Tour Pleyel : un monument francilien restructuré avec des moyens de prévention adaptés
À l’approche des Jeux olympiques, la restructuration lourde de la tour Pleyel en hôtel de 700 chambres se poursuit pour être livrée en avril 2024. Zoom sur un chantier hors du commun, sécurisé et performant.
Date de mise à jour : 5 oct. 2023
Auteur : Jeremy Debreu
©DR
Surnommée « le toit du 93 », la Tour Pleyel culmine à 143 mètres depuis sa livraison en 1973. Historiquement immeuble de bureaux, la tour est entièrement réhabilitée depuis 2016 afin de pouvoir accueillir des supporters des Jeux olympiques l’année prochaine. L’objectif ? Livrer d’ici au mois de mai 2024 la tour transformée en un hôtel quatre étoiles de 700 chambres réparties sur 40 étages, mais aussi deux nouveaux bâtiments attenants : un premier de sept étages, en forme de « U » qui ceinture la tour, dénommé « Music Hall », et la tour « Maestro », de 25 étages de bureaux, comprenant un centre de conférences et des commerces.
La logistique au cœur du projet
Christophe Lhortolary, de l’entreprise spécialisée LM3C, est le coordonnateur SPS du projet depuis son lancement en 2016. Il rappelle que « les premières étapes de vidage de la tour, désamiantage, dépose des façades et démolition des annexes ont duré deux ans », avant une période où des études complémentaires sont réalisées (et la crise sanitaire) et un redémarrage des travaux en septembre 2020. « Actuellement, la tour Pleyel est en phase de travaux de corps d'état architecturaux. Nous livrons les chambres à l'hôtelier afin qu’il puisse les équiper, à un rythme d’environ cinq étages toutes les deux semaines. »
Ce défi est relevé grâce à une logistique finement huilée. Pascal Beauchamp, ingénieur prévention à l’OPPBTP, détaille les raisons pour lesquelles les bonnes pratiques de ce chantier pourraient inspirer l’ensemble du secteur : « Dès le départ les contraintes sont très fortes, que ce soit en termes de délai de livraison, d’espace de stockage disponible ou du nombre important d’entreprises qui interviennent en coactivité. Pourtant, le chantier se déroule dans de bonnes conditions de travail grâce aux moyens mis en œuvre dès le départ. »
Zone de stockage des matériaux.
Ces moyens, quels sont-ils ? Concernant la partie technique, il s’agit, pour Pascal Beauchamp, « des ascenseurs et des outils d'approvisionnements, à l’extérieur du chantier mais aussi à l’intérieur, destinés à la livraison des matériaux mais aussi au transport des travailleurs. » En effet, le chantier se déroulant en vertical, la question des flux d'approvisionnement est très importante en termes de volume. Christophe Lhortolary précise l’adéquation des moyens avec l’ouvrage : « Nous avions deux ascenseurs provisoires de chantier en façade, chacun ayant une capacité de trois tonnes. À l’intérieur, un ascenseur, créé spécifiquement pour le projet, était capable de monter dix tonnes de charge, soit deux palettes de plaques de plâtre. » Afin de supporter ce niveau de charge, une reprise structurelle des planchers a été nécessaire. De plus, les trois derniers niveaux de la tour ont été intégralement repris dans le cadre d’une extension, requérant l’installation d’un pont roulant pour pouvoir approvisionner les derniers étages. Ici, seule la célèbre structure tournante de l’enseigne a été conservée en l’état.
Avec l’avancée des travaux, les ascenseurs de chantier (les deux extérieurs et celui de 10 tonnes) ont été démontés, mais tous les ascenseurs définitifs de la tour sont en service, permettant à tous les compagnons de continuer à se rendre sans effort à leur poste de travail.
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Une application pour se faire livrer le matériel
Sur les chantiers d’immeuble de grande hauteur, la gestion des flux de matériels et de personnes est cruciale. Cette partie logistique et organisationnelle a été confiée au groupe Louange, spécialiste de la logistique de chantier, avec l’objectif de décharger les entreprises y intervenant.
Transpalette manuel et électrique.
« Aujourd’hui, 950 compagnons employés de 270 entreprises sont venus travailler ou travaillent dans la tour, détaille Christophe Lhortolary. La logistique participe fortement à l’organisation du chantier. Heureusement, les compagnons n’ont pas à monter leurs matériaux de travail : tout est livré à pied d'œuvre. » La commande passe directement par une application, qui permet de programmer les matériaux à l’étage et à la date souhaitée, « tout en évitant les reprises manuelles : arrivée au lift en fenwick puis approvisionnement jusqu’au poste de travail avec des outils de manutention comme des transpalettes », apprécie Pascal Beauchamp. « C’est le même procédé concernant l’évacuation des déchets, complète le coordonnateur du chantier : les chefs de chantier peuvent commander des bennes à n’importe quel étage, et signalent quand la benne est pleine. »
La contrainte du faible espace au sol nécessite de déporter certaines aires de stockage et une plate-forme de tri, car la place disponible est réservée aux déchargements. Les bennes sont donc exportées ailleurs, à raison d’environ 8 bennes de 8 m3 chaque jour, soit environ 2 000 m3 de déchets par mois en phase de construction.
Coordination et sécurité intégrée
Ce chantier intègre de nombreux vecteurs de sécurité et de prévention pensés dès le lancement, en concertation avec chaque entreprise. « J’accueille chaque entreprise individuellement avant qu’elle ne démarre, confirme Christophe Lhortolary. On identifie les risques, on regarde les modes opératoires, on définit les moyens, que ce soit pour l'accueil des compagnons ou pour la logistique opérationnelle. » Le plan général de coordination (PGC) joue ici un rôle clé : d’une part pour le maître d'ouvrage qui va pouvoir coordonner les entreprises, notamment en cas de coactivité ou d’interventions successives. D’autre part pour la mise en œuvre des protections collectives : « avec la reprise des planchers, nous avons énormément de trémies sur le chantier. Le passage des gaines de réseaux et fluides dans un IGH constitue aussi un risque de chute, détaille le gérant de LM3C. Le PGC permet de déployer des actions de prévention actives, par exemple avec des trous dans les planchers aux dimensions les plus réduites possibles, et une protection par grillage demandée en fond de gaine, ou des poses de cloisons déjà peintes afin d’éviter le risque de chute de hauteur pour les peintres. »
Colonnes montantes préfabriquées.
Le sujet des fluides sur la restructuration de la tour Pleyel mérite une attention spécifique selon Pascal Beauchamp, car les colonnes montantes sont préfabriquées. « Le principe est d’avoir une structure métallique d’une hauteur d’étage ou plus, où sont inclus les réseaux fluides à l’intérieur. Le montage est fait à l’extérieur du chantier, induisant des améliorations des conditions de travail pour les monteurs, de la fluidité en approvisionnement, une réduction de la coactivité dans les étages et des gains en temps considérables. »
Le rôle du coordonnateur, chef d’orchestre de l’ordonnancement des tâches, est un impératif à réaliser, car il est générateur de fluidité du chantier, mais aussi de sécurité et de performance.