les explosions. L’accidentologie est plutôt liée aux chutes de plain-pied et aux déplacements, spécialement les accidents de trajet avec des deux-roues. J’observe que l’attention portée aux risques majeurs conforte celle prêtée aux risques moins graves.

    Quelles sont les innovations technologiques qui transforment votre métier et aident également à mieux protéger vos équipes?
    Nous avons une culture de l’innovation forte. Nous organisons un challenge innovation interne et un challenge open innovation. Une illustration : afin d’éviter l’impact environnemental de rejets de gaz dans l’atmosphère lors de la purge d’un tronçon de canalisation, des équipes de terrain ont eu l’idée d’un système de compression mobile pour récupérer le gaz. Nos techniciens volontaires sont également formés à la conduite de drones. Ils mutualisent les cas d’usage entre eux, par exemple pour la surveillance aérienne du réseau. Sur les sites fermés, plutôt que d’utiliser un échafaudage, l’usage de drones diminue le temps de réalisation des opérations et les risques de chutes de hauteur. Par ailleurs, nous nous sommes associés avec une entreprise de jeux vidéo pour créer un poste de gaz accessible en réalité augmentée afin de former nos jeunes techniciens qui découvrent le maniement des équipements de notre réseau. Il permet de simuler des incidents ou des pannes afin de savoir comment réagir.

    Un de vos enjeux est de travailler à la transformation des infrastructures gazières pour relever les défis de la transition énergétique…
    Le mouvement de transition énergétique engendre beaucoup de changements auxquels nous nous préparons. Pour nous accompagner sur ces défis, nous nous appuyons sur notre centre de recherche Rice (Research and Innovation Center for Energy) fort de plus de 100 professionnels et très ouvert sur le monde extérieur. L’incubateur Nova que nous venons d’y lancer ou le banc d’essai d’équipements dans un environnement hydrogène en sont deux illustrations. Notre réseau accueille en effet de plus en plus de biométhane, mais surtout les flux de gaz ne sont plus les mêmes avec des injections croissantes dans le réseau secondaire. Les postes d’injection aux spécificités additionnelles ou les nouvelles unités décentralisées de compression nécessitent des compétences nouvelles avec des risques de nature différente. Nous sommes en phase d’industrialisation et de formation des équipes sur ces sujets. Autre transformation : l’accueil de nouveaux gaz, hydrogène et CO2. Le fluide transporté est intrinsèquement différent. Nous devons donc adapter la conception, la réalisation et l’exploitation des réseaux. C’est un champ de travail nouveau avec l’OPPBTP et les entreprises partenaires sur lequel nous avons besoin de monter en compétences.

    GRTgaz

    En France, GRTgaz exploite plus de 32 500 km de canalisations enterrées pour transporter le gaz des fournisseurs vers les consommateurs raccordés à son réseau : gestionnaires des distributions publiques qui desservent les communes, centrales de production d’électricité, sites industriels. L’entreprise compte 3 330 salariés et a réalisé près de 2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Le réseau de GRTgaz se compose de stations de compression, de postes de détente, de canalisations, dont GRTgaz assure la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance. La politique de sécurité de GRTgaz couvre l’ensemble de ces étapes. Elle fixe les règles et les procédures qui cadrent ses activités quotidiennes. Pour adapter son réseau aux défis écologiques et numériques, GRTgaz est engagée en faveur d’un mix gazier français 100 % neutre en carbone en 2050. Elle soutient les filières d’hydrogène et de gaz renouvelables (biométhane et gaz issus des déchets solides et liquides). 

    PORTRAIT CHINOIS

    Votre mot préféré ? Enthousiasme.
    Le mot que vous détestez ? Arrogance.
    Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Responsable de projet pour une mission de lancement de satellite d’Arianespace.
    Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ? Dentiste… ou un métier très répétitif.
    Votre bâtiment préféré ? Le Palais Garnier, un lieu de culture qui vieillit bien.
    Le son, le bruit que vous aimez ? Le chant des oiseaux le matin.
    Le son, le bruit que vous détestez ? Un bruit strident.
    Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? L’intégrale des Mémoires de guerre, de Winston Churchill.
    Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? Simone Veil.

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