Témoignage Covid-19 : Eole, masque généralisé et processus d'accueil minutieux
Les chantiers du projet Eole, extension du RER E vers l'ouest parisien, ont repris progressivement avec des règles précises et concertées pour assurer la sécurité maximale de l'ensemble des collaborateurs en période d'épidémie.
Date de mise à jour : 9 juin 2020
Auteur : Virginie Leblanc
©© Direction Projet Eole - SNCF Réseaux
Port du masque généralisé et accueil des personnels « au cordeau ». C’est la recette appliquée sur le lot GC-TUN du chantier Eole, qui a repris le 14 avril dernier. Ce lot comprend la création d’un tunnel de 6,1 km et la construction d’une gare à Porte Maillot. « Comme il y a toujours des moments où les personnes se croisent sur le chantier et qu’il est parfois compliqué de respecter la distanciation sociale, notre choix est d’exiger le port du masque chirurgical en permanence », affirme Olivier Brzezinski, responsable prévention santé sécurité du chantier Eole lot GC-TUN et du groupement Bouygues Travaux Publics–Eiffage–Razel-Bec. Une généralisation rendue possible dès début avril par la mobilisation des services achats de ces trois entités.
Organisation structurée de l’accueil
Ce principe s’accompagne d’une organisation structurée de l’accueil sur toutes les emprises de chantier, grâce à un partenariat avec une société de gardiennage, dont les personnels ont été formés à un « accueil spécifique Covid-19 » :
- Chaque arrivant – invité à se désinfecter les mains avec du gel hydroalcoolique présent à l’entrée – est guidé par une signalétique précise pour rester à distance des collègues dans la file d’attente.
- Au poste de contrôle, la liste de catégories de personnes à risque est posée sur la table d’accueil afin que chacun en prenne connaissance.
- Le gardien prend alors la température du collaborateur, à l’aide d’un thermomètre sans contact, et lui demande s’il a eu des symptômes du Covid-19 ou été en contact avec un malade. Aucune donnée de santé n’est conservée, conformément aux prescriptions réglementaires.
- Le collaborateur signe ensuite la feuille d’émargement et récupère quatre masques chirurgicaux et un flacon de gel hydroalcoolique, ainsi qu’un livret détaillant tous les gestes barrières indispensables depuis l’arrivée au chantier jusqu’au retour au domicile.
« En cas de température supérieure à 37,7 °C, elle est prise une deuxième fois et il existe un process de mise en retrait, explique Olivier Brzezinski. La personne est invitée à rentrer chez elle, à consulter son médecin et à tenir informé son responsable sur son état. »
Le projet Eole d'extension de l’actuel RER E vers l’ouest de l'Ile-de-France, c'est :
- la modernisation ou la création de 55 km de voies.
- la modernisation ou la création de 14 gares.
- 3,8 milliards d’euros d'investissement global.
- 8 financeurs : État, région Ile-de-France, Société du Grand Paris, Ville de Paris, conseil départemental des Hauts-de-Seine, conseil départemental des Yvelines, Ile-de-France Mobilités, SNCF Réseau.
- Maîtrise d’ouvrage : SNCF Réseau.
- Mise en service : 2022, jusqu'à Nanterre et 2024, jusqu'à Mantes-la-Jolie.
- Plus de 650 000 voyageurs par jour.
Pour le lot Eole GC-TUN : réalisation de 6,1 km de tunnel et construction de la gare RER E à Porte Maillot :
- Maîtrise d’œuvre : EGIS/SED, groupement d’entreprises composé de Bouygues Travaux Publics, Eiffage Génie Civil, Eiffage Fondations, Razel-Bec et Séfi-Intrafor
- 650 collaborateurs et 100 à 150 personnels de sous-traitants à 50 % d’avancement du chantier
Accès aux vestiaires revisité
Une fois passé le « check point » de l’accueil, l’accès aux vestiaires a été revisité. « Nous avons mis en place un décalage des horaires d’embauche pour éviter un afflux trop important au même moment et un système de couleurs par équipe, pour que personne ne puisse se côtoyer à moins d’un mètre. L’ensemble des armoires de vestiaires ont été réallouées pour respecter la distanciation », précise Philippe Vaillant, directeur lot Eole GC-TUN-Bouygues Travaux Publics. Un sens de circulation évite également les croisements et les compagnons n’hésitent pas à s’interpeller si par mégarde il n’est pas respecté.
Mais le grand changement, sur chaque poste de travail, c’est bien le port du masque, dont l’obligation est rappelée régulièrement par affichage. « Le masque, c’est une grosse habitude à prendre, confirme Régis Branchu, chef d’équipe logistique pour Bouygues Travaux Publics. On va s’y faire. J’appréhendais le retour, mais c’est rassurant de voir toutes les mesures prises, tous les points d’eau pour se laver les mains, le gel, les séparations à la cantine, le décalage des heures de repas… Et les gars sont restés longtemps chez eux, ils sont contents de reprendre. »
Un avis partagé par Jean-Claude Devaux, chef d’équipe coffreurs, et délégué suppléant Force ouvrière au Comité social et économique (CSE). « Comme lors de la préparation de la reprise, il y a toujours beaucoup de dialogue entre les salariés, l’encadrement et la direction autour des mesures prises. C’est un travail de groupe qui nous permet de disposer de tous les moyens nécessaires pour travailler en sécurité avec le virus. De plus, on nous a permis d’arriver à des horaires compatibles avec ceux des transports en commun lors de la période de confinement. »
Formation à l’utilisation des masques chirurgicaux
Les compagnons sont formés à l’utilisation des masques chirurgicaux. Initiation réalisée par une infirmière d’un prestataire, PmSm, présente sur chaque site de l’opération. « Les compagnons ont peur de contaminer leurs proches, je les rassure au regard de toutes les solutions mises en place sur le chantier et je prends le temps de répondre à leurs questions. Je répète les consignes pour qu’ils mettent le masque correctement : se laver les mains avant de toucher le masque, bien l’adapter au visage, la couleur à l’extérieur. »
Mesures de nettoyage renforcées
La présence du virus implique des mesures de nettoyage renforcées. « Nous avons multiplié le nombre de personnes affectées au nettoyage par 3, de 9 à 27 personnes, pour limiter au maximum la contamination sur les tables et les poignées, désinfectées toutes les heures », indique Philippe Vaillant. Des agents de nettoyage sont visibles partout, y compris dans le tunnel qui reliera Courbevoie à la gare d’Hausmann Saint Lazare. Des poubelles à pédales et couvercles estampillées « Covid », où sont jetés les masques, sont également vidées toutes les quatre heures. Les cabines de pilotage des engins sont nettoyées par l’utilisateur avant et après la prise de poste, avec des lingettes désinfectantes. Si les compagnons portent des gants en permanence, comme avant l’épidémie, désormais, le partage des outillages est limité.
Quel sera l’effet du déconfinement sur toutes les habitudes prises ? « D’ores et déjà, il ne faut surtout pas oublier le port des EPI habituels, avertit Olivier Brzezinski, et diffuser le message qu’il n’y a pas que le Covid, mais que les risques courants et connus sur le chantier existent toujours. » Ce sera le prochain challenge à relever, avec un avantage : dans le contexte actuel, tous les compagnons sont particulièrement à l’écoute des messages de prévention.
Comment s’est préparée la reprise?
« Dès l’annonce du confinement le 17 mars, le chantier a été interrompu, rappelle Xavier Gruz, directeur du projet Eole-SNCF Réseau- NExTEO. Nous avons ensuite travaillé avec l’ensemble des groupements présents, les maîtres d’œuvre, les responsables santé-sécurité, sur les conditions de la reprise en sécurité. Un des facteurs essentiels du succès a été la publication du guide de l’OPPBTP, qui nous a donné des règles précises et immédiatement applicables. » Pendant la fermeture du chantier « nous avons discuté avec la maîtrise d’ouvrage, son CSPS et la maîtrise d’œuvre pour valider nos processus de redémarrage, explique Philippe Vaillant, directeur du projet Eole GC-TUN- Bouygues Travaux publics. Nous nous sommes mis d’accord sur une check-list à vérifier, inspirée du guide de l’OPPBTP ».
Mise à jour du PGC, réunion de CISSCT, additif au PPSPS pour chaque tâche en fonction du niveau de risque ont fait partie des points clés. Les premières personnes remobilisées pour organiser cette reprise sont arrivées sur place le 6 avril, et le chantier a repris progressivement à compter du 14 avril. « Le point chaud a été l’approvisionnement en masques, rapporte Philippe Vaillant. Le 3 ou 4 avril, nous cherchions encore des masques, mais les 500 premiers sont arrivés et les consommables aussi, juste à temps. Les deux semaines suivantes ont été en flux tendu sur l’approvisionnement de ces consommables. »
Quelles missions pour les référents Covid-19 ?
Olivier Brzezinski, responsable prévention santé sécurité du chantier, est aussi le référent Covid-19 de ce chantier. « Je suis en lien avec la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre, le CSPS avec qui je fais un point une fois par semaine. J’organise les formations pour les seize autres référents Covid-19, appelés aussi vigi-covid, des personnels dédiés à la production et ou la gestion du matériel, nommés par zone de travaux. »
Leurs missions ? Réaliser chaque jour audits et check-list pour vérifier les capacités d’accueil et la fourniture des EPI Covid-19. Mais aussi, identifier et déployer les bonnes pratiques ainsi que les difficultés et le non-respect des règles spécifiques liées aux mesures de prévention Covid-19, mettre à jour les procédures (additif PPSPS), et accompagner les sous-traitants.
* Ces propos ont été recueillis le 28 avril 2020.