Prévention du risque cancérogène : des avancées dans le BTP
Date de mise à jour : 20 sept. 2022 - Auteur : Jeremy Debreu
©© OPPBTP
- Le risque cancérogène est la première cause de décès pour maladie professionnelle dans le BTP.
- La circonscription du risque amiante progresse et le travail est en cours sur les autres agents chimiques.
- Dossier paru dans Prévention n°265-Septembre 2022-p. 6
« Sur 1,6 million de professionnels du BTP, 30 % sont exposés au moins à un agent chimique cancérogène », rappelle Christine Deneuvillers, responsable du pôle risques au sein de la direction technique de l’OPPBTP. Parmi ces agents, l’amiante représente plus de 80 % des maladies professionnelles dues au risque chimique et plus de 90 % des décès, selon les chiffres de 2020 de l'Assurance-maladie (CTN B). Mais si l’amiante est aujourd’hui un risque très encadré avec une montée en compétences des professionnels du secteur, ce n’est pas le seul : la silice, les poussières de bois ou encore les goudrons et huiles de houille sont d’autres agents chimiques cancérogènes bien identifiés. La silice cristalline alvéolaire est la deuxième cause de maladie professionnelle due au risque chimique avec près de 10 % des MP reconnues en 2020. Les agents cancérogènes et mutagènes représentent 95 % des maladies professionnelles liées aux risques chimiques.
Les spécificités du BTP
Si des progrès dans la prise en compte de ces risques sont significatifs, en particulier sur l’amiante depuis une dizaine d’années, Christine Deneuvillers remarque toutefois que « la réglementation risque chimique est souvent lourde et complexe. Elle est difficilement applicable dans le BTP. » Par exemple, l’obligation de mesure et de contrôle annuel de l’exposition des opérateurs à des agents cancérogènes et mutagènes afin de vérifier le respect des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) et par conséquent l’efficacité des mesures de prévention mises en place. Les modalités de ce contrôle annuel prévoient la détermination de groupes d’expositions similaire (GES)1: « Dans le BTP, les chantiers sont tous différents et les conditions d’intervention changent tout le temps. Il est difficile de constituer des GES et de mener à bien les mesurages. » Nicolas Bessot, chef du bureau des risques chimiques, physiques, biologiques et des maladies professionnelles à la Direction générale du travail, reconnaît la difficulté : « Les risques cancérogènes et mutagènes impliquent de la technicité, et des difficultés interviennent lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des solutions concrètes pour supprimer ou circonscrire le risque. Les outils actuels ne sont pas assez faciles à utiliser ».
Les émissions liées aux procédés encore mal connues
Si les produits utilisés contiennent des substances CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction), ils sont étiquetés, ce qui permet d'alerter sur leur dangerosité et de connaître les solutions à mettre en place. Mais les agents cancérogènes peuvent aussi être générés par des procédés. Ceci représente un défi car ils ne sont pas toujours visibles. Il est alors plus difficile d’identifier leurs dangers et de déployer des moyens de prévention adaptés. Or ces situations d’exposition sont fréquentes pour les professionnels du BTP, comme scier une bordure de trottoir, ou poncer un morceau de bois.
Autre difficulté : il s’agit d’un risque invisible – par exemple les poussières alvéolaires ne sont pas visibles à l'œil nu – et à effet différé dans le temps, puisque les maladies professionnelles ne se déclenchent qu’après de nombreuses années. La sensibilisation à un risque mal connu est difficile auprès de compagnons, qui ont des habitudes de travail parfois ancrées.
La Dares souligne la difficulté à faire le lien entre les expositions professionnelles à des agents cancérogènes et les cas de cancers : « L’imputabilité d’un cancer à une exposition professionnelle reste difficile à établir, du fait des durées importantes de latence et de la difficulté à identifier les expositions sur l’ensemble de la vie professionnelle. Le nombre de cas de cancers reconnus en maladie professionnelle est nettement inférieur au nombre de cancers attribuables à des expositions professionnelles, contribuant à masquer l’ampleur du risque cancérogène en entreprise. » 2
Des dispositifs de prévention de plus en plus adaptés
Il est donc nécessaire d’objectiver le risque par l’acquisition de connaissances et de concevoir des solutions de prévention adaptées et des outils opérationnels pour réduire au maximum voire supprimer l’exposition des travailleurs. L’OPPBTP, avec ses partenaires, déploie depuis plusieurs années une logique de cartographie des expositions avec un processus logistique permettant la reconnaissance des résultats : Carto Amiante et Carto Silice. Rappelons que depuis le 1er janvier 2021, l’arrêté du 26 octobre 2020 définit les travaux exposant aux poussières de silice cristalline comme procédés cancérogènes.
Cette dynamique d’acquisition de connaissances sur le niveau d’exposition spécifique à chaque métier est partagée à un niveau européen, via des initiatives en cours comme « Road Map on Carcinogens », dans laquelle la DGT est activement impliquée.
Nicolas Bessot précise : « Porter les revendications françaises de la petite entreprise jusqu’à un niveau européen représente une partie non négligeable de notre activité. C’est le cas de la notion de “reprotoxique” qui n’était reconnue qu’en France auparavant. » Tous les acteurs institutionnels avancent main dans la main afin de faire progresser encore plus la prise en compte du risque cancérogène.
1 Un GES (groupe d’exposition similaire) correspond à un groupement d’opérateurs effectuant les mêmes tâches sur des machines ou dans des conditions similaires, représentatives d’un niveau d’exposition similaire.
2 Dares, chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail, août 2021.
L’imputabilité d’un cancer à une exposition professionnelle reste difficile à établir.