Travaux de fouilles en tranchées : tout peut s'ébouler en une fraction de seconde !
Les tranchées ou les fouilles non protégées ou mal protégées présentent de graves risques pour les personnes travaillant à proximité. Sur les cinq dernières années, quatre accidents mortels et sept accidents très graves* ont été recensés. Comment agir pour supprimer les conséquences dramatiques des effondrements, des éboulements et des ensevelissements ?
Date de mise à jour : 7 sept. 2023
Auteur : Sylvie Miquel
©@KRINGS
Les tranchées ou les fouilles non protégées ou mal protégées ont entraîné quatre accidents mortels et sept accidents très graves* sur les cinq dernières années. De nombreux métiers du bâtiment et des travaux publics sont concernés par les risques d'ensevelissement lors de travaux en tranchées.
Dans les travaux publics, les principales activités sont :
- Le génie civil et ouvrage d’art.
- Le terrassement.
- Les travaux routiers.
- Les canalisations.
- Les réseaux.
- Les fondations spéciales (forages, sondages).
- Les travaux ferroviaires.
- La démolition et la déconstruction.
- Les travaux maritimes et fluviaux.
- Les travaux souterrains.
Dans le bâtiment, on retrouve principalement la maçonnerie et le gros œuvre ainsi que les paysagistes.
Travaux de fouilles en tranchées : quelles sont les principales causes de ces accidents ?
Pour qu'il y ait un risque d'éboulement, trois éléments doivent être réunis :
- L'existence d'une tranchée,
- la présence d'un ou plusieurs opérateurs,
- la décompression des terres.
Les causes d'un éboulement peuvent être multiples et se cumuler :
- Méconnaissance des risques, si l'encadrement et les équipes chantier ne sont pas formés.
- Absence de mission géotechnique.
- Pas de préparation de chantier, pas de modes opératoires ou alors non adaptés.
- Absence de blindages, ou bien blindages non adaptés, pas ou mal utilisés, en particulier en ne les positionnant pas contre les parois et jusqu'au fond de la fouille.
- Perte de cohésion des terres due à la nature du terrain, à la présence de nappes d'eau, à des réseaux existants, à la proximité d'anciennes tranchées, à des fondations superficielles, à un mur ou un poteau au droit de la tranchée, à des blocs de pierre instables, à des talus ou de la végétation en bordure de fouille…
- Surcharge en bordure de fouille : déblais, remblais, équipements ou engins stationnés.
- Météo : pluie, orage, tempête, gel/dégel.
- Vibrations liées aux engins du chantier ou à une circulation à proximité.
- Tranchées restées ouvertes plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Il est courant d'entendre les idées reçues suivantes : « c'est pas profond », « c'est large », « ça tient », « on a l'habitude », « on n'en a pas pour longtemps », « on sait ce qu'on fait »… qui révèlent une sous-estimation des éléments déclencheurs et des lourdes conséquences qui en découlent.
Malheureusement, plusieurs accidents dramatiques se sont déroulés lors de travaux de courte durée, tels que des raccordements et des branchements d'eau ou la vérification d'une altimétrie en fond de fouille. L'encadrement et les opérateurs considéraient – à tort – que la mise en place de protections ne se justifiait pas.
Dans certains cas, des compagnons sont descendus à 5 voire 10 mètres de profondeur sans aucun blindage !
Un grand nombre d’accidents survient également dans des fouilles non blindées d'une profondeur inférieure à 1,30 mètre.
Cette série d’accidents mortels et graves aurait pourtant pu être évitée grâce à des mesures de prévention adaptées.
Les leviers de prévention
L’analyse montre que les trois quarts des accidents récents étaient liés directement à l'éboulement des parois de la fouille, et que les personnes ont été totalement ou partiellement ensevelies. Dans un tiers des cas, les victimes étaient des intérimaires.
1 m3 de terre qui s’effondre dans une tranchée équivaut à une charge de 1,8 tonne sur le corps.
Des mesures simples de prévention existent pourtant, pour éviter les éboulements et leurs conséquences terribles lorsque du personnel est enseveli.
L'organisation
La préparation de chantier par le responsable d’affaires ou le conducteur de travaux est la clé d’une bonne organisation de chantier.
Avant le commencement des travaux, des missions géotechniques G1 à G5, définies dans la norme NF P94-500 de novembre 2013, doivent être réalisées. Ces missions géotechniques sont à la charge du maître d’ouvrage ou bien de l’entreprise, selon leur classification. En fonction des résultats de la mission géotechnique réalisée ou bien de l’analyse des risques, des missions géotechniques complémentaires peuvent être diligentées.
L'identification des réseaux existants (dont la pose a déjà fragilisé le sol), via les plans joints aux récépissés de DICT, permet de compléter ces études.
Les travaux sans tranchée tels que le fonçage (illustration), l'utilisation d'une fusée pneumatique, le forage dirigé ou le chemisage permettent d'intervenir en toute sécurité, tout en respectant l'environnement.
Fonçage
Par ailleurs, privilégier les interventions en route barrée protège les salariés et évite toute vibration supplémentaire pendant les travaux.
Si la place est suffisamment importante sur le chantier, la technique du talutage pourra être adoptée, en respectant les angles ci-dessous.
Angles de talutage
Enfin, les principes de blindage devront être respectés selon le schéma ci-dessous :
Que dit la réglementation ?
Selon l'article R4534-24 du Code du Travail :
« Les fouilles en tranchée de plus de 1,30 mètre de profondeur et d'une largeur égale ou inférieure aux deux tiers de la profondeur sont, lorsque leurs parois sont verticales ou sensiblement verticales, blindées, étrésillonnées ou étayées. Les parois des autres fouilles en tranchée, ainsi que celles des fouilles en excavation ou en butte sont aménagées, eu égard à la nature et à l'état des terres, de façon à prévenir les éboulements. À défaut, des blindages, des étrésillons ou des étais appropriés à la nature et à l'état des terres sont mis en place. Ces mesures de protection ne sont pas réduites ou supprimées lorsque les terrains sont gelés. Ces mesures de protection sont prises avant toute descente d'un travailleur ou d'un employeur dans la fouille pour un travail autre que celui de la mise en place des dispositifs de protection. Lorsque nul n'a à descendre dans la fouille, les zones situées à proximité du bord et qui présenteraient un danger pour les travailleurs sont nettement délimitées et visiblement signalées. »
Compte tenu des causes d'éboulement citées précédemment, il peut être nécessaire de blinder des fouilles inférieures à 1,30 m de profondeur. Ne pas hésiter à demander des études préalables au fournisseur de blindages, afin de déterminer les équipements adaptés.
En outre, la rédaction d'une analyse des risques détaillée et de modes opératoires adaptés au chantier finalisera la phase de préparation de chantier. Cette étape sera validée par une passation entre le responsable de travaux et le responsable du chantier, afin de présenter le chantier ainsi que les risques et les mesures de prévention envisagées.
Les solutions techniques
Le guidage 3D par GPS évite la descente d'un compagnon dans une fouille, pour vérifier une cote, par exemple.
L'utilisation de blindages adaptés, équipés de garde-corps périphériques et de moyens d'accès, en nombre suffisant et déployés sur l'ensemble des zones concernées permet aux équipes d'être protégées efficacement.
L'offre de blindages est très vaste et permet de trouver le ou les matériels adaptés à vos interventions.
Les notices d'utilisation de ces équipements doivent également être présentes sur chantier, pour pouvoir s'y référer.
La formation et la sensibilisation de tous les acteurs
Les encadrants et les équipes chantier doivent être formés aux risques et aux conséquences des ensevelissements, aux modes opératoires et aux différentes techniques de sécurisation qui existent.
Des rappels réguliers de ces mesures de prévention sont à réaliser.
Un accueil en entreprise et sur chantier de l'ensemble du personnel (permanent, intérimaires, CDD, locatier, stagiaire…) permet de présenter le contexte des travaux et d'exposer les consignes à appliquer.
Enfin, la vigilance partagée de tous les acteurs sera garante du bon déroulement du chantier.
* Sources : base interne AT de l'OPPBTP