Le Bâtiment Associé perpétue la tradition… de l’innovation
Entre savoir-faire traditionnels et technologies de pointe, l’entreprise, soucieuse du bien-être de ses salariés, les accompagne au changement.
Date de mise à jour : 4 oct. 2021
Auteur : Thierry Beaurepère
©Frédéric Vielcanet
- Identité : Le Bâtiment Associé
- Activité : Gros œuvre, charpente/ossature bois et restauration du patrimoine
- Création : 1979
- Chiffre d’affaires : 30 millions d’euros (dont 60 % en gros œuvre)
- Nombre de salariés : 180
- Lieu : Muizon (Marne)
- Conseiller en prévention : Pascal Bouillie
- Site : lebatimentassocie.fr
Difficile d’imaginer, en débarquant dans la petite zone industrielle de Muizon, aux portes de Reims, qu’elle cache une entreprise à la pointe des nouvelles technologies. Là, au bout d’une impasse, Le Bâtiment Associé – spécialisé dans la maçonnerie-gros œuvre, la charpente-ossature bois et la restauration du patrimoine – a réussi l’alliage parfait entre savoir-faire historique et techniques du XXIe siècle. Utilisation d’exosquelettes depuis quelques mois pour les montages d’échafaudages ou les tâches fatigantes, station d’implantation 3D ou recours à des drones pour réaliser des métrés… les geeks y seraient à leur aise !
● L’entreprise multiplie les technologies pour gagner en efficacité.
● Un nouvel atelier de taille de pierre permettra de développer l’activité.
Article paru dans le magazine Prévention BTP n°254 de septembre 2021, pages 22-25.
En avance sur son temps
Il faut dire que l’entreprise a l’innovation dans le sang, depuis toujours. Déjà, lorsque Pierre Possémé a créé Le Bâtiment Associé en 1979 avec trois amis (tous compagnons du devoir), il aimait aller de l’avant. Pas question pour lui de se cantonner à perpétuer des savoir-faire traditionnels, aussi prestigieux soient-ils. Vingt ans avant l’an 2000, il entendait déjà faire de son entreprise une vitrine technologique. Il fut le premier à recourir à la brique monomur, le premier à développer un secteur sciage/carottage avec utilisation de technologies diamantées, et en pointe lorsqu’il a fallu utiliser le béton de chanvre, bien avant que les matériaux biosourcés ne soient à la mode.
Pour son fils Christophe, il était logique de poursuivre cette tradition… de l’innovation. Pour conforter l’entreprise, mais aussi pour le bien-être des équipes. Le changement de génération l’a aidé. « J’ai embauché tous les salariés actuels, nous les avons formés. Aujourd’hui, la moyenne d’âge dans l’entreprise est de 34 ans », précise-t-il. Et en manager attentif, il est persuadé que l’accompagnement des salariés au changement est un investissement gagnant. Il a mis en place une organisation pyramidale, structuré les postes transverses, pour accompagner la croissance. Avec 180 salariés (contre 90 à son arrivée), le Bâtiment Associé est aujourd’hui l’une des belles PME de la région.
Un nouvel atelier pour industrialiser la production
Sous son impulsion, l’activité bois – qu’il s’agisse de construction ou de restauration – a pris un nouvel essor. « Nous avions déjà un robot de taille et nous avions recours au dessin assisté par ordinateur (DA0) depuis le début des années 2000. Avec la hausse de la demande pour les ossatures bois, il fallait aller plus loin. En 2011, nous avons inauguré un nouvel atelier qui a permis d’industrialiser la production », ajoute le dynamique patron. Tout a été pensé dans un souci de productivité et de sécurité, du stockage du bois à l’aspiration des poussières. Pour faire la différence, l’entreprise met aussi en avant son bureau d’études. « Le recours à un drone depuis trois ans, associé à la DAO, permet de réaliser des modélisations des bâtiments en 3D, sans recourir à une nacelle », précise Florent Hauberdon, responsable QSE, qui travaille par ailleurs sur une certification Mase (référentiel de management de la sécurité). Une fois le bâtiment modélisé, le bureau intègre les structures bois en DAO avant d’envoyer les éléments au robot de taille, pour une découpe millimétrée.
Ces innovations ont porté leurs fruits : l’activité charpente-ossature génère 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre 3 millions il y a dix ans, au point de faire du Bâtiment Associé l’un des leaders du Grand-Est dans ce domaine. On lui doit notamment le premier bâtiment R+4 en bois de Reims, inauguré en 2019. Actuellement, l’entreprise travaille au changement de la charpente d’un silo, à 80 mètres au-dessus du sol. « C’est un chantier très spectaculaire, j’aime ce qui sort du commun », poursuit Christophe Possémé.
Si, avec la prise de conscience environnementale, le bois est porteur, le patron entend toutefois ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il souhaite désormais développer le troisième pilier de l’entreprise, la partie restauration du patrimoine-taille de pierre. D’autant que ce savoir-faire fait partie de l’ADN de l’entreprise et contribue à sa notoriété auprès du grand public. Christophe Possémé tient à préciser :
« Je n’oppose jamais les métiers. Je suis un assembleur, qui aime chercher de nouveaux matériaux, de nouvelles technologies. »
Ainsi, un nouvel atelier est en construction, équipé notamment d’un robot de taille plus performant, pour une mise en service en 2022 (voir ci-après). Soit un investissement de 1,5million d’euros qui devrait permettre à l’entreprise de doubler le chiffre d’affaires de cette activité dans les quatre ans.
Dans l’atelier du Bâtiment Associé, tout a été pensé dans un souci de productivité et de sécurité, du stockage du bois à l’aspiration des poussières. ©Frédéric Vielcanet
Le bureau d’études généralise le recours à la modélisation en 3D. L’utilisation d’un drone permet de photographier rapidement un édifice en évitant de recourir à une nacelle avec les risques de chutes inhérents, et de gagner en précision. Cette modélisation offre aussi un gain de temps lors des travaux. Grâce à une station d’implantation 3D dans laquelle sont chargés les plans, le chef de chantier peut fixer les points de cote plus précisément.
Taille de pierre : un nouvel atelier pour plus d’efficacité
C’est le défi des prochaines années : développer le pôle restauration du patrimoine-taille de pierre. Le directeur général Christophe Possémé nous explique comment, et avec quels objectifs.
©Frédéric Vielcanet
« Dès mon plus jeune âge, je prenais la truelle pour aider mon père », se souvient Christophe Possémé. Après sept ans de tour de France en tant que compagnon du devoir, il rejoint l’entreprise familiale en 2001. « D’abord conducteur de travaux, j’ai franchi les marches sans griller les étapes. » À 44 ans, avec cette forte expérience, il peut rester proche du terrain et de ne pas transiger sur la sécurité des salariés.
Pourquoi investir dans un atelier de taille de pierre ?
Dès 1982, le Bâtiment Associé a développé une activité de restauration de patrimoine-taille de pierre. Après une baisse drastique des budgets, on constate une nouvelle prise de conscience sur la nécessité d’entretenir nos bâtiments, portée par des organismes comme la Mission Bern ou la Fondation du Patrimoine. Avec Jean de Limerville, le directeur du pôle arrivé en 2017, nous avons décidé de nous projeter dans une nouvelle ère en recourant plus massivement aux nouvelles technologies.
Quels seront les atouts de cet atelier ?
Entre la DAO et la mise en place d’un centre d’usinage plus important – avec un robot 5 axes capable d’aller chercher lui-même les outils nécessaires, de tailler les pierres à 100 % et d’extraire mécaniquement les pertes –, nous allons gagner en productivité. S’il y a rarement de grosses séries à produire dans la restauration, cet atelier va nous permettre de tailler des pièces que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui et de nous développer sur le marché du neuf.
Comment accompagnez-vous les salariés ?
C’est une évolution inéluctable du métier. À nous d’accompagner les trente salariés du pôle dans cette transition, avec des formations. Outre une amélioration de la qualité pour le client, cela va nous permettre de gagner des marchés. C’est aussi un progrès sur le plan de la prévention. J’ai longtemps bossé sur les chantiers, j’en connais les dangers. Il est de mon devoir d’emmener les salariés jusqu’à la retraite en bonne santé.
Le dirigeant a investi dans un drone. Il photographie l’édifice et permet d’identifier les pierres à changer et de quantifier les travaux.
©Frédéric Vielcanet
Pour certains chantiers, le bureau d’études réalise une modélisation en 3D du bâtiment.
©Frédéric Vielcanet
Grâce à un pont, le déplacement horizontal des blocs de pierres à l’atelier est facilité.
©Frédéric Vielcanet
Large de 2,5 mètres pour une circulation facile, l’échafaudage est équipé d’escaliers extérieurs pour éviter les trappes.
l’échafaudage est équipé d’escaliers extérieurs pour éviter les trappes. ©Frédéric Vielcanet
Un ascenseur permet de faire monter les équipes et de hisser 1,5 tonne de pierres à la fois.
©Frédéric Vielcanet
Un ergosquelette (Hilti Exo-01) favorise les conditions de travail, notamment pour percer dans la pierre.
Ergosquelette (Hilti Exo-01) ©Frédéric Vielcanet
● L’entreprise utilise un drone chaque fois que nécessaire. Pour la rénovation de la Collégiale Saint Yved de Braine (Aisne), le travail a commencé par une photographie de l’édifice. En une demi-journée de vol, le drone a permis d’identifier les pierres à changer et de quantifier les travaux.
● Avec son équipe (5 personnes en moyenne), l’appareilleur Romain Robert démonte et remonte les clochers et le transept pierre par pierre. 99 % des pierres arrivent déjà taillées par l’atelier. Reste parfois à les ajuster. « À l’avenir, le scan 3D permettra de gagner encore en efficacité », explique-t-il.
● Depuis trois ans, le Bâtiment Associé installe des ascenseurs sur les chantiers chaque fois que possible, pour monter les matériaux et les équipes. Une fois hissées à 40 mètres de hauteur, les pierres sont déplacées sur des roulettes ou des diables.