Ils ont emballé l’Arc de Triomphe : retour sur un chantier hors normes
Un chantier hors du commun va se terminer en novembre. Après avoir été empaqueté, le déshabillage de l’Arc de Triomphe a commencé. Le rêve fou du plasticien Christo s’est réalisé. Il aura nécessité deux ans de préparation pour les cordistes et les charpentiers.
Date de mise à jour : 5 oct. 2021
Auteur : Armelle Gegaden
©Wolfgang Volz © 2021 Christo and Jeanne-Claude Foundation
L’opération « Arc de Triomphe, Wrapped* » s’achève. Emballer l’Arc de Triomphe comme un paquet cadeau géant, c’était le rêve fou de l’artiste bulgare Christo et de sa femme Jeanne-Claude, célèbres pour l’empaquetage de monuments historiques. On se souvient du Pont-Neuf en 1985 ou du Reichstag en 1995.
Démontage de l’œuvre de Christo jusqu’au 11 novembre
Après deux semaines d’exposition, le démontage a démarré lundi 4 octobre et doit s’achever avant les cérémonies du 11 novembre.
Comme des spis de bateaux géants, les 25 000 m² de toile en polypropylène vont être saucissonnées, « nattées », puis affalées par les cordistes du Réseau Jade. Les Charpentiers de Paris vont peu à peu désassembler toutes les structures métalliques qui tenaient le tissu et les grandes cages qui protégeaient les sculptures. Les deux grandes plates-formes élévatrices de 130 m² vont refaire leur apparition, ainsi que la poutre treillis de 32 mètres, les deux grues de 200 et de 300 tonnes, les nacelles... Les Charpentiers de Paris vont évacuer les 130 tonnes de lest qui supportent l’effort des toiles au pied de l’Arc.
Quatre-vingt-quinze cordistes du Réseau Jade ont déroulé d’énormes rouleaux de tissu et installé toutes les cordes. ©Wolfgang Volz © 2021 Christo and Jeanne-Claude Foundation
Deux ans de préparation
Un chantier hors normes va s’achever. « Pour nous, c’est deux ans d’études, de prototypage, de mises au point, sous la supervision de Christo », relate Sébastien Roger, directeur de construction des Charpentiers de Paris, une entreprise déjà à l’œuvre sur le Pont-Neuf en 1985. Dans ses ateliers, à Bagneux (Hauts-de-Seine), une maquette à 50 % a permis à l’artiste plasticien, avant son décès en mai 2020, de valider les techniques de pose, la position des plis, les finitions sur les voûtes, le diamètre des cordes, etc. Un bureau d’études allemand (Schlaich Bergermann Partner) a réalisé des calculs poussés pour vérifier les résistances de la structure, notamment avec des cordistes.
Un travail jour et nuit
Deux ans de préparation, pour un début de chantier le 15 juillet 2021. Le timing est serré. « Pendant un mois et demi, nos quarante-cinq charpentiers se sont relayés jour et nuit », raconte Sébastien Roger. Pour leur confort et leur sécurité, Christo a prévu une base vie de 7 000 m², avenue de la Grande Armée, avec un cuisinier 24 h/24 !
Les Charpentiers de Paris vont évacuer les 130 tonnes de lest qui supportent l’effort des toiles au pied de l’Arc. ©Wolfgang Volz © 2021 Christo and Jeanne-Claude Foundation
Travail en hauteur et chantier ouvert au public
En termes de prévention, sur un chantier ouvert au public, le travail en hauteur a nécessité la création de deux planchers d’échafaudage : un premier tunnel de protection du public à quatre mètres de hauteur et un second plancher totalement fermé à seize mètres. L’entreprise a fait le choix d’une préfabrication à l’extrême des éléments métalliques et en bois afin de limiter au maximum les usinages sur le chantier.
Créer la forme voulue par Christo
Entre le 12 et le 15 septembre, quatre-vingt-quinze cordistes du Réseau Jade ont déroulé d’énormes rouleaux de tissu de 8 mètres de large sur 50 mètres de long et installé toutes les cordes. « C’est ce que les gens ont vu à la télé. Mais le gros du travail était à l’intérieur, derrière le tissu », explique François-Yves Jolibois, directeur du Réseau Jade. Il s’agissait surtout de structurer la forme voulue par l’artiste et de donner vie à cette « marionnette » en tirant sur ses fils, grâce à des règles d’ancrage et à des tailles de cordes assurant la liaison entre l’armature métallique et le tissu. Sur le chantier, Vladimir Yavachev, le neveu de Christo, supervise les derniers réglages, tandis que la chorégraphie aérienne doit paraître sans effort.
Le travail en hauteur a nécessité la création de deux planchers d’échafaudage. ©Wolfgang Volz © 2021 Christo and Jeanne-Claude Foundation
Des cordistes formés et entraînés
05Les deux précédentes années, les cordistes se sont entraînés sur un chantier à taille réelle imitant le déport de la corniche. Pour des raisons de sécurité, personne ne doit jamais se retrouver sous les rouleaux de tissu pesant près d’une tonne. L’intégralité des douze phases du chantier a été rédigée par François-Yves Jolibois ainsi « qu’un mode opératoire en sécurité » comportant la chronologie, les risques importés, les risques exportés et tous les points d’arrêts obligatoires. Car dans cette période, jusqu’à cent cinquante personnes ont travaillé en même temps sur l’Arc de Triomphe. Et dans le ballet des nacelles, des cordistes et des charpentiers, une coordination et une communication millimétrées étaient essentielles.
Les deux précédentes années, les cordistes se sont entraînés sur un chantier à taille réelle imitant le déport de la corniche. ©Wolfgang Volz © 2021 Christo and Jeanne-Claude Foundation
*Emballé, en anglais.