Découpeuses thermiques ou électriques, des matériels toujours dangereux
Les découpeuses thermiques et électriques peuvent présenter des risques importants pour les personnes qui les utilisent. En 2023, trois accidents mortels et huit accidents très graves ont été recensés. Comment agir pour prévenir ces risques ?
Date de mise à jour : 20 nov. 2023
Auteur : Sylvie Miquel
©DR
L'utilisation de découpeuses thermiques ou électriques a entraîné trois accidents mortels et huit accidents très graves en 2023. De nombreux métiers du bâtiment et des travaux publics sont concernés par les risques liés à l'emploi d'une découpeuse, qu’elle soit thermique ou électrique.
Découpeuses thermiques ou électriques : quelles sont les principales causes de ces accidents ?
L’analyse montre que la moitié des accidents récents est due à un pincement du disque ayant entraîné un effet rebond qui a provoqué de graves entailles au visage, au torse, à l'épaule, et des décès liés au sectionnement de la carotide.
Par ailleurs, l'inertie du disque, lorsque la découpeuse est reposée au sol, est à l'origine de sérieuses coupures aux pieds et aux chevilles. Des explosions et des incendies peuvent également se déclencher, en particulier lors du remplissage du réservoir, et engendrer d'importantes brûlures. En outre, des projections de morceaux de disques ou d’éclats de matériaux peuvent se produire.
Dans un tiers des cas, les victimes sont des intérimaires.
Les causes d'un accident lors de l’utilisation d'une découpeuse peuvent être multiples et se cumuler :
- Absence de préparation de chantier et de modes opératoires, ou modes opératoires inadaptés.
- Méconnaissance des risques, si l'encadrement et les équipes chantier ne sont pas formés.
- Effet rebond : le disque se bloque durant la découpe, provoquant un violent retour arrière de la machine que l'on ne peut pas maîtriser.
La vitesse de rotation d'un disque se situe généralement entre 2 000 et 6 000 tr/min. Ceci engendre une vitesse périphérique du disque, qui peut atteindre plusieurs centaines de km/h.
Il est courant d'entendre les idées reçues suivantes : « C'est pas le bon disque mais je n'en ai pas pour longtemps », « c'est passé plein de fois », « si ça se coince, j'arriverai à sortir la machine »… qui révèlent une sous-estimation des éléments déclencheurs et des lourdes conséquences qui peuvent en découler.
Quels moyens de prévention ?
Cette série d’accidents graves et mortels aurait pourtant pu être évitée grâce à des mesures de prévention adaptées pour utiliser correctement une découpeuse, thermique ou électrique.
L'organisation
Pour les appareils de levage, l'examen d'adéquation consiste à vérifier que cet appareil « est approprié aux travaux que l'utilisateur prévoit d'effectuer ainsi qu'aux risques auxquels les travailleurs sont exposés, et que les opérations prévues sont compatibles avec les conditions d'utilisation de l'appareil définies par le fabricant ». Cet examen constitue une étape essentielle de la préparation de chantier. Il peut être généralisé à d’autres équipements de travail, dont les découpeuses.
En effet, on ne va pas appliquer le même mode opératoire, la même machine ou le même disque selon le matériau à découper (béton, acier, fonte, PVC, PEHD, bois, enrobé, bordures…), que l'on ait à chanfreiner ou non, ou bien que l'on intervienne en présence de silice et/ou d'amiante. La machine et son disque doivent correspondre au travail à réaliser.
Par exemple un disque diamant utilisé pour découper du PVC, du fait de sa surchauffe, présente un fort risque d’arrachement de segment ultérieur. En cas de rupture, il peut être propulsé à 300 km/h.
Cet examen d’adéquation est à formaliser. Il peut prendre la forme d'une matrice d'usage, également appelée tableau de correspondance, permettant d’opter pour les équipements appropriés. Des entreprises ont même décidé d'interdire complètement les découpeuses ou d'en limiter fortement l'emploi. Par exemple, ne pas se servir de découpeuse dans une tranchée exiguë et encombrée ni dans un espace confiné. Selon le besoin, ces sociétés utilisent en alternative des scies sauteuses, des scies circulaires, des scies sabres, des scies orbitales, des tronçonneuses à chaîne diamantée, des tronçonneuses à bois, des coupe-tubes, des meuleuses d'angle, des lapidaires… et ont déterminé le bon outil à employer selon les travaux à effectuer.
Outils adaptés à la coupe de différents matériaux - Les Canalisateurs
Plusieurs entreprises ont également interdit l'usage de disques bakélite, également appelés disques abrasifs agglomérés, car ils présentent un risque d'éclatement trop important.
Outils adaptés au chanfreinage de différents matériaux - Les Canalisateurs
Par ailleurs, la rédaction d'une analyse des risques détaillée et de modes opératoires adaptés au chantier finalisera la phase de préparation de chantier. Cette étape sera validée par une passation entre le responsable de travaux et le responsable du chantier, afin de présenter le chantier ainsi que les risques et les mesures de prévention envisagées.
Comme certains travaux à la découpeuse peuvent générer des étincelles, veillez également à établir un permis feu.
Les solutions techniques
Selon les marques, plusieurs découpeuses existent sur le marché, équipées de :
- Carter de protection du disque, tel que le Smart Guard.
- Fonction de freinage du disque.
- Mécanisme de débrayage.
- Arrosage, indispensable pour rabattre les poussières (la découpe d'amiante requiert un mode opératoire adapté). Prévoir un réservoir de capacité suffisante, avec un tuyau de 2 à 3 m de long.
Adduction d'eau à la découpeuse.
Par ailleurs, il est indispensable de bloquer les pièces lors des découpes avec des dispositifs de calage et de bridage.
Dispositifs de calage avant la découpe.
Les découpeuses électriques ralentissant plus vite que les découpeuses thermiques, l'arrêt plus rapide du disque permet de mieux prévenir les blessures.
Afin de valider la conformité des disques, les produits portent le label OSA (Organisation sécurité des abrasifs), qui est l'organisme de contrôle garantissant le respect des normes relatives aux disques.
Chaque disque à un voire plusieurs domaines d’utilisation précis qu'il faut absolument respecter. Vigilance quant à l'utilisation de disques multimatériaux, aussi appelés disques mixtes, car en réalité, il n'existe pas de disques pouvant découper tous les matériaux.
Quant aux disques bakélite, ils ont une date de péremption inscrite sur la bague centrale à laquelle il faut être attentif.
Dans tous les cas, la vitesse de rotation maximale du disque doit être supérieure à celle de la vitesse de la machine, sinon le disque s'abîme et peut éclater.
Vous pouvez mettre en place avec vos fournisseurs une démarche pour graver des disques avec un code couleur par matériaux. Cela permet de savoir d'un seul coup d'œil à quoi ils correspondent, y compris pour quelqu'un qui aurait des difficultés de lecture.
Pour faciliter le plein des machines, se servir de becs verseurs ou d'un entonnoir et pour éviter de respirer des produits chimiques, utiliser du carburant sans benzène.
Un entretien régulier est à organiser afin de prévenir :
- L'usure et la perte de tension des courroies.
- Le desserrage des boulons et des vis.
- L'encrassement des bougies.
Les arrêts d'urgence et les systèmes anti-rebond doivent être vérifiés et révisés par un spécialiste.
Le stockage des disques se fait dans un endroit sec, à l'abri du soleil, à plat, dans leur emballage et loin des produits chimiques. Lors des transports, il faut veiller à caler et arrimer les découpeuses.
Les notices d'utilisation de ces équipements doivent être connues des opérateurs et présentes sur chantier, pour pouvoir s'y référer.
La formation et la sensibilisation de tous les acteurs
Les encadrants et les équipes chantier doivent être formés, de manière théorique et pratique, à la prévention des risques liés à l’utilisation des découpeuses, aux modes opératoires et aux différentes techniques de sécurisation qui existent.
La formation porte sur :
- Le choix d'une machine adaptée.
- Les batteries en nombre suffisant si lapidaire électrique.
- La classe de matériel selon les conditions. Ainsi, sous la pluie ou en atmosphère humide, l'indice IP45 est de rigueur.
- L'emploi de découpeuses à adduction d'eau.
- La délimitation et le balisage de la zone de travail, zone propre et plane.
- Les règles d'utilisation de la découpeuse.
- Le disque et ses vérifications.
- Le flux d'étincelles à diriger loin de tout matériau pouvant s’enflammer.
- Les vérifications journalières.
- La manutention et le transport.
- Les conditions de remplissage du réservoir.
- Le port des EPI. En plus des EPI habituels dont des vêtements couvrants, utilisation de lunettes masques, pour éviter que les projections ne passent, de protections auditives, de masques anti-poussières adaptés au matériau découpé (FFP2 ou FFP3), de gants. Des gants antivibratiles permettent d'atténuer fortement les vibrations émises par la découpeuse.
- Vérifier le câble d'alimentation, dans le cas d'une machine filaire, et la présence du carter.
- Caler la pièce à découper avec un accessoire et non les pieds ou les mains,
- Tenir la découpeuse à deux mains, ne jamais la démarrer en l'air.
- Être stable, ne pas se tenir dans la ligne de coupe.
- Ne jamais utiliser le disque de biais par rapport à la coupe, effectuer un premier trait de coupe pour le traçage, couper avec le disque bien d’aplomb, perpendiculairement au plan de coupe, déplacer le disque lentement d’avant en arrière, découper par passes successives, faire des va-et-vient, ne pas utiliser le quart supérieur (13 h-16 h) du disque, ne pas couper de bas en haut, diriger le flux d’étincelles loin de tout matériau pouvant s’enflammer.
- Utiliser le pulvérisateur d’eau pour limiter l’émission de poussières.
- Ne jamais passer une machine en marche à un collègue.
- Toujours attendre l’arrêt complet du disque avant de le poser au sol (sur une zone plane et dégagée)…
- Lire le manuel d’utilisation avant de monter/démonter un disque.
- Utiliser un disque correspondant à la machine et au matériau à découper grâce à la lecture des pictogrammes.
- Connaître son sens de montage et son sens de démontage, son sens et sa vitesse de rotation.
- Vérifier l’état du disque (présence de tous les segments présents, absence de voilage, de déformation et de fissures…).
- Après serrage du disque, s’assurer de l’absence de jeu latéral.
Formation découpeuse.
À la suite de ces formations, délivrer une autorisation d'emploi ou un permis interne afin de limiter le nombre d’utilisateurs est une bonne pratique.
Des rappels réguliers de ces mesures de prévention sont à réaliser.
Réglementation
Le Code du travail précise à l’article R. 4321-1 : « L'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité. ».
Les découpeuses sont soumises à la directive « machine » 2006/42/CE du 17 mai 2006, qui dispose que « la machine est conçue et construite pour être apte à assurer sa fonction et pour qu’on puisse la faire fonctionner… sans exposer quiconque à un risque lorsque ces opérations sont accomplies dans les conditions prévues par le fabricant, mais en tenant compte des mauvais usages raisonnablement prévisibles… ». Le fabricant a aussi l’obligation d’indiquer, dans sa notice d’instruction, les indications d’utilisation en sécurité afin d’éviter le blocage de l’outil et de réduire le risque d’effet rebond.
Le décret 2003-158 du 25 février 2003, relatif à la sécurité des produits abrasifs agglomérés rotatifs destinés aux opérations de tronçonnage et de meulage avec des machines électroportatives, définit les conditions de mise sur le marché des disques.
La norme NF EN 12413 : 2019 précise les spécifications des disques en bakélite, et la norme NF EN 13236 : 2019 précise les spécifications des disques diamants.