Compte professionnel de prévention : facteurs, déclarations et actions pour l'amélioration des conditions de travail
Avec le compte professionnel de prévention (C2P) et le départ anticipé en retraite, le législateur a prévu un dispositif de compensation pour les salariés exposés à certains facteurs d'usure professionnelle au-delà des seuils réglementaires. Sous quelles conditions exactement ? Quelles sont les obligations déclaratives de l’employeur, les droits et les démarches des salariés ?
L'identification d'une exposition à des facteurs d'usure professionnelle doit avant tout nous inviter à trouver les moyens pour supprimer ou réduire cette exposition, y compris aux facteurs non pris en compte dans le C2P. Comment mettre en œuvre un plan d'action de prévention dans l'entreprise ? Nos conseils pratiques et outils en ligne dédiés.
Date de mise à jour: 7 mai 2024
©OPPBTP
Les 10 facteurs de risques d'usure professionnelle
Le Code du travail distingue 10 facteurs de risques d'usure professionnelle précisés et détaillés dans l'accord de branche du BTP signé en 2011 et toujours en vigueur. Ces facteurs sont répertoriés en trois groupes :
Trois facteurs sont liés au rythme de travail :
- travail de nuit,
- travail en équipes successives alternantes,
- travail répétitif.
Quatre facteurs sont liés à un environnement physique agressif :
- agents chimiques dangereux (y compris les poussières et fumées),
- activités en milieu hyperbare,
- températures extrêmes,
- bruit.
Trois facteurs sont liés à des contraintes physiques marquées :
- manutentions manuelles de charges,
- postures pénibles (définies comme positions forcées des articulations),
- vibrations mécaniques.
Le compte professionnel de prévention
Une ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention a fait évoluer la prise en compte des facteurs au sein du compte professionnel de prévention (C2P).
Ce compte recueille désormais les expositions des travailleurs à 6 des 10 facteurs, lorsque les travailleurs sont exposés au-delà des seuils fixés par la réglementation.
Le niveau d’exposition d'un salarié à l'un des facteurs est mesuré selon une intensité et une durée minimale d'exposition, après prise en compte des moyens de protection mis en œuvre par l'employeur, notamment les équipements de protection collective ou individuelle (casque, masque, etc.).
Calcul des points : comment ça marche ?
Le C2P permet à un salarié exposé au-delà des seuils réglementaires d'accumuler des points, soit pour partir en formation professionnelle (en vue d'une reconversion dans un emploi pas ou moins exposé aux facteurs de risques d'usure professionnelle), soit pour bénéficier d'un temps partiel (avec maintien de la rémunération), soit pour faire une demande de départ anticipé à la retraite (en validant des trimestres de majoration de durée d'assurance vieillesse).
Les 20 premiers points sont obligatoirement utilisés pour la formation.
Le nombre de points dépend de l'exposition aux facteurs de risques. Chaque année, le salarié acquiert 4 points par facteur de risques auquel il est exposé au-delà des seuils. Si le salarié est exposé à plusieurs facteurs de risques, il acquiert un nombre de points correspondant à 4 points x le nombre de facteurs auxquels il a été exposé au-delà des seuils (par exemple 4 x 3 = 12 points pour un salarié exposé au cours d'une année à 3 facteurs).
Pour tout savoir sur vos droits et démarches liés au compte professionnel de prévention, consultez le site compte professionnel prévention ou appelez le 3682 (numéro violet).
Les obligations de l'employeur
L'employeur a l'obligation d'inscrire les facteurs de risques d'usure professionnelle dans le DUERP (Document unique d’évaluation des risques professionnels) et de mettre en œuvre des actions de prévention, collectives ou individuelles, afin de réduire ou de supprimer l’exposition des salariés à ces facteurs de risques.
Pour l'ensemble de ces 10 facteurs, l’employeur a l'obligation de mettre en place des mesures de prévention mais pour les 6 facteurs retenus dans le cadre du C2P, il doit déclarer les expositions des salariés au-delà des seuils via la DSN (déclaration sociale nominative). Le C2P est automatiquement créé et les points sont crédités par la CNAM.
L’évaluation de l’exposition est faite soit individuellement par l’employeur, soit elle est basée sur un accord collectif de branche étendu ou, à défaut, sur un référentiel professionnel de branche homologué tenant compte des mesures de protection. Le CSE procède à l’analyse de l’exposition. Le médecin du travail peut intégrer les résultats dans les dossiers médicaux des travailleurs concernés.
Concernant les 4 autres facteurs (manutentions manuelles / postures pénibles / vibrations mécaniques / agents chimiques dangereux), le dispositif est réservé aux victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle. Le travailleur peut bénéficier d'une retraite anticipée pour usure prématurée de l'organisme s'il justifie d'un taux d'incapacité permanente d'origine professionnelle d'au moins 10 %.
Quand faut-il négocier un accord collectif ou un plan d'action ?
Le Code du travail prévoit également la négociation d’un accord sur « la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels ». Cet accord d’entreprise, de groupe, ou de branche, concerne les 10 facteurs de risques. À défaut d'accord, un plan d’action peut être arrêté par l'employeur. Les règles varient en fonction de l'effectif et du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Les entreprises de plus de 50 salariés ont l'obligation de négocier un accord de prévention de la pénibilité ou, à défaut, d'élaborer un plan d'action, si au moins 25 % des salariés sont exposés à au moins l'un des six facteurs pris en compte au titre du C2P, ou bien si l’entreprise a un taux de sinistralité supérieur à 0,25*. Les entreprises de moins de 50 salariés n'ont pas ces obligations.
Entre 50 et 300 salariés, l'entreprise est exonérée de cette obligation si elle est couverte par un accord de branche, ce qui est le cas dans le BTP.
À noter que, si l'entreprise appartient à un groupe, c'est l'effectif du groupe qui compte, et les même règles s'appliquent alors pour l'entreprise.
Obligation de l'employeur selon l'appartenance ou non à un groupe
L'entreprise n'appartient pas à un groupe | L'entreprise appartient à un groupe de 50 à 299 salariés | L'entreprise appartient à un groupe de 300 salariés ou plus | |
L'entreprise a moins de 50 salariés | Pas d'obligation de négocier ou d'élaborer un plan d'action | Se reporter à l'accord de branche BTP | Obligation d'accord ou plan d'action d'entreprise ou de groupe même en présence d'un accord de branche étendu |
L'entreprise emploie entre 50 et 299 salariés (au moins 25 % de salariés exposés > seuils ou taux de sinistralité1) > 1,25) | Se reporter à l'accord de branche BTP | Se reporter à l'accord de branche BTP | Obligation d'accord ou plan d'action d'entreprise ou de groupe même en présence d'un accord de branche étendu |
L'entreprise emploie 300 salariés ou plus (au moins 25 % de salariés exposés > seuils ou taux de sinistralité1) > 1,25) | Obligation d'accord ou plan d'action même en présence d'un accord de branche étendu | Sans objet | Obligation d'accord ou plan d'action d'entreprise ou de groupe même en présence d'un accord de branche étendu |
1) Le taux de sinistralité est le rapport, pour les trois derniers exercices, entre le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles imputées à l’employeur et l’effectif de l’entreprise. |
Plan d'action : les thématiques privilégiées
Ces accords ou plans d’action couvrent un large champ qui doit être adapté à la spécificité de l'entreprise et des situations de travail. Dans tous les cas, l'employeur a l'obligation de traiter au moins l'un des deux thèmes suivants :
- la réduction des polyexpositions aux 10 facteurs de risques par des actions permettant de faire disparaître l’exposition (remplacement d’un produit, suppression d’une tâche, etc.) ou de la réduire (captage à la source, aide mécanique à la manutention…) ;
- l'adaptation et l'aménagement du poste de travail (afin de favoriser le maintien dans l’emploi ou le reclassement de personnes éprouvant des difficultés).
En outre, au moins deux des quatre thèmes suivants doivent être traités :
- l'amélioration des conditions de travail (notamment au plan organisationnel) ;
- le développement des compétences et des qualifications (formations, reconversions…) ;
- l'aménagement des fins de carrière ;
- le maintien en activité des salariés exposés aux 10 facteurs de risques (anticipation et aide au retour de personnes inaptes).
Comment agir ?
Le traitement des facteurs de risques s'inscrit dans une approche globale de la prévention et de la performance au sein de l’entreprise qui s'appuie sur un pilotage, un soutien par des moyens appropriés, l'intégration au projet d'entreprise et la participation de tous : direction, encadrement, collaborateurs.
Quatre étapes permettent de réduire ou de supprimer l'exposition.
Etape 1 : recueillir les informations
Cette démarche de prévention va débuter par le recueil d'informations (étape 1) pour identifier les facteurs de risques d'usure professionnelle. Le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) regroupe les résultats de l’évaluation des risques pour chaque unité de travail. Il est enrichi par des données complémentaires telles que la sinistralité (accidents du travail, maladies professionnelles, fiches d'exposition, à l'amiante par exemple…), la santé (via la médecine du travail, restrictions d’aptitudes, absentéisme…), les analyses de postes (celles déjà réalisées et les mesures relatives à tel ou tel facteur), l'observation des situations de travail (sur le terrain et les remontées des salariés) ou encore les actions de prévention, les investissements matériels, la pyramide des âges, les plans de formation, etc.
Pour s'inscrire dans une approche globale, vous pouvez dès cette étape intégrer une analyse des données disponibles relatives aux impacts sur la performance de l'entreprise (coûts directs et indirects occasionnés par les accidents, maladies professionnelles et arrêts de travail ; pertes de compétences ; défauts qualité, retards...).
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Etape 2 : réaliser un diagnostic approfondi
En croisant toutes ces données, vous allez réaliser un diagnostic approfondi (étape 2) des situations de travail repérées comme prioritaires dans l'étape 1. Pour faciliter la priorisation des actions, une démarche participative, qui prend en compte le vécu des travailleurs, est une option incontournable. Le CSE ou les représentants du personnel interviennent dans cette analyse. Il est bon d'identifier les compétences nécessaires à ce diagnostic, en interne, et en s'appuyant sur des partenaires externes le cas échéant. Une communication transparente permet de mobiliser et de sensibiliser le personnel. De même, l'affichage clair de la volonté d'agir et de l'implication de la direction de l'entreprise est essentiel pour la réussite du projet.
Etape 3 : établir un plan d'action
Le plan d'action (étape 3) va déterminer les objectifs d'amélioration à atteindre et fixer les actions à entreprendre. Ces mesures techniques (sur les matériels, les équipements de protection et de travail, les matériaux, les modes opératoires,...), organisationnelles (modalités de livraisons, conditionnements, planification horaire des tâches, constitution des équipes,...) et humaines (formations, habilitations,...) sont intégrées dans le plan d’action annuel de prévention. Selon les priorités qui auront été définies, ces actions peuvent agir sur un ou plusieurs risques, concerner toute une unité de travail ou se limiter à certains postes. Par ailleurs, des plans annuels ou pluriannuels vont viser un facteur de pénibilité spécifique.
Les dix fiches annexées à l’accord de branche correspondent à chacun des 10 facteurs de risques ; elles vous aideront à adopter une méthodologie rigoureuse et à choisir les actions efficaces à mettre en place.
Etape 4 : mettre en œuvre le plan d'action et son suivi régulier
La mise en œuvre du plan d'action et son suivi régulier constituent l'étape 4. Les conditions d’exposition évoluent, et donc il est vital, pour garantir la pérennité de la démarche, d'actualiser le plan d'action. Pour chaque action, il conviendra de désigner un pilote, de préciser le planning et de définir des critères d’évaluation pour apporter les éventuelles mesures correctives.
Posture contraignante