Risque hyperbare : des opérateurs sous haute pression
Creuser un tunnel, réaliser des piles de pont… sont autant d’activités réalisées en milieu hyperbare. La formation et l’expérience sont au cœur de la prévention.
Date de mise à jour : 20 déc. 2021
Auteur : Cendrine Barruyer
©Georges Prévot
- Le BTP est l’un des principaux secteurs intervenant en milieu hyperbare.
- Les accidents touchent en priorité la sphère ORL.
- Les personnels doivent être formés pour les urgences.
Article paru dans le magazine PréventionBTP n°256 de novembre 2021, pages 28-29
Nous l’avons tous expérimenté: en avion le tympan peut être douloureux. Un phénomène lié à la diminution du volume gazeux dans l’oreille moyenne pendant le décollage et l’atterrissage. De la même manière, les travaux hyperbares, effectués à des pressions supérieures à la pression atmosphérique, peuvent entraîner des douleurs, voire des lésions sévères du tympan ou de l’oreille interne. « Le barotraumatisme survient le plus souvent à de faibles profondeurs », prévient le Dr Mathieu Coulange, président de l’Association des médecins hyperbares français (Medsubhyp). Moins fréquent mais grave : l’accident de décompression. L’azote dissous dans les tissus est relargué dans le sang sous forme de bulles. Afin que les poumons puissent les évacuer, il faut faire des paliers lors des remontées. En cas de décompression anarchique, des manchons gazeux se forment dans les organes (cerveau, oreille interne, moelle épinière, peau…). Le relargage se poursuit quelques heures après le retour à une pression standard, il faut donc éviter les efforts pendant cette durée. Autre risque, la toxicité des gaz. L’azote, qui compose 80 % de l’air que nous respirons, devient dangereux à une pression relative de 3 bars. Il peut occasionner une ivresse conduisant le salarié à des comportements à risque. Quant à l’oxygène, au-delà de 7 bars, il est responsable de crises convulsives.
Former les équipes
Les plongeurs scaphandriers sont rodés à tous ces dangers. Il n’en est pas de même pour les tunneliers dont ce n’est pas le cœur de métier. « Favoriser le compagnonnage des tubistes devenant hyperbaristes avec des plongeurs scaphandriers est essentiel », explique le Dr Coulange. Ce dernier recommande également que l’infirmier du site soit qualifié « mention C » (à même de réaliser un bilan en chambre de coupe, conditionner la victime et débuter une recompression thérapeutique en caisson mobile) et que les collègues secouristes du site soient formés. Une chute devient en effet complexe si la victime doit effectuer des heures de décompression avant d’être extraite du sas. Le Dr Coulange a mis en place des formations pour l’utilisation des caissons de décompression ainsi que des exercices in situ pour optimiser les organisations.
Capitaliser sur l’expérience
L’expérience des anciens est un atout. « Auparavant, au moindre problème médical, les médecins déclaraient l’inaptitude, ce qui revenait souvent à exclure les salariés plus âgés. Or ces derniers sont les meilleurs garants de la sécurité. Mieux vaut proposer une surveillance renforcée et des adaptations de poste pour les garder le plus longtemps possible. Pour cela, la relation de confiance et d’écoute doit être totale. » Sous terre ou sous l’eau, milieux inhabituels et hostiles pour l’être humain, rien ne vaut la vigilance des pairs pour éviter l’accident.
Les experts* préconisent une visite initiale, puis une visite annuelle et une visite plus longue tous les cinq ans, avec des examens médicaux approfondis. L’audition, la vision, la fonction respiratoire, cardiaque y sont évaluées. Ces visites ne peuvent être effectuées que par des médecins du travail ayant une formation en médecine hyperbare. Le groupe PmSm, en partenariat avec l’institut Phymarex et l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (APHM), propose une solution innovante : le déploiement sur le chantier d’un médecin hyperbare, d’un infirmier et du matériel nécessaire afin de simplifier ces visites.
*Recommandations de bonne pratique pour la prise en charge des travailleurs intervenant en conditions hyperbares (Medsubhyp).
Quatre conseils pour éviter les accidents en milieu hyperbare
1. Appliquer la manœuvre de Valsalva
Très connue des plongeurs, la manœuvre de Valsalva consiste à se pincer le nez, et souffler, bouche fermée, pour rééquilibrer les volumes gazeux de part et d’autre du tympan. Elle est utilisée pendant la phase de descente en prévention des barotraumatismes.
2. Ne pas plonger enrhumé
Dans certains cas, l’infirmier de chantier peut évaluer la mobilité tympanique et proposer un aérosol pour perméabiliser la trompe d’Eustache (qui relie l’oreille et les voies aériennes). Sinon, tout travail hyperbare doit être annulé, car même à de faibles pressions l’intervention est à risque pour le travailleur enrhumé.
3. Se méfier de la déshydratation
En cas de déshydratation, le débit sanguin est moindre. L’évacuation des bulles d’air pendant la phase de décompression est plus délicate. Il faut boire entre 1 litre et 1,5 litre entre le début de la remontée dans le caisson de décompression et la sortie à l’air libre.
4. Organiser une vigilance partagée
En plongée, comme en intervention hyperbare sans immersion, la santé de chacun repose sur la vigilance des autres. Au moindre doute, comme le comportement anormal d’un salarié dans un sas, le « chef de sas » doit être prévenu. Celui-ci travaille sous la responsabilité du chef d’opération hyperbare (COH), qui lui-même peut contacter un médecin hyperbare référent.