En résumé
  • One Safety a permis d’éviter environ 400 accidents dans son périmètre de déploiement.
  • Les 15 000 managers, en première ligne pour l'animer, bénéficient d’un coaching d’équipe.
  • Article paru dans PréventionBTP n°266, p. 42 (octobre 2022).

266 Stéphane Citerne, directeur du pôle Transformation culturelle chez Colas

©Frédéric Vielcanet

Comment passer d’une culture sécurité fondée sur la contrainte à une démarche d’engagement volontaire ? C’est ce que fait Colas en Europe, et notamment en France, avec le programme One Safety, dont Stéphane Citerne est le directeur au sein de la direction Santé Prévention Sûreté du groupe. Il explique comment cette démarche mobilise le groupe pour encourager et pérenniser une prise de conscience des risques en amont afin d’adopter des comportements plus sûrs.


Le sujet de la santé-sécurité est une préoccupation de longue date dans l’entreprise. Comment est née la démarche One Safety?

Nous sommes partis d’un constat. L’évolution de notre taux de fréquence, qui avait baissé entre 2000 et 2010, stagnait depuis, et nous avions du mal à le faire diminuer davantage malgré tous nos efforts. Dès 2016, en Amérique du Nord, les entités locales de Colas avaient lancé un programme de transformation culturelle dit « Goal Zero » alors que leurs résultats de départ étaient bien meilleurs que ceux des entités françaises. En réalité, en France, nous avions agi sur les aspects techniques et organisationnels du travail. Nous ne corrigions pas les causes profondes des accidents. Il nous restait à toucher à l’aspect comportemental via le management.


Comment avez-vous procédé?

Nous avons décidé de nous faire accompagner par un cabinet spécialisé. Une consultation a été lancée via un cahier des charges. L’objectif premier était d’établir un état des lieux de nos pratiques : les consultants sont allés sur le terrain pour évaluer la maturité des équipes, définir les profils de risques rencontrés en fonction des activités. Ils ont observé nos rituels managériaux et nos occasions d’échanges. Nous avons ensuite conjointement construit un référentiel basé sur une approche managériale avec de la méthode et un langage adaptés à notre culture d’entreprise. Enfin, la phase d’accompagnement au changement a pu commencer.


En quoi consiste-t-elle?

Nous avons identifié et formé cinquante coaches internes. Ils sont garants de l'efficacité du process afin d’accompagner les 15 000 managers sur le périmètre retenu. Avec One Safety, nous souhaitons que les managers soient eux-mêmes exemplaires en matière de sécurité, qu’ils soient en mesure de mieux appréhender les risques sur le terrain et qu’ils sachent poser les bonnes questions pour rendre leurs interlocuteurs plus autonomes sur les comportements sûrs à adopter. La première composante concernée dans l’entreprise a été la direction générale France et nous sommes ensuite allés jusqu’aux chefs d’équipe. Les coaches sont eux-mêmes des managers qui se mettent à l’écart de leur activité habituelle à temps plein et y reviendront après le déploiement de la démarche. La grande majorité sont des conducteurs de travaux, adjoints d’exploitation, chefs d’établissement ou préventeurs.


Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés?

Deux objectifs sont présentés : ne plus avoir d’accident mortel et diviser par deux le nombre d’accidents. Nous visons un taux de fréquence en France inférieur à cinq, la cible proposée par la direction Santé Prévention Sûreté au niveau du groupe étant de trois. Nous adoptons une approche par le risque. C’est en analysant le risque que l’on va mieux prévenir un accident. Or, nous avons constaté que nous agissions plutôt sous la contrainte : « Je porte le casque car c’est la règle » plutôt que « je me protège la tête ». Il nous fallait travailler sur la prise de conscience du risque et de ses conséquences pour s’engager à adopter des comportements plus sûrs. Passer de la dépendance à une culture de la sécurité autonome : « Je respecte les règles car je l’ai décidé. »


Quel est le contenu du programme One Safety?

Le programme s’appuie sur six routines régulières. Je citerai quelques exemples. Le contact sécurité : il s’agit de parler d’un événement arrivé à titre personnel et qui nous a fait changer notre comportement. L’échange sécurité : il s’attache aux modes de communication avec un collaborateur, à la capacité d’exprimer ce qui va bien, de dire bravo, et, en même temps, de savoir dire ce qui va moins bien. Le starter est une réunion de briefing d’équipe participative au cours de laquelle l’encadrement explique où il veut aller et ce sont les collaborateurs qui nomment les risques et indiquent quels sont les moyens de prévention. Cela a un grand intérêt : si le compagnon a dit ce qu’il allait faire, il le fait. Autre rituel, le Safety meeting consiste en une causerie sur un sujet commun. Par exemple, si une série d’accidents a eu lieu sur le même sujet ou si des situations dangereuses sont rencontrées fréquemment, nous les abordons.


Quels sont les premiers résultats obtenus?

Le programme a démarré en 2019 et, malgré la crise de la Covid, nous avons poursuivi la démarche, convaincus que les résultats allaient venir, comme cela a été le cas en Amérique du Nord avec le programme Goal Zero. Au bout d’un an, seuls 4 % des managers étaient formés. En 2020, 17 % et nous avions déjà amélioré notre TF (taux de fréquence, NDLR) de 15 %. À fin 2021, 64 % des managers étaient  embarqués et notre TF amélioré de 40 %. La vraie bascule s’est faite au bout d’un an et demi et de manière constante. Nous avons estimé que le déploiement du programme coûtait un paquetage d’EPI par personne, soit environ 300 euros. Cela en vaut la peine ! Autre résultat important : après avoir encouragé la remontée des presqu’accidents, nous sommes passés de zéro à environ 4 000 presqu’accidents recensés. L’intéressement à la sécurité, qui existait avant, est aujourd’hui davantage cadré : une partie est liée aux résultats et une grande partie aux moyens mis en œuvre pour y parvenir. La digitalisation nous aide : les équipes de Colas Digital Solutions ont développé, selon un cahier des charges ad hoc, un outil de mesure, Quick Connect, des comportements, dans lequel ont déjà été enregistrées près d’un demi-million de données, sur la mise en place des routines, les règles enfreintes, dans quels secteurs, les sujets évoqués sur le terrain, les réactions des managers… Nous disposons d’un tableau de bord synthétique, qui nous permet de communiquer sur les bonnes pratiques, les presqu’accidents et les comportements à risque, et décider des focus sur lesquels mener nos actions de sensibilisation.


Quels sont les risques particuliers sur lesquels vous avez agi à travers One Safety?

Au démarrage, nous avons concentré nos efforts sur la collision engin-piéton et nous avons considérablement augmenté le nombre de comportements sûrs sur ce sujet. Nos métiers sont aussi confrontés aux dangers liés aux travaux de canalisation, à proximité des réseaux, au risque routier et aux risques liés aux opérations de levage. Nous avons également mené des actions autour des maux de dos et des chutes de plain-pied, que nous avons diminuées.


Quelles sont les perspectives du programme ?

Après l’Amérique du Nord et la France, la direction Santé Prévention Sûreté vise à couvrir l’ensemble du périmètre d’activité du groupe à savoir cinquante-deux pays. Ce sera aussi un moyen de mieux partager nos retours d’expérience. Un des enjeux est de rédiger les process sécurité et de les harmoniser en termes de méthode et de résultat. Il nous faut aussi partager une analyse commune des accidents. Nous avons également créé Safelix, une plate-forme de streaming propre au Groupe Colas qui permet le partage de nos vidéos de sensibilisations sur les sujets prévention.


En tant que président du comité Santé-sécurité de Routes de France, quels sont vos principaux dossiers?

Nous devons contractualiser plus finement des actions sur les intérimaires. Avec le Pasi (passeport sécurité intérim, NDLR), nous observons 40 % d’accidents en moins, or, 5 % seulement de nos intérimaires ont suivi avec succès cette formation. Nous restons aussi impliqués dans la campagne Routes barrées et sur le sujet du partage de responsabilité avec la maîtrise d’ouvrage et les concessionnaires lors de travaux à proximité des réseaux. Propos recueillis par Virginie Leblanc

PROFIL
  • Les principaux métiers de Colas, filiale du groupe Bouygues, sont la construction, l’entretien et la maintenance des infrastructures de transport. Mais aussi la production, la distribution et la vente de matériaux de construction ainsi que la conception et l’ingénierie de grands projets dans le ferroviaire. Colas exerce également une activité de transport d’eau et d’énergie.
  • L’entreprise emploie 57 000 collaborateurs dans le monde, dont plus de 29 000 en France. Colas est implanté dans 52 pays. Le groupe dispose d’un réseau de 800 entités locales et de 3 000 unités de production et recyclage de matériaux.
  • En 2021, Colas était présent sur 60 000 chantiers et a réalisé un chiffre d’affaires de 13,2 milliards d’euros, dont 46 % en France.
  • Le taux de fréquence des accidents est passé de 6,12 en 2020 à 5,04 en 2021. L’objectif du groupe demeure d’atteindre le « zéro accident ».
    Colas est engagé dans une stratégie de décarbonation et de contribution à la neutralité bas carbone à travers diverses solutions innovantes.

Stéphane Citerne, ingénieur de l’École des Mines de Douai, travaille chez Colas depuis 1995. Il s’est formé au coaching et à la supervision individuelle et d’équipe.
1995. Ingénieur Tour de France.
1996. Conducteur de travaux puis adjoint d’exploitation en Charente Maritime.
2006. Chef d’agence en Charente.
2014. Directeur QSE filiale Sud-Ouest.
2019. Directeur du programme de transformation de la culture sécurité pour le groupe Colas au sein de la direction Santé Prévention Sûreté.
2022. Président du comité Santé-sécurité de Routes de France.

Deux objectifs sont présentés : ne plus avoir d’accident mortel et diviser par deux le nombre d’accidents. 

PORTRAIT CHINOIS

Votre mot préféré? Trois réflexions me guident « Carpe Diem », « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends », (Nelson Mandela), « Donne un poisson à un homme,
tu le nourris pour un jour; apprends-lui à pêcher, il se nourrira toute sa vie », (Lao Tseu).

Le mot que vous détestez?
L’hypocrisie et l’arrogance.

Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre?
Compositeur (de textes qui touchent).

Le métier que vous n'auriez pas aimé faire?
Un métier où rien ne change.

Votre bâtiment préféré?
Le stade Félix Bollaert à Lens.

Le son, le bruit que vous aimez?
« Les Corons » de Pierre Bachelet repris en chœur par les supporters lensois.

Le son, le bruit que vous détestez?
Celui d’une personne qui n’amène que des problèmes et aucune option de solution.

Le livre que vous emporteriez sur une île déserte?
Les Accords Toltèques, (Don Miguel Ruiz).

Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque?
Thomas Pesquet, pour son humilité.

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