Être enceinte sur un chantier, s'y préparer
Les femmes représentent moins de 2 % du personnel de chantier. La féminisation des professions du BTP est récente, et les femmes y sont souvent jeunes et en âge de procréer. La survenue d’une grossesse peut présenter certains risques d’autant plus simples à gérer que le projet de maternité aura été anticipé en lien avec la médecine du travail.
Date de mise à jour : 25 mars 2024 - Auteur : Cendrine Barruyer
● La grossesse expose la femme et son fœtus à des risques spécifiques.
● Une prise en charge précoce permettrait d’aménager le poste et de maintenir en emploi la femme enceinte.
Article paru dans PréventionBTP n°282-Mars 2024-p. 30.
Une femme qui conduit une grue, manie une pelleteuse, travaille comme couvreuse, l’image est banale en Scandinavie, notamment en Norvège(1) où la part des femmes exerçant dans le BTP atteint 35 %. Elle l’est moins en France. Selon la FFB, les femmes représentaient 12,9 % des effectifs en 2022, mais seulement 1,6 % des ouvriers sur les chantiers(2). Parmi elles, bon nombre sont en âge de procréer et doivent donc prendre des précautions particulières lorsqu’elles ont un projet de grossesse.
Quels métiers sont concernés ? Peintre est l’une des professions qui attire le plus les femmes. « À Santé BTP, nous suivons 73 640 salariés, dont 9 744 femmes, parmi elles 68 peintres, 22 menuisières, 4 couvreuses, 2 maçonnes, 2 plombières… », explique Maggy Frumery, infirmière en santé au travail en Normandie et coauteur avec les docteures Line Boucher et Karine Seyante d’un des rares documents d’information sur la grossesse dans le BTP. C’est parce qu’elle avait été sollicitée par une jeune femme peintre que Maggy Frumery s’est attelée à la rédaction de cette brochure(3) : « En dehors de consignes générales et de textes législatifs, portant sur la protection des femmes enceintes, je n’avais trouvé aucun document synthétisant les conseils à donner aux futures mamans du BTP. »
Accompagner les femmes enceintes
Même constat pour Laurent Lampin et Olivier Culie, préventeurs en santé au travail dans la région Rhône-Alpes. Ils sont membres d’un groupe de travail qui s’est lancé dans la réalisation d’une série d’outils pour aider le médecin du travail à accompagner les femmes enceintes ou désireuses de l’être. Ces outils, qui ne cessent de s’enrichir, seront prochainement mis à disposition des services de prévention et de santé au travail intéressés. Ils couvrent aussi bien les RPS que le risque chimique, physique, biologique. Sans oublier les risques les plus méconnus, comme le bruit. « Le fœtus est protégé des hautes fréquences, en revanche les basses fréquences, que l’on retrouve souvent sur les chantiers et dans les ateliers, traversent la barrière abdominale et peuvent avoir un effet délétère sur l’audition », indique Olivier Culie. La base documentaire comporte aujourd’hui un quiz(4) destiné aux femmes en âge de procréer, une synthèse de l’état des connaissances pour les médecins du travail, des affiches et un programme dénommé « Cadre rose », destiné aux employeurs (lire ci-dessous). Objectif : anticiper. « La majorité des femmes annonce sa grossesse après le troisième mois, note Laurent Lampin. C’est déjà très tard pour mettre en place une politique de prévention efficace. On se retrouve dans l’urgence et, par sécurité, la salariée est le plus souvent mise en arrêt de travail. » Alors que nombreuses actions auraient pu être menées pour lui permettre de poursuivre son activité en toute sécurité.
(1)Source : www.planradar.com/ch-fr/femme-btp-suisse/
(2)Source : www.lebatiment.fr/tendances-batiment/la-place-des-femmes-dans-le-batiment
(3)Brochure sur : https://sante-btp.com/salaries/docu-salaries/#
(4)Quiz sur : www.sante-travail-drome-vercors.fr/fr/quiz/reponses-ponderees/1/
Le Cadre rose, un outil pour protéger les femmes enceintes
Inspiré du Cadre vert de l'INRS – un canevas permettant aux entreprises d'aider leurs salariés lombalgiques à revenir le plus tôt possible au travail –, le Cadre rose regorge de conseils pratiques pour mieux organiser le travail des futures mamans. Reprenant l’ensemble des risques (horaires de travail, postures, manutentions, travail à la chaleur ou au froid, vibrations, bruit, rayonnements ionisants, champs électromagnétiques, agents biologiques, agents chimiques et santé mentale), le document les décline en fonction des surrisques associés à la grossesse, et donne des valeurs indicatives de ce qui peut être réalisé de manière sécurisée par la future mère. Le Cadre rose s’utilise en anticipation, pour identifier les postes à faible risque pour la grossesse, et en adaptation, pour repérer les situations de travail délicates afin de favoriser le maintien de la salariée à son poste. Pour en savoir plus : grossesse.au.travail@gmail.com
4 précautions à prendre pour une grossesse sereine
Bébé en projet, en parler à son médecin du travail
Avant la conception, certaines expositions ont un impact délétère sur la fertilité. S’il a été informé de votre projet, votre médecin du travail pourra envisager un aménagement de poste dès ce moment.
Dès le début de la grossesse, penser à se protéger
Le premier trimestre est une période clé pour le développement du bébé. Certains composés chimiques ont un impact négatif sur la formation des organes, même à de faibles expositions. Les travaux exposant au risque plomb sont interdits pendant la grossesse ou l’allaitement (risque d’avortement, accouchement prématuré…). Un aménagement du poste est requis pour limiter ce risque.
Limiter les contraintes physiques
Dès que la grossesse est connue, il faut limiter les efforts de manutention, les postures contraignantes, les stations debout prolongées, les expositions aux vibrations, qui peuvent favoriser les accouchements prématurés, les fausses couches et augmentent le risque d’hypertension et de prééclampsie.
Après la naissance du bébé, poursuivre les mesures de prévention
Pendant les premiers mois après l’accouchement, mieux vaut limiter les contraintes physiques. De même, les expositions chimiques doivent être surveillées si la maman allaite, car certains toxiques sont susceptibles de passer dans le lait maternel.