En résumé

Les maîtres d’ouvrage sont des partenaires prioritaires de la FNTP pour faire progresser la prévention sur les chantiers.

De nombreux outils pratiques sur différents risques sont proposés aux entreprises de TP.

Interview parue dans PréventionBTP n° 271-Mars 2023-p. 34

Jean de la Chapelle FNTP

©DR

Depuis 2012, la FNTP s’engage dans un partenariat quinquennal sur l’amélioration de la santé au travail avec le ministère du Travail, la Cnam, l’INRS et l’OPPBTP. Un cadre structurant animé par Jean de la Chapelle, président du comité Prévention et santé au travail de la FNTP, qui permet d’avancer sur des solutions de prévention communes aux entreprises des TP et partagées avec les acteurs institutionnels. Tour d’horizon.

La FNTP s’est fixé un objectif ambitieux : zéro accident mortel dans les TP à horizon 2028. Comment accompagnez-vous les entreprises pour l’atteindre ?

Parler de zéro accident mortel dans les TP n’est pas un objectif en soi, c’est davantage un état d’esprit. Plus on va être capables de repérer les causes probables et possibles d’accidents et de maladies professionnelles dans nos métiers, plus on sera en mesure de les éradiquer et moins nous connaîtrons d’accidents graves et mortels sur les chantiers. La difficulté que nous avons est que les accidents graves ne sont pas toujours connus. Les accidents mortels, eux, ne peuvent pas être cachés. Zéro accident mortel, revient à exprimer cet engagement fort à agir de manière préventive pour réduire tous les accidents, et, de fait, les accidents graves et mortels. Patrons, employés, chefs d’équipe, conducteurs de travaux… Tous ont un rôle à jouer. On peut déjà être fiers du taux de fréquence qui continue de diminuer depuis des années mais le nombre d’accidents atteint un certain palier.

Zéro accident mortel, revient à exprimer cet engagement fort à agir de manière préventive pour réduire tous les accidents, et, de fait, les accidents graves et mortels.

Jean de La Chapelle

Début décembre 2022, vous avez fait le bilan de la convention nationale de partenariat sur l’amélioration de la santé au travail avec le ministère du Travail, la Cnam, l’INRS et l’OPPBTP. Quelle va être la suite donnée ?

Cette convention avait été signée pour cinq ans en 2017 et elle faisait suite à la première, initiée en 2012. Une nouvelle convention 2023-2028 devrait être engagée au premier trimestre 2023, car toutes les parties prenantes ont confirmé son intérêt. Des groupes de travail réunis pendant la durée de la convention ont imaginé et développé différents outils à mettre à disposition des entreprises pour progresser en prévention, que ce soit sur les TMS, le risque chimique, la formation ou le rôle des maîtres d’ouvrage.

Justement, dans les travaux publics, le rôle des maîtres d’ouvrage est essentiel dans la réalisation des objectifs en matière de santé-sécurité. Quelles sont les initiatives menées ?

Dans le passé, les maîtres d’ouvrage n’intégraient pas forcément cette réflexion de fond sur les enjeux de sécurité en amont, dès la phase d’appel d’offres et la conception du chantier. C’est tout l’objet de notre charte « Chantier franchement sûr ». Le maître d’ouvrage s’engage à définir en amont et étudier toute proposition des entreprises ou du coordonnateur SPS pour améliorer les mesures de prévention contenues dans l’appel d’offres. Lorsqu’il s’agit de refaire une route dans une agglomération, comment rend-on le chantier le plus sûr possible tout en ayant un impact réduit auprès des riverains ? Nous donnons aux maîtres d’ouvrage des supports d’analyse des risques, des outils d’aide à la décision, disponibles sur notre site Internet, pour les travaux sous circulation, les fouilles en tranchées et la mise à disposition d’équipements sanitaires. On peut également citer, en matière d’hygiène, la recherche d’accès pour les compagnons à des toilettes dans un bâtiment administratif ou sportif de l’agglomération. Ces questions doivent être anticipées en amont. Depuis le lancement de la charte en octobre 2021, au moins quatre chantiers pilotes ont mis en œuvre cette démarche avec un retour d’expérience extrêmement positif. Pour accélérer ce déploiement, nous réalisons des présentations dans les FRTP qui ont un rôle clé à jouer grâce à leur proximité avec les acteurs locaux. Cette démarche est complémentaire avec celle développée par Route de France « Routes barrées », qui apporte aux entreprises les supports opérationnels à la demande aux maîtrises d’ouvrage de mise en sécurité des chantiers. Il s’agit donc d’une démarche en cours de chantier, en complément de « Chantier Franchement sûr ».

Sur le sujet des TMS, vous lancez ce mois-ci une campagne de communication. Quel est son contenu ?

En fonction des situations de travail, nous offrons des outils pragmatiques de sensibilisation et d’accompagnement à nos entreprises. Nos cibles sont : les chefs d’entreprise, sensibilisés à l’impact sur la santé des opérateurs et à l’incidence sur les coûts et la rentabilité des entreprises, l’encadrement et le personnel de chantier. Chaque cible dispose d’une boîte à outils : guides méthodologiques sur les bons réflexes, les bonnes postures, des aides au diagnostic…

Parcours

Jean de la Chapelle, ingénieur Efrei, a occupé différentes responsabilités dans de grands groupes de transport, avant de rejoindre Colas Rail en 2017.

1986-1997 : ingénieur et chef de projet chez Matra Transport.

1998-2017 : différents postes de direction au sein du groupe Alstom, notamment à l’international.

Novembre 2017 : directeur général France de Colas Rail.

Janvier 2020 : directeur général adjoint du groupe Colas Rail.

Juillet 2020 : président du comité Prévention et santé au travail de la FNTP.

Lors du bilan de la convention 2017-2022, il a été mentionné la nécessité de faire encore davantage sur le risque chimique. Comment comptez-vous mobiliser les entreprises sur le risque poussières de silice notamment ?

Ce sujet est complexe. La réglementation nous impose de réaliser des mesures sur les différents chantiers. Soit on fait des mesures systématiques, ce qui est aberrant, soit on décide de travailler collectivement le plus en amont possible pour identifier les différents types d’exposition d’une personne en fonction de sa situation de travail et définir la protection collective et individuelle nécessaire. C’est tout ce travail qui a été mené grâce à la campagne de mesurage silice impulsée par la FNTP, avec le concours de l’OPPBTP, de l’INRS, de la DGT et de la Cnam. C’est une fois les mesures de protection collective et individuelle définies et appliquées que l’on va vérifier que les valeurs limites d’exposition sont bien atteintes au regard des exigences réglementaires. L’exigence opérationnelle sur le terrain serait donc de s’assurer de la bonne mise en œuvre des protections individuelles et collectives. Nous continuons à travailler avec la DGT sur ce point. Nous avons de nombreuses mesures réalisées à ce jour et continuons nos campagnes afin de disposer d’au moins dix mesurages par situation de travail afin que l’échantillon soit suffisamment représentatif et que cela serve de validation pour les entreprises adhérentes. Sur le sujet de l’amiante, la démarche est similaire mais nous avons moins de mesures disponibles à date que sur la silice.

En matière de formation, vous avez travaillé sur un socle commun Prévention TP. En quoi cela consiste-t-il ?

L’enjeu est d’accueillir sur nos chantiers des personnes qui maîtrisent les connaissances et compétences de base en matière de santé-sécurité au travail. L’idée est d’intégrer dans le cursus de formation initiale un référentiel construit autour de trois blocs de compétences : s’approprier les enjeux de prévention, appliquer les démarches de prévention des risques professionnels et sécuriser les situations de travail spécifiques aux métiers des travaux publics. Ce référentiel s’adresse tant aux bac Pro TP, BTS TP qu’aux formations d’ingénieurs par exemple. L’enregistrement de ce socle de connaissances au répertoire spécifique de France Compétences est en cours et des expérimentations du programme de formation sont lancées dans plusieurs centres de formation Excellences TP, pendant six mois.

L’enjeu est d’accueillir sur nos chantiers des personnes qui maîtrisent les connaissances et compétences de base en matière de santé-sécurité au travail.

Jean de La Chapelle

Pour ce qui concerne le personnel intérimaire, le Pasi (Passeport sécurité intérimaire) semble avoir la même approche…

En effet, le Pasi et le socle commun Prévention TP sont deux démarches complémentaires. Le socle commun s’adresse aux primo entrants ou aux personnes en formation, alors que le Pasi cible les intérimaires. EGF-BTP, à l’origine du Pasi, travaille déjà avec Routes de France pour l’adapter à la spécificité de ces travaux, car le Pasi est plus adapté aux activités du bâtiment. On pourrait contextualiser davantage le Pasi au secteur des TP. Je compte y travailler avec EGF-BTP.

Quelles sont les nouvelles voies que vous explorez pour progresser en prévention ?

Nous devons à l’avenir progresser sur l’exploitation de la data, car le travail en prévention doit partir des réalités du terrain. Nous allons œuvrer en ce sens avec la Cnam et l’OPPBTP pour récupérer des données sur les accidents, les situations à risque, les analyser et ensuite en tirer des conclusions pour le futur. Autre sujet que nous comptons développer : le lien entre prévention et prévoyance. Pro BTP a des idées pour aider à l’élaboration de solutions de prévention des risques. Il s’agit d’appréhender la santé au travail dans sa globalité et d’identifier les risques le plus en amont possible de leur survenance. À titre d’exemple, améliorer la qualité du sommeil a des incidences sur la vigilance au travail et le bien-être des salariés. L’organisme de prévoyance y voit son intérêt puisque la diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles a un impact sur ses contributions financières. Et pour les entreprises, la préservation du capital humain va de pair avec celle du capital financier avec la réduction des primes d’assurance et de l’absentéisme. C’est une boucle vertueuse.

Portrait chinois

Votre mot préféré ? Intelligence collective.

Le mot que vous détestez ? Accident mortel.

Le métier que vous auriez aimé exercer en dehors du vôtre ? Explorateur ou grand reporter.

Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ? Médecin.

Votre bâtiment préféré ? La Fondation Louis Vuitton pour son architecture innovante et la Tour 101 à Taipei (Taïwan) pour sa prouesse technique.

Le son, le bruit que vous aimez ? La mer.

Le son, le bruit que vous détestez ? Tout son strident aigu permanent.

Le livre que vous emporteriez sur une île déserte ? Le Prophète, de Khalil Gibran, pour descendre au plus profond de soi et se rencontrer.

Une personnalité pour illustrer un nouveau billet de banque ? Je prendrais non pas une personnalité mais la terre, car il est de notre responsabilité de la protéger et la finance peut être vertueuse si elle contribue à la protéger.

PROFIL

Fédération nationale des travaux publics

La FNTP représente et défend les intérêts des 8 000 entreprises de travaux publics. Près de 2 000 entrepreneurs et professionnels du secteur, bénévoles, sont présents au sein des commissions fédérales, des instances des Fédérations régionales (FRTP) et des syndicats de spécialités. L’expertise de la FNTP se décline autour de sept thèmes correspondant aux commissions de la FNTP : développement économique, droit et marchés, sociale, formation, Europe/international, technique et innovation, développement durable.

Sous l’impulsion du comité prévention et santé au travail, différents groupes de travail réfléchissent aux moyens de faire avancer la prévention sur les sujets suivants : formation à la SST, TMS et bien-être au travail, maîtrise d’ouvrage, risque chimique.

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