Covid-19: l'atelier de Darrieumerlou défriche la voie de la reprise
Pour relancer l'activité en toute sécurité et rassurer ses salariés, l'entreprise de charpente couverture Darrieumerlou a réorganisé ses ateliers de menuiserie et d'agencement, anticipé les flux et séquencé le quotidien des équipes.
Date de mise à jour : 9 juin 2020
Auteur : Laurent Duguet
©DR
Un atelier dans le rôle de proue d’une entreprise pour mieux affronter la tempête du Covid-19, c’est ce qu’a mis en œuvre, dès le 14 avril, l’entreprise basque Darrieumerlou implantée à Bardos, dans les Pyrénées-Atlantiques (45 salariés). « Le 17 mars, tout était fermé et le 23 mars, j’avais déjà une première réunion avec les chargés d’affaires et les délégués du personnel, explique Régis Darrieumerlou, P-DG de l’entreprise. Nous avions anticipé l’achat de gel, de lunettes, de masques et la pose de plexiglas dans les bureaux. »
Réinventer une méthode de travail
Les parutions des guides de l’OPPBTP et de l’Union des matériaux du bois (l’UMB-FFB) accélèrent le mouvement : « Le guide bleu de l'UMB est complémentaire de celui de l’OPPBTP car adapté à la fabrication de la menuiserie en atelier, poursuit le P-DG. De son côté l’OPPBTP, via le soutien de Frédéric Ducasse, conseiller en prévention, nous a permis de réinventer notre méthode de travail et aidé à actualiser très tôt le DU et rédiger le plan de continuité d’activité. »
Le 6 avril, deux magasiniers, six chargés d’affaires, deux représentants du CSE et les deux chefs d’atelier d’agencement et menuiserie (800 m² dont deux tiers en menuiserie et un tiers en agencement, pour sept salariés) mettent en place les aménagements nécessaires : « Nous avons créé des zones de travail avec du ruban de balisage pour chaque opérateur, le but étant d’organiser une protection collective en respectant les distances », précise Régis Darrieumerlou.
Rationaliser les flux grâce au lean production
L’un des atouts de l’entreprise réside dans une démarche de lean production, finalisée en août 2019, afin de rationaliser les flux : « Avec l’aide d’un ingénieur, précise le P-DG, nous avions déjà déplacé les machines à commande numérique, machine cinq axes, scie radiale, cadreuse, combiné scie-toupie, pour effectuer le moins de déplacements possible. » Trois zones sont aménagées : une consacrée à l’usinage à main, un centre d’usinage et une zone de montage.
L’approvisionnement de l’atelier a été adapté au risque sanitaire : les bois sont laissés sur les racks extérieurs pendant 24 heures et des phases d’attente respectées pour l’usinage. Quant à l’atelier d’agencement, les surfaces des panneaux étant plus lisses et plus sèches, les délais d’attentes sont réduits. « En recréant la ligne de production, un seul accès est prévu pour les matériaux qui sont ensuite orientés vers les machines ou la zone de montage avant d’être dirigés vers une même sortie », précise Francis Cluzeaud, chef d’atelier menuiserie et référent Covid-19.
- une dotation de 500 ml de gel,
- un masque FFP2 à utiliser pour porter secours à un collègue,
- deux paires de gants de travail,
- un litre d’eau de javel dilué pour nettoyer outils et poste de travail
- du papier essuie-tout
- une paire de lunettes.
Quotidien millimétré
Le fonctionnement des ateliers est précis : « Le matin, les équipes sont les premières à arriver, à 7 heures, et à franchir la même porte, détaille le chef d'atelier menuiserie. Il s’agit d’éviter de croiser les autres salariés et de pouvoir partir plus tôt, notamment pour soulager nos familles. » Chacun se lave les mains avec du gel hydroalcoolique puis signe une feuille de santé et accède à l’atelier avant de rejoindre son poste – déterminé la veille – pour la journée en cours.
Le travail sans masque est la règle : « Dans 90 % des cas, le respect de la distance suffit, poursuit-il. Les masques et lunettes sont cependant obligatoires lorsqu’il est nécessaire d’être à deux, comme pour porter les plateaux de bois ou les portes à usiner. » L’équipe de l’atelier d’agencement a trouvé ses marques en procédant au débit de bois à une distance de deux mètres.
Parloirs en plexiglas
Deux points d’échange ou parloirs en plexiglas se situent dans l’atelier, près du bureau de Francis Cluzeaud et un autre à proximité de la machine numérique. Tout n’est pas toujours simple : « En mettant des pièces en zone tampon le temps d’une nuit, le rythme et le protocole de fabrication sont plus saccadés qu’auparavant, observe Francis Cluzeaud. Quant aux plans, je les imprime plusieurs jours avant, avant de les distribuer. »
Le lien social n’a pas disparu : « A 9 h 30, je tiens à maintenir la pause-café, insiste le chef d’atelier. Je me lave les mains et je le prépare. Tandis que les salariés de l’atelier d’agencement passent par l’extérieur, nous nous retrouvons tous dehors. Je verse le café dans les gobelets puis me lave à nouveau les mains. » Le repas de midi se déroule toujours au réfectoire et les salariés de l’atelier se rendent au premier service, entre 12 heures et 12 h 30, tandis qu’une chaînette interdit tout croisement. « Le nombre de personnes au réfectoire est limité à sept avec le même nombre de tables doubles, disposées en arc de cercle, précise Francis Cluzeaud. Chacun nettoie ensuite sa table en la désinfectant. » À 12 h 30, les salariés retournent à leur poste et, une fois la journée terminée, se lavent les mains avant de quitter l’entreprise.
Le redémarrage précoce des ateliers – suivi par le fléchage des bureaux, les procédures strictes des chantiers ou des transports – a joué un rôle majeur dans l’entreprise Darrieumerlou. Pendant la période de chômage partiel, les salariés ont notamment reçu des informations et des photos de l’agencement de l’atelier. Francis Cluzeaud est fier de son équipe : « Ils sont jeunes et ouverts avec une moyenne d’âge de 30 ans. Dès le départ, j'ai eu la conviction qu’ils seraient les premiers de l’entreprise à reprendre l’activité - en évitant les passages de personnel extérieur - tout en rassurant l’ensemble des autres salariés qui revenaient au fur et à mesure. » Mission accomplie !
* Ces propos ont été recueillis le 13 mai.