En résumé
  • La sécurité est une valeur omniprésente chez Saint-Gobain
  • Un nouveau programme prévention, coconstruit avec les salariés, mise sur le savoir-être.

Interview parue dans PréventionBTP n°262-Mai 2022-p. 34

262 Grand entretein Fabrice d'Ornano ouverture

©Joseph Melin

Fort d'une expérience de trente années dans la Marine nationale, Fabrice d'Ornano, directeur Environnement Hygiène Sécurité France de Saint-Gobain, met son attachement au collectif au service d'un nouveau programme de prévention dénommé « Je veille sur nous ». Bienveillance, développement du savoir-être, déploiement d'ateliers à un niveau local pour coconstruire les actions sont au cœur de la remobilisation des équipes sur le sujet de la sécurité après deux années marquées par la crise sanitaire.

PARCOURS

Fabrice d'Ornano est officier ingénieur issu de l'École navale. Après une carrière de trente ans au sein de la Marine nationale, il rejoint Saint-Gobain France en 2017.

1987-2017 : Commandant d'un bâtiment de surface en Afrique puis de deux sous-marins nucléaires. Commandant de l'escadrille des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins à Brest. Responsable de la formation des équipages et de la sélection des commandants de sous-marins nucléaires.

2017-2021 : Directeur du projet de la Tour Saint-Gobain (La Défense).

Depuis octobre 2021 : Directeur Environnement Hygiène Sécurité France de Saint-Gobain.


Vous avez une longue expérience dans la Marine nationale. Vous avez été commandant d'un sous-marin nucléaire. Quels enseignements vous sont utiles aujourd'hui pour porter les sujets de prévention ?
Dans un sous-marin nucléaire, on est en dehors du monde, déconnectés des siens sur le plan affectif, tout se reporte sur le collectif. Lorsque j'ai eu l'honneur de commander un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d'engins, NDLR), j'ai pris pleinement conscience que seule la performance collective arrive à rendre possible ce qui est impossible à l'échelle individuelle. Dans cet environnement de haute performance, l'individu, du commandant au plus jeune quartier-maître, doit se mettre au service du collectif avec une connexion forte. Chez Saint-Gobain, je retrouve des similitudes avec des équipes très engagées sur le terrain, complètement dédiées à la performance : avec ce socle, il est aisé de travailler sur l'intelligence collective, qui permet de pousser plus loin la performance, dans tous les domaines et notamment celui de la sécurité. Mon expérience m'a aussi montré l'importance des signaux faibles : il n'est pas possible de piloter ce type d'engin si tout n'a pas été organisé pour diminuer le risque en amont, dès l'apparition des premiers signes. Cette approche est essentielle pour faire chuter le risque d'accident : elle est très ancrée chez Saint-Gobain, et nous continuons à y travailler quotidiennement avec les équipes.


Saint-Gobain fait du développement et de la diffusion d'une culture de la santé et de la sécurité une de ses priorités. Comment cela se traduit-il ?
C'est une valeur qui accompagne les 38 000 collaborateurs de France en permanence, depuis la façon de garer sa voiture en marche arrière, de monter un escalier en tenant la rampe ou de se déplacer sur un site en suivant des parcours jalonnés… De même, tous les nouveaux arrivants sur un site de Saint-Gobain démarrent leur journée par un briefing sur la sécurité. Il s'agit pour tous les collaborateurs d'être le plus tôt possible capables d'identifier une situation dangereuse pour éviter tout accident. C'est ancré dans les mentalités et porté au plus haut niveau de l'entreprise. Nous utilisons des mots forts : tolérance zéro, objectif zéro accident et maladie professionnelle. Toutefois, notre approche du sujet de la prévention n'est ni verticale ni autoritaire. Nous organisons tout un accompagnement humain pour atteindre cet objectif commun, dans une approche bienveillante et collaborative. C'est au cœur de notre nouveau programme intitulé « Je veille sur nous », lancé fin 2021.


Comment ce programme est-il né ?
En sortie de crise sanitaire de la Covid-19, Saint-Gobain a souhaité remettre le sujet de la sécurité au centre des préoccupations quotidiennes. Pendant deux ans, les salariés ont baigné dans un discours fait d'injonctions et cela a pu créer de la saturation. Cette crise a altéré le fonctionnement du collectif, ce qui s'est manifesté par des phénomènes de lassitude, de la désorganisation. Or, par mon expérience comme commandant de sous-marin nucléaire, je sais que la performance vient, pour une part essentielle, du collectif. Il fallait nous ressouder autour de l'intelligence collective. Nous avons commencé par prendre une photo de l'existant, en interrogeant une cinquantaine de personnes, de tout statut, managers, collaborateurs de terrain, chefs d'atelier, responsables Environnement Hygiène Sécurité, responsables Ressources humaines… Ce programme s'inscrit dans la durée. Nous voulons éveiller les consciences sur le savoir-être, le positionnement de chacun à l'égard de la sécurité. Nous proposons l'organisation d'ateliers à l'échelon des sites, qui décident de leur déclinaison locale, avec des outils que nous mettons à disposition : affiches, brochures, supports pédagogiques à destination des managers pour animer des ateliers, podcasts, application mobile, page dédiée à la communauté sur notre réseau interne, vidéos, mais aussi gilets de sécurité floqués… L'objectif est que la parole puisse se libérer, que les salariés abordent librement la question de leur rapport à leur propre sécurité mais aussi à celle des autres. Nous coconstruisons le cadre de la sécurité avec eux.

262 Grand entretien affiche Saint Gobain


Quels moyens vous donnez-vous pour atteindre votre objectif de réveiller l'intelligence collective ?
Pour réveiller, stimuler l'intelligence collective, nous proposons aux équipes de prendre le temps de réfléchir sur le premier échelon du collectif, à savoir le « binôme », sur le rapport à l'autre, sur l'aptitude à « voir » l'autre dans sa diversité, sa richesse, dans ce qu'il peut nous apporter au quotidien. Cette notion de « binôme » n'est pas figée et se décline de multiples façons au quotidien : par exemple lors d'une minute de réflexion avec un collègue à un moment donné, lors d'un point technique avec une collègue un peu plus tard, lors d'un tutorat avec un jeune, lors d'une vigilance accrue (PTI, téléphone…), à l'occasion d'une ronde ou d'une opération de maintenance isolée… L'objectif recherché est de renforcer les liens entre les acteurs de terrain pour sécuriser les actions du quotidien et la transmission du savoir, et ainsi limiter au maximum les actions à risque, souvent réalisées de manière isolée, précipitée, par manque de connaissance, d'analyse de situation ou d'excès de confiance.

Tous les nouveaux arrivants sur un site de Saint-Gobain en France démarrent leur journée par un briefing sur la sécurité.

Fabrice d'Ornano

Menez-vous des actions spécifiques auprès des jeunes et des intérimaires ?
Les jeunes et les intérimaires sont exposés au risque de la même façon. Ils découvrent un nouvel environnement de travail. Tout nouveau prestataire, tout nouvel entrant doit suivre un cursus de formation, suivi d'une vérification des prérequis du poste en matière de prévention sécurité, avec une mise en situation. Si cette vérification n'est pas concluante, le cursus est renouvelé. Ce sur quoi nous insistons tout particulièrement, c'est l'accompagnement dans la durée. Nous misons sur l'apprentissage du savoir-être, en plus du savoir-faire. Les tuteurs sont essentiels pour transmettre les codes du savoir-être, c'est pour cela que nous remettons le tutorat au centre de notre organisation pour accueillir le mieux possible les jeunes et les intérimaires. Par exemple, dans les métiers du verre, qui sont des métiers d'artisanat, bien comprendre les gestes, la posture à tenir est essentiel et requiert du temps et de l'observation. Nous remettons l'humain au centre et nous sommes persuadés que l'on fera chuter les risques en renforçant le rôle des tuteurs.


Être tuteur, cela demande aussi d'être accompagné…
En effet. C'est pour cela que nous disposons d'un module de formation dédié pour les tuteurs et que nous avons développé, dans notre campus de formation interne, une formation axée sur la posture managériale. Comment être en connexion avec son équipe ? Comment libérer la parole et faire passer les messages ? Comment associer bienveillance et fermeté ? Autant de questions essentielles à aborder avec eux.

Nous voulons éveiller les consciences sur le savoir-être, le positionnement de chacun à l'égard de la sécurité.

Fabrice d'Ornano

Quels risques majeurs constituent vos sujets de préoccupation ?
Avec deux activités majeures, l'industrie et la distribution, la palette de nos risques est très variée, car nos activités le sont également. Dans l'industrie, par exemple, nos collaborateurs travaillent à proximité de fonte liquide, ou de verre liquide, à des températures supérieures à 1 400 °C, dans des carrières souterraines pour extraire le gypse, ils manipulent du verre, ils sont également exposés à certains produits chimiques… Dans la distribution, les risques liés à la manutention de charges sont permanents avec le port de carrelage, de plaques de plâtre (Placo®), tout comme le risque de heurt chariots-piétons. La gestion des risques peut d'ailleurs parfois s'avérer plus sensible dans la distribution, car les risques sont moins visibles et les sollicitations par les clients permanentes.


Quels sont les nouveaux sujets sur lesquels vous travaillez ?
Nous travaillons sur tous les leviers possibles en matière de prévention : des vidéos sur les gestes et les postures, des exercices d'éveil musculaire le matin, des créneaux réservés à la « chasse au risque » … Nous travaillons aussi sur le sujet des exosquelettes avec des ergonomes, mais nous en sommes encore au stade de l'expérimentation. Dans certains de nos modules de formation, nous avons déjà intégré des vidéos d'immersion avec casque de réalité virtuelle.

Saint-Gobain

Présent dans 70 pays, Saint-Gobain emploie plus de 167 000 collaborateurs, dont 38 000 en France. Le groupe conçoit, produit et distribue des matériaux et services pour les marchés de l'habitat et de l'industrie. Développées dans une dynamique d'innovation permanente, ses solutions intégrées pour la rénovation des bâtiments publics et privés, la construction légère et la décarbonation du monde de la construction et de l'industrie visent un objectif de durabilité et de performance. La santé et la sécurité figurent au cœur de la culture d'entreprise de Saint-Gobain, qui dispose d'une charte Environnement, Hygiène industrielle Santé, Sécurité affichée dans tous les sites. Le document fixe comme objectifs : zéro accident, zéro maladie professionnelle et zéro accident environnemental avec un impact minimum de ses activités sur l'environnement.

PORTRAIT CHINOIS

Votre mot préféré ? Engagement.

Le mot que vous Détestez ? Passivité, attentisme.

Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Médecin en zone de conflit.

Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ? Tout métier déconnecté d'une aventure humaine.

Votre bâtiment préféré ? Le Saphir, le premier sous-marin que j'ai commandé.

Le son, le bruit que vous aimez ? Le calme de l'océan le matin.

Le son, le bruit que vous détestez ? L'excès de trafic urbain.

Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? De la brièveté de la vie, de Sénèque.

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