Santé et sécurité au travail en Europe : progrès et défis
Des accidents du travail en baisse sur le temps long, mais de nombreux défis restant à relever. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-Osha) a livré un rapport sur l’état et les tendances en matière de sécurité et de santé au travail en Europe, dont Eurogip a réalisé une synthèse. Principaux enseignements.
Date de mise à jour : 15 nov. 2023
Auteur : Virginie Leblanc
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Si le taux d’accidents du travail (AT) baisse en Europe, les facteurs de stress psychosociaux et émotionnels qui affectent le bien-être des travailleurs augmentent. De plus, les risques physiques et la charge ergonomique restent à un niveau élevé et stable. C'est ce qui ressort d'une synthèse réalisée par Eurogip, après la publication d'un rapport de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail offrant un état des lieux de la santé sécurité au travail en Europe depuis dix à vingt-cinq ans, en fonction de la disponibilité de données fiables et de problèmes méthodologiques.
En ce qui concerne les accidents du travail, le taux d'incidence entre 1998 et 2019 au niveau de l’UE a diminué d'environ 58 %, passant de 4 089 à 1 713. La majeure partie de cette baisse s'est produite au cours de la première moitié de cette décennie : entre 1998 et 2008, le taux d'incidence a baissé de 54 %, et entre 2009 et 2019 de 9 % seulement. Pour ce qui est des accidents mortels sur la même période, le document indique que le taux d'incidence a chuté d'environ 57 %, passant de 5,03 à 2,17. L’amélioration a eu lieu avant 2010 et les chiffres ont stagné au cours des dernières années.
Si le nombre total des AT a diminué, c’est en partie en raison d’une réduction de la sinistralité dans des secteurs accidentogènes tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière, la construction et les transports.
Bruit, vibrations, agents chimiques et biologiques toujours présents
Dans tous les secteurs, entre 40 % et 75 % (sources : Esener et EWCS) des travailleurs signalent une exposition à des risques ergonomiques.
Par ailleurs, la part des travailleurs qui déclarent être exposés à des risques physiques tels que le bruit, les vibrations, les températures élevées ou basses, ainsi qu'à des agents chimiques et biologiques reste assez constante, soit entre 15 et 30 % selon la profession et le secteur (EWCS). Ces risques n'ont pas diminué, ou très faiblement, au cours des quinze dernières années.
Autre enseignement du rapport, l'introduction généralisée de technologies nouvelles ou avancées – automatisation, numérisation/TIC, technologies vertes, technologies des nouveaux matériaux… – peut contribuer à améliorer les conditions de travail, par exemple en prenant en charge des tâches lourdes, dangereuses ou routinières (automatisation, robotisation, exosquelettes) ou en améliorant la communication et le contrôle à distance grâce aux outils TIC.
Cependant, ces technologies peuvent aussi être à l’origine de nouveaux risques et :
- créer des processus de travail rigides sans grande latitude décisionnelle,
- offrir des options techniques de surveillance et de contrôle extrêmes (par exemple, par géolocalisation constante),
- exposer à des chutes de hauteur pour ce qui est des énergies renouvelables ou à des matériaux dont les effets sur la santé sont largement inconnus (nanomatériaux).
Plus de femmes et de travailleurs âgés : une prévention à adapter
La structure de la main-d'œuvre a également évolué de manière significative au cours des quinze dernières années, nécessitant des solutions de prévention nouvelles ou adaptées, tant organisationnelles que techniques, indique Eurogip. Ainsi, le taux d'emploi des femmes est passé de 56 % à 67,7 % entre 2005 et 2021. Sur 195,8 millions de personnes employées en 2021, on comptait 90,2 millions de femmes et 105,6 millions d'hommes. Par ailleurs, la part des travailleurs âgés de 55 à 64 ans a augmenté de 79 %, passant de 11,1 % en 2005 à 18,4 % en 2019 de la population active (croissance de 20,1 millions à 35,9 millions de personnes employées). La main-d'œuvre migrante dans l'UE-27 a également augmenté au cours des deux dernières décennies. Les travailleurs sont devenus plus mobiles, et le niveau d’éducation a augmenté. Les emplois manuels ont connu un déclin, mais, pour autant, les risques physiques au travail se maintiennent.
En termes de sinistralité, les maladies professionnelles, qu’elles soient reconnues comme telles ou non, pèsent plus lourdement sur la société que les accidents du travail. En limitant le champ de l'analyse aux maladies officiellement reconnues comme professionnelles, la tendance des effets sur la santé (décès, maladies) causés par des expositions au travail diminue, suivant la même tendance que les accidents.
Les enquêtes européennes montrent que dans les secteurs exigeant des efforts physiques intensifs, une forte interaction avec la clientèle et des qualifications moindres, les niveaux de bien-être et de satisfaction des travailleurs sont nettement plus bas.
Parmi les défis récemment relevés, l’EU-Osha souligne les avancées technologiques, la mondialisation et la pandémie de Covid-19.
Enfin, malgré les progrès significatifs accomplis au cours des trois dernières décennies, des défis cruciaux demeurent. Il est essentiel de s’adapter aux nouvelles formes d’emploi, de protéger les travailleurs vulnérables et d’appliquer efficacement les réglementations en matière de santé et de sécurité au travail dans divers secteurs. Réduire les inégalités entre les États membres de l’UE ainsi qu’entre les différents types d’emplois demeure une priorité pour garantir un environnement professionnel sûr et équitable pour tous, selon l’EU-Osha.