Prévention des risques en milieu hyperbare
Les tubistes, qui opèrent en milieu hyperbare sec, sont exposés à un certain nombre de risques spécifiques, comme les barotraumatismes ou les accidents de décompression.
Quant aux plongeurs professionnels qui travaillent en milieu hyperbare humide, ils sont exposés à des risques spécifiques, comme la noyade ou l’hypothermie. Le type, la durée et la fréquence des plongées, ainsi que les opérations effectuées, augmentent les risques associés à ces travaux.
D'autres risques sont également associés au travail proprement dit, tels que la découpe et le soudage à l’air libre, ou bien la manipulation de matériaux et l'utilisation d'outils manuels et électriques sous l'eau.
Ce focus fait le point sur les différents leviers permettant de prévenir ces risques, en prenant en compte les principes généraux de prévention et l’ordre de ces derniers.
Date de mise à jour: 23 nov. 2023
©OPPBTP
Le manuel de sécurité hyperbare
Le manuel de sécurité hyperbare (MSH) est établi par l’employeur, en liaison avec le conseiller à la prévention hyperbare (CPH), sur la base des résultats de l’évaluation des risques issus du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Ce manuel précise :
- les fonctions, les compétences et les rôles respectifs des différentes catégories de travailleurs intervenant lors des opérations ;
- les équipements requis selon les méthodes d'intervention employées par l'entreprise et les vérifications devant être effectuées avant leur mise en œuvre ;
- les règles de sécurité à observer au cours des différents types d'opérations ainsi que celles à respecter préalablement et ultérieurement à ces opérations, en particulier dans les déplacements entraînant des modifications de pression ayant des conséquences sur la santé ;
- les éléments à prendre en compte par les opérateurs lors du déroulement des opérations telles que les caractéristiques des lieux, les variables d'environnement, les interférences avec d'autres opérations, la pression relative ;
- les méthodes d'intervention et d'exécution des travaux ;
- les procédures d'alerte et d'urgence, les moyens de secours extérieurs à mobiliser, les moyens de recompression disponibles et leur localisation.
Le MSH est mis à jour périodiquement, notamment à l'occasion de toute modification importante des conditions d'intervention ou d'exécution de travaux.
Le manuel de sécurité hyperbare est soumis pour avis au médecin du travail et aux membres du CSE ou de la CSSCT.
L’évaluation des risques
Les travaux hyperbares imposent systématiquement une évaluation des risques.
Cette analyse prend la forme soit d’un plan de prévention soit d'un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS).
La notice de poste
L'employeur remet à chaque travailleur une notice de poste sur la base de l'évaluation des risques réalisée pour chaque poste de travail. Il l'informe ainsi des risques auxquels son travail peut l'exposer et des dispositions prises pour les éviter ou les réduire.
Cette notice rappelle les règles d'hygiène et de sécurité applicables ainsi que, le cas échéant, les consignes relatives à l'emploi des mesures de protection collective ou des équipements de protection individuelle. Elle doit être tenue à jour.
Le livret individuel et la fiche de sécurité
Avant des interventions ou des travaux hyperbares, l'employeur établit une fiche de sécurité sur laquelle sont indiqués :
- la date et le lieu de l'intervention ou des travaux ;
- l'identité des travailleurs concernés ainsi que leur fonction. S'il s'agit de travailleurs indépendants ou de salariés d'une entreprise extérieure, l'identification de celle-ci ;
- les paramètres relatifs à l'intervention ou aux travaux, notamment les durées d'exposition et les pressions relatives ;
- les mélanges utilisés ;
- le milieu d'intervention (eau, bentonite).
Un modèle de la fiche de sécurité est intégré dans le manuel de sécurité hyperbare.
Par ailleurs, l’ensemble des plongées du travailleur est consigné dans un livret individuel (anciennement appelé "carnet de plongée").
Les principes généraux de prévention
Éviter les risques
Éviter le risque, c’est éviter de pénétrer en milieu hyperbare. Ceci résulte d’un choix de méthode de travail, de l’existence d’une alternative technologique ou d’une opportunité technique. Quelle que soit la situation, il convient de ne pas oublier que le travail dans une atmosphère hyperbare est humainement contre nature, car il soumet l'opérateur à des contraintes physiques et psychologiques importantes.
Ces interventions ne sont jamais sans danger. Il est important de prendre toutes les précautions indispensables afin d'éviter le risque.
Évaluer les risques qui ne peuvent être évités
L’évaluation de l’exposition au risque hyperbare a conduit à la mise en œuvre d’une démarche globale reposant sur :
- la bonne coordination avec la maitrise d’ouvrage ;
- la composition des équipes de plongée, définie par la réglementation ;
- la connaissance de la qualité de l’air ou des mélanges respirables ;
- la maîtrise de la pression et des procédures d’intervention ;
- l’analyse des conditions de travail.
Combattre les risques à la source
Adapter les gaz respiratoires aux activités hyperbares
- Limiter la respiration d’air comprimé à une pression relative de 5 000 hPa.
Au-delà de 5 000 hPa, des mélanges respiratoires spécifiques doivent être utilisés. - Respecter les limites admissibles de pressions partielles des gaz respirés.
Prévenir l’incendie
Dans une enceinte hyperbare, le taux d’oxygène dans l’air ne doit pas être supérieure à 25 %.
L’analyse de l’ensemble des conditions (combustibles, sources d’énergie…) doit être prise en compte dans les procédures (soudage, découpage, enceintes hyperbares avec masques à oxygène...), et l’utilisation d’outils spécifiques peut être requis.
La pression de l'oxygène est de 200 bars dans les bouteilles d'utilisation courante.
Dans un détendeur, se trouve une chambre haute pression, capable de supporter cette pression d’oxygène issu de la bouteille.
Le détendeur restituera l'oxygène à une pression de 3,5 bars pour utilisation.
Avant d'ouvrir le robinet de la bouteille, la chambre haute pression du détendeur est à une pression de 1 bar. En ouvrant la bouteille, l'oxygène s'engouffre à 200 bars. Avec la montée en pression de 1 à 200 bars, la température peut s’élever à 500 ou 600 degrés.
A cette température, tout matériau organique s'enflamme instantanément, d'autant plus facilement que la teneur en oxygène est très élevée. Ainsi, la moindre pollution risque de déclencher un processus de "coup de feu".
Adapter le travail à l’homme
-Limiter la durée du travail à 3 h par jour pour les scaphandriers (mention A), 6 h par jour pour les tubistes (mention D) au-delà de 0,75 bar, y compris les temps de compression et de décompression.
-Réduire la durée quotidienne de séjour dans l’eau à 1,5 h si :
- Les valeurs limites d’ampleur de houle et de vitesse de courant fixées par l’employeur dans le manuel de sécurité hyperbare sont atteintes ou dépassées.
- La température de l’eau est inférieure à 10° C ou supérieure à 30° C.
- Les conditions d’intervention précitées provoquent une gêne ou une fatigue anormale chez l’opérateur.
- Les opérateurs manipulent des outils hydrauliques ou pneumatiques à percussion d’une masse supérieure à 15 kg.
Le conseiller en prévention hyperbare (CPH) recueille l’avis des opérateurs sur ces critères, organise le travail sur cette base et consigne les éventuelles restrictions sur la fiche de sécurité.
Les travaux sont suspendus lorsque l’ampleur de la houle ou du clapot, ou la vitesse du courant sont susceptibles de mettre en danger les opérateurs.
Par ailleurs, le chef d’opération hyperbare (COH) s’assure :
- de faire respecter les procédures de décompression, fonction de la pression d’intervention et du temps passé en milieu hyperbare ;
- d’éviter les efforts physiques ou la sollicitation forcée et répétée des articulations pendant le travail et de privilégier la mécanisation des tâches ;
- d’améliorer le confort du personnel en prévoyant des sas de dimension suffisante, ainsi que des locaux d’hygiène et de vie adaptés ;
- de diminuer les contraintes thermiques, facteur favorisant les accidents de décompression, que ça soit en milieu sec ou humide. En milieu humide, il est primordial d’utiliser des combinaisons étanches avec des vêtements chauds. Par ailleurs, on peut favoriser la circulation d’eau chaude dans la combinaison et assurer le réchauffage des gaz respiratoires.
Tenir compte de l'évolution de la technique
- Privilégier les techniques supprimant les interventions de l’homme dans le milieu hyperbare, notamment dans les tunneliers : robotisation ou mécanisation des chargements des outils de coupe, automatisation des dispositifs de nettoyage de la vis et des concasseurs, contrôle à distance de l’usure de pièces (caméra, témoins d’usure, visualisation à distance du joint de roulement principal de tête), fonctionnement automatique du graissage des joints de tête ...
- Utiliser des matériels d’inspection et d’intervention télé-opérés : vidéo sous-marine assistée, drones sous-marins (Remote Operated Vehicles, ROV), caméra acoustique ...
Remplacer ce qui est dangereux par ce qui est moins dangereux ou pas dangereux
- Privilégier les interventions dans des zones de pression moins élevée (puits intermédiaires, consolidation des terrains). Préférer les plongées au narguilé plutôt qu’en scaphandre autonome pour bénéficier de liaisons phoniques et d'une connaissance en surface de la profondeur et de la pression, d’eau chaude, de ligne de vie, de caméras ...
- Utiliser des outils hydrauliques plutôt que pneumatiques.
À des profondeurs d'essai de 18 mètres, les outils hydrauliques se révèlent très efficaces et pratiques, tandis que les outils pneumatiques, bien qu'efficaces, nécessitent un entretien important.
À des profondeurs supérieures à 18 m, les outils hydrauliques conservent leur efficacité, tandis que les outils pneumatiques perdent leur efficacité, en raison de la compressibilité du gaz.
Par ailleurs, à taille équivalente, les outils hydrauliques sont généralement plus puissants que les outils pneumatiques.
Planifier la prévention
Les conditions de travail difficiles rendent les mesures organisationnelles cruciales. Une évaluation des risques pendant la préparation du chantier est donc essentielle.
L’employeur désigne un conseiller en prévention hyperbare, qui participe à l’évaluation des risques, à la mise en œuvre de toutes les mesures propres à assurer la santé et la sécurité des opérateurs intervenant en milieu hyperbare et à l’amélioration continue de la prévention des risques à partir de la situation de travail.
Ce conseiller en prévention hyperbare doit :
- planifier les interventions de maintenance et d’entretien dans les zones à pression atmosphérique (tubistes mention D) ;
- prévoir les procédures d’intervention et les procédures de sécurité (scaphandriers mention A et tubistes mention D) ;
- pour les travaux à effectuer sans visibilité, procéder à des répétitions pratiques des interventions à réaliser, en aveugle et à pression atmosphérique, (scaphandriers mention A) ;
- procéder à des exercices de secours avec les organismes compétents, l’équipe de scaphandriers/secours et le chef des opérations hyperbares (COH) (scaphandriers mention A) ;
- établir les procédures de coordination entre les services de secours internes et les services d’urgence extérieurs : Samu, pompiers, Sécurité civile, hôpitaux spécialisés .... ;
- prévoir les différents dispositifs de secours et de contrôle de l’atmosphère, leur maintenance et leur entretien ;
- prévoir les différents moyens d’accès de séjour, de sortie, d’organisation, de surveillance, ainsi que ceux de production, de transfert, de stockage, de distribution, de contrôle des gaz respiratoires (scaphandriers mention A) ;
- prévoir les dispositions à prendre en cas d’accident (scaphandriers mention A et tubistes mention D) ;
- après une décompression :
-éviter toute tâche nécessitant un effort physique, comme la manutention manuelle, pendant deux heures,
-interdire toute activité physique intense pendant douze heures,
-interdire la montée en altitude (avion ou autre).
Cette restriction est mentionnée dans le manuel de sécurité hyperbare et dans la notice de poste remise au travailleur.
Les activités hyperbares en altitude font l’objet d’une variation de pression à prendre en compte lors la préparation des temps de plongée et de récupération, afin d’adapter les tables de décompression aux spécificités de la plongée en altitude.
Donner la priorité aux mesures de protection collective sur les équipements de protection individuelle
Protections collectives
La protection collective est surtout liée à la conception des matériels, qui doivent répondre :
- aux prescriptions relatives à la qualité des gaz respirables et aux seuils réglementaires de pressions partielles des gaz ;
- aux normes sur l’utilisation des matériels sous pression.
Les mélanges respirables fournis par des compresseurs doivent être analysés après tout montage d’une nouvelle installation, puis au moins une fois par an, ainsi qu’après une anomalie ou toute réparation importante de l’installation.
L’aspiration des compresseurs doit être effectuée dans un endroit ne présentant pas de risque de pollution, notamment par des gaz d’échappement, des brouillards de vapeurs d’huiles ou d’hydrocarbures, du gaz carbonique (CO2) ou du monoxyde de carbone (CO). Les filtres doivent être entretenus et changés régulièrement.
Les mélanges respiratoires doivent être adaptés aux activités hyperbares. En particulier, les limites de profondeur en fonction du mélange utilisé sont à respecter (pas plus de 50 m pour la plongée à l’air comprimé).
Protections individuelles
- Fournir aux travailleurs y compris intérimaires des vêtements de protection et des appareils respiratoires certifiés CE, ainsi que des accessoires et un dispositif de réserve de gaz de secours appropriés.
- S’assurer que les appareils respiratoires délivrent l’air ou le mélange respiratoire sans résistance excessive et répondent à la norme NF EN 250 “Appareils respiratoires - Appareils de plongée autonomes à air comprimé et à circuit ouvert - Exigences, essai, marquage”.
Si nécessaire, assurer des moyens suffisants de protection contre le froid lors de la plongée et pendant les paliers de décompression.
Former et informer les travailleurs
- Formation spécifique aux risques de l’intervention et au site pour les scaphandriers mention A, pour le conseiller en prévention hyperbare, le chef de sas et le chef des opérations hyperbares sanctionnée par un certificat d’aptitude à l’hyperbarie (CAH).
- Formation à l’utilisation des protections individuelles.
- Formation aux interventions de secours.
- Information aux travailleurs sur le contenu du manuel de sécurité hyperbare et sur le plan spécifique à l’opération (PPSPS ou plan de prévention).
- Vérifier que le sens d’ouverture des portes des sas est adapté aux différences de pression ou équiper les portes de dispositifs de sécurité (tubistes mention D).
- Assurer la surveillance extérieure (pression atmosphérique) de manière à faciliter l’intervention de l'opérateur de secours, en cas d’accident ou de malaise survenant dans le milieu hyperbare.
- Prévoir des moyens de communication efficaces d’alerte et de secours.
- Constituer des équipes formées et cohérentes.
- Opter pour des commandes de machines pouvant être différenciées au toucher (travail en aveugle).
Gestion des procédures de secours
La rapidité de mise en œuvre de la procédure de recompression permet une meilleure prise en charge, après un accident de décompression. Les protocoles sont variables en fonction des signes présentés par l’accidenté.
Une recompression d’urgence peut être réalisée soit sur site, dans un caisson de sauvegarde, soit en milieu hospitalier dans un caisson médical. Le rôle du médecin responsable du caisson est de prodiguer un traitement adapté à la situation médicale.
Conformément à l’article 14 de l'arrêté du 14 mai 2019 mention A, l’employeur doit s'assurer qu'il existe un caisson de recompression équipé d'au moins deux postes ventilatoires et d'un sas à personne, disponible en cas d'accident, ainsi que le personnel formé et régulièrement entraîné pour le mettre en œuvre.
Le délai d'accès au caisson doit être inférieur à :
- deux heures lorsque la durée totale des paliers de décompression est inférieure à quinze minutes ;
- une heure lorsque la durée totale des paliers de décompression est supérieure à quinze minutes
En l’absence de caisson médical disponible dans ces durées, le chef des opérations hyperbares (COH) prévoit un caisson de sauvegarde sur le site.
En cas de suspicion d'accident lié à l'hyperbarie, le COH déclenche la procédure de secours prévue dans le manuel de sécurité hyperbare. Lorsque le caisson de recompression est situé sur le site de l'opération, après avis médical et selon ses compétences, le COH procède ou fait procéder par le personnel qualifié à une recompression d'urgence en appliquant les tables thérapeutiques recommandées par le médecin expert.
Dans tous les cas, il alerte le médecin hyperbare référant ou le médecin chef de service du caisson hyperbare référent, et informe le conseiller à la prévention hyperbare, qui lui apportent leur concours.
En cas d'évacuation par un moyen aérien non pressurisé, le trajet est effectué à une altitude n'excédant pas 300 mètres au-dessus du lieu de plongée.
Les facteurs de risque professionnel
L’hyperbarie a été identifiée comme un facteur de risque professionnel au sens de l’article L4161-1 du Code du travail. Ce risque est caractérisé par un travail en milieu où la pression absolue est supérieure à 100 hPa.
L’employeur doit évaluer ce risque et mettre en place des mesures de prévention nécessaires.
Il faut notamment déterminer le niveau, le type et la durée d’exposition au risque hyperbare des travailleurs, en prenant en compte les conditions d’exercice (température de l’eau, stabilité pendant le travail, temps de travail, palier de décompression), mais aussi les autres risques liés aux interventions. Les tâches à réaliser peuvent en effet aggraver les effets de l’hyperbarie.
Lorsque les opérateurs sont amenés à effectuer plus de 60 interventions ou travaux hyperbares dans l’année, leur employeur doit déclarer, de façon dématérialisée, les facteurs de risques professionnels auxquels ils ont été exposés, et leur permettant d’acquérir des droits au titre d'un compte professionnel de prévention.