Une étude pour aider les médecins du travail à mieux anticiper l’usure professionnelle
Comment mieux prévenir les phénomènes d’usure professionnelle auxquels sont exposés les professionnels du BTP ? Une étude réalisée par l’INRS avec un service de santé au travail a cherché à identifier les relations entre certaines contraintes physiques et psychosociales rencontrées par les professionnels du BTP et de faibles capacités physiques.
Date de mise à jour : 13 janv. 2022
Auteur : Virginie Leblanc
©OPPBTP
« S’il y a un déséquilibre entre les exigences au travail – effort, posture par exemple – et les capacités physiques d’un professionnel du BTP, alors il y a un risque d’usure professionnelle, rappelle Emmanuelle Turpin-Legendre, physiologiste et chargée de recherche au laboratoire Physiologie-Mouvement-Travail (PMT) de l’INRS. Le maintien de ces capacités physiques est essentiel pour faire face aux contraintes du travail, c’est pourquoi identifier les liens entre les capacités physiques et les expositions professionnelles peut contribuer à la prévention des phénomènes d’usure. »
Menuisiers, maçons, conducteurs d’engins... de nombreux métiers représentés
Partant de ce postulat, Emmanuelle Turpin-Legendre a mené une étude avec le service interentreprises de santé au travail BTP Grand Est afin d’analyser les relations entre certaines contraintes physiques et psychosociales rencontrées par les professionnels du BTP pendant leur parcours professionnel et de faibles capacités physiques.
Cent cinquante-trois salariés masculins âgés de 20 à 50 ans et ayant eu un premier métier à forte charge physique ont participé à l’étude. Quatre-vingt-trois d’entre eux avaient un métier actuel à forte charge physique et soixante-dix à faible charge. De nombreux métiers étaient représentés : menuisiers, maçons, dirigeants et gérants de petites entreprises, électriciens, conducteurs d’engins… Des questionnaires portant sur l’exposition à des contraintes physiques et psychosociales ont été élaborés et treize tests physiques ont été dispensés.
L’étude s’est déroulée sur quatre années. « Il a été difficile d’avoir des volontaires et il fallait pouvoir les contacter pendant environ six mois, précise Emmanuelle Turpin-Legendre. L’étude se réalisait hors temps de travail pour les salariés. De plus, il fallait un échantillon suffisant de personnes pouvant physiquement faire les tests. »
« Nous avons cherché à convaincre les salariés de participer à cette étude en leur montrant l’intérêt porté à leurs métiers ainsi que la vision à long terme qui pourrait enrichir les connaissances pour la préservation de leur santé et de leurs capacités physiques, explique Annick Gérard, directrice du service interentreprises de santé au travail BTP Grand Est. Et bien entendu, nous leur avons garanti l’anonymat de leurs réponses. »
Contraintes physiques et capacités physiques
Résultats ? L’étude a permis notamment d'identifier trois associations entre une exposition à des contraintes physiques (vibrations du corps entier, position accroupie, effort de préhension) et de faibles capacités physiques (coordination motrice, endurance musculaire des cuisses, force maximale de préhension). « La posture accroupie, considérée comme la plus pénible par les salariés interrogés, est liée à de faibles capacités d'endurance des cuisses, note Emmanuelle Turpin-Legendre. Cela suggère que le test d'endurance des cuisses pourrait être prometteur en tant que signal d'alerte de la survenue d’atteintes aux membres inférieurs. »
Autre exemple, le faible niveau de coordination motrice des membres supérieurs observé chez les salariés exposés aux vibrations du corps entier – notamment les conducteurs d’engins – pourrait être le test qui permettrait de prévenir l'installation d'une pathologie du membre supérieur.
Les travaux montrent également deux associations entre des contraintes psychosociales rencontrées dans le métier actuel (demande psychologique, manque de reconnaissance) et de faibles capacités fonctionnelles (force maximale de l'épaule, capacité cardiorespiratoire), qui sont des aspects très peu décrits dans la littérature de la santé au travail.
Un biais est à souligner : « Notre population considère que sa santé est plutôt bonne, ce qui est peut-être dû au fait que nous avons fait le choix d’un échantillon de salariés ayant certaines capacités physiques leur permettant de réaliser les tests. Ceux qui n’ont plus cette capacité ont déjà quitté le secteur. »
Des tests fonctionnels prometteurs pour le maintien en emploi
À la suite de cette étude, quelles sont les perspectives ? Des tests fonctionnels sont apparus prometteurs dans la détection de faibles capacités fonctionnelles en relation avec certaines expositions professionnelles. Ce sont par exemple des tests de force maximale des mains, d'endurance des cuisses et de coordination motrice en lien avec des expositions physiques. Les tests de force maximale de l'épaule et d'effort physique sont associés à des expositions psychosociales.
Utiliser ces tests dans des études épidémiologiques longitudinales permettrait d’accroître les connaissances sur le rôle potentiel de l'évolution des capacités physiques dans les processus d'installation des pathologies de l'appareil locomoteur. Ces tests pourraient alors être proposés aux médecins du travail pour un suivi longitudinal de la santé des salariés afin d’alerter sur une baisse de leurs capacités physiques et ainsi participer à la prévention des phénomènes d'usure.
« Ces tests à dimension physiologique permettent d’évaluer l’étendue des problèmes que chaque salarié pourrait rencontrer au cours de son parcours, souligne Annick Gérard. Ils pourraient être un référentiel dans le cadre du maintien dans l’emploi et permettre une proposition de réorientation professionnelle à chaque salarié concerné à un âge prédéfini. » Les médecins pourraient ainsi donner l’alerte avant que la pathologie ne s’installe. Un enjeu capital au regard de l’allongement de la vie professionnelle.
Disponible sur le site de l’INRS ou dans la revue Références en Santé au Travail (01/2022), l’étude est téléchargeable ici
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