Tendance BTP 2022 : l’industrialisation des chantiers hors-site
En novembre dernier, le Syndicat français de l’industrie cimentière (SFIC) tenait un séminaire sur la construction hors-site, procédé qui ne manque pas d’avantages : plus rapide, plus sûr pour les collaborateurs, moins impactant en termes de nuisances sur site… Mais encore peu mis en œuvre sur les chantiers. Le point sur les freins et les leviers de cette solution d’industrialisation.
Date de mise à jour : 22 déc. 2021
Auteur : Jeremy Debreu
©OPPBTP - Emmanuel Gabily
La construction hors-site se déploie en France, mais jusqu’alors les retours d’expérience et la réalité concrète de son impact étaient encore mal connus. Pourtant ce procédé, qui repose sur la conception et préfabrication en atelier ou en usine des éléments assemblés ensuite sur chantier, a le vent en poupe. Le premier baromètre hors-site, publié en novembre 2021 par Batimat/Campus Hors-Site/TBC Innovations, vise à offrir une vision plus claire sur ce procédé de construction et mesurer l’évolution des pratiques.
La réalité de la construction hors-site en chiffres
Les derniers chiffres de 2019 relatifs à la construction hors-site faisaient état d'un chiffre d’affaires de 854 millions d'euros, pour 3 688 salariés et un volume de 439 000 m² d’unités implantées en France (source Association des constructions industrialisées et modulaires-Acim).
Le baromètre Batimat/Campus-Hors-Site/TBC Innovations, publié en novembre dernier, compile les résultats d’une étude menée auprès de deux cents acteurs du BTP en juin 2021. Premier enseignement, près de 50 % d’entre eux ont déjà eu recours à ce procédé pour au moins un de leurs chantiers, majoritairement dans le neuf et des projets de logement – petit collectif ou maison individuelle.
©Batimat, Hors-site Campus et le cabinet TBC Innovations
Que développe-t-on en construction hors-site ? Majoritairement de la préfabrication d’éléments de structure primaires 3D ou 2D (façades, planchers, toitures…) et de sous-éléments de structure.
©Batimat, Hors-site Campus et le cabinet TBC Innovations
Les nombreux avantages de la construction hors-site
Quel bilan en tirer ? Globalement, le niveau de satisfaction est élevé. Les répondants à l’étude s’accordent pour saluer la réduction des nuisances sur site (59 %), des délais de construction (58 %) et l’amélioration de la qualité (56 %). Pascal Chazal, fondateur de Patch Conseil – entreprise membre du groupe Hors-Site qui a contribué à la réalisation du baromètre – abondait dans ce sens lors d’un séminaire organisé en novembre par le Syndicat français de l'industrie cimentière (SFIC) : « Les avantages sont nombreux : amélioration de la qualité, livraisons avec moins de réserves, plus de sécurité, moins de pénibilité, moins de transports. Également, une meilleure attractivité pour les jeunes est constatée, ce qui constitue un effet induit intéressant pour la filière. En revanche, la construction hors-site constitue un nouveau paradigme car on n’est plus centré sur le chantier et sur le sur-mesure. Le maître-mot devient la standardisation. »
©Batimat, Hors-site Campus et le cabinet TBC Innovations
Lever les freins pour favoriser l'adoption du hors-site
Et ce changement de culture représente probablement le plus gros frein à l’adoption généralisée par le secteur en entier. Hervé Rebollo, délégué général de l’Acim (Association des constructions industrialisées et modulaires) explique l’évolution de la culture d’entreprise requise : « La difficulté provient essentiellement du fait que les projets n’incluent pas le hors-site dès leur conception. Cela crée des difficultés organisationnelles et de communication entre les différents intervenants. »
Lors de ce même séminaire du SFIC, Bruno Lineatte apportait le témoignage de Bouygues Construction. « L’innovation, qui peut paraître rapidement visible du côté de l’entreprise, c’est la modernisation d’un chantier non-industrialisé, avec l’implantation de grues automatisées avec poste de travail à distance, des compagnons dotés de manchons connectés pour communiquer avec les collègues ou le bureau d’études ou encore le déploiement de robots sur chantier… égrène le directeur recherche et développement innovation des modes constructifs. Mais pour aller plus loin, il faut construire hors-site, avec d’abord la mise en place de modules qui contiennent plusieurs corps d'état puis la préfabrication complète de pièces ou d’éléments. Le mode de construction qui fait appel à la préfabrication en usine, c’est la vraie modernité ! »
©Batimat, Hors-site Campus et le cabinet TBC Innovations
Des impacts positifs en termes de sécurité
Les freins de l’adoption de la construction hors-site sont donc organisationnels : il s’agit de concilier la spécificité de la construction d’un bâtiment avec la standardisation liée à l’industrialisation. « Les trois piliers sont la répétition et le volume pour améliorer la qualité et réduire le coût, et les outils liés au secteur industriel. C’est le numérique qui va permettre de faire le pont entre l’atelier et le site de construction », précise Pascal Chazal.
Avec des impacts directs sur la sécurité et le confort des conditions de travail. « L’accidentologie en usine est plus faible que sur le chantier, ajoute-t-il. Au-delà des accidents, les conditions de travail en atelier sont bien meilleures, que ce soit sur le plan météorologique (température, pluie) ou des risques associés, avec un poste de travail souvent mieux défini, moins de circulation d’engins ou de manipulation de charges lourdes. Les procédés de préfabrication sont prévus longtemps à l’avance, peu variables, et enfin de meilleurs outils, notamment la robotique, sont mis à disposition. »
Durant l’été 2020, une équipe de Prévention BTP s’était rendue sur le chantier de la tour Hyperion (lire Prévention BTP n°248). Parmi les innovations observées, la préfabrication des balcons. David Massé, directeur des travaux pour Eiffage Construction sur ce chantier, nous livrait son témoignage.
« Sur les balcons d’Hyperion, le processus de préfabrication fut extrêmement utile parce que la fabrication de chacun d’eux représentait un chantier logistique énorme. Il y a eu un travail en amont d’étude, de conception, de validation des notes de calcul par l’organisme de contrôle qui a requis plus d’un an de préparation. En octobre 2019, nous avons débuté l’élaboration des plans puis la modélisation de chacune des pièces avant de réaliser trois balcons témoins en novembre. Chaque balcon étant unique, la masse de travail en conception était phénoménale pour fabriquer et livrer vingt balcons par mois. Ce travail en usine a permis de limiter au maximum le nombre de tâches à faire sur le chantier et a certainement contribué à réduire au maximum la marge d’erreur, de l’ordre d’un centimètre seulement par balcon ! »
Les enjeux de la construction sont nombreux : les bâtiments sont devenus très complexes et le secteur du BTP doit se décarboner. Pascal Chazal explicite le rôle que la préfabrication peut jouer pour répondre à ces défis. « On va associer les outils numériques avec des composants à forte valeur ajoutée. Plusieurs corps de métiers sont alors gérés en usine et non plus sur le chantier, avec une amélioration directe de l’efficacité des ouvriers grâce à de meilleures conditions de travail. On estime que l’efficience est portée à environ 80 % en usine, contre 25 % sur chantier. »
Or les possibilités de la préfabrication dans le BTP sont quasi infinies : maisons, logements collectifs, collèges, hôpitaux… et concernent différents types de composants, comme des ouvrages à forte valeur ajoutée balcons, gaines techniques, façade… Mais aussi des composants béton, comme les prémurs ou des escaliers préfabriqués. Bruno Lineatte (Bouygues Construction) confirme : « Nous allons pouvoir élaborer des versions préfabriquées de béton ultra bas-carbone. » De manière plus large, la préfabrication hors-site constitue une opportunité en termes environnemental en diminuant significativement le bilan carbone d’un chantier grâce à une meilleure maîtrise des procédés et une diminution des défauts de construction. La logistique industrialisée permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais aussi la production de déchets et la pollution locale.
Pour aller plus loin : télécharger le baromètre hors-site 2021.