Quand la démolition des bâtiments génère de la valeur ajoutée
Date de mise à jour : 16 nov. 2023 - Auteur : Loïc Féron
©Frédéric Vielcanet
- L’activité de démolition s’oriente de plus en plus vers la déconstruction.
- La gestion des déchets occupe une place centrale.
Dossier paru dans PréventionBTP n°259, février 2022, p. 06.
La démolition n’a pas attendu la prise de conscience environnementale pour protéger ses salariés et trier les matériaux issus des chantiers. Pour autant, les nouvelles exigences des donneurs d’ordre et l’évolution de la réglementation sur les diagnostics avant travaux renforcent l’attention portée à la gestion des déchets. L’évolution des modes opératoires et des techniques participent aussi à ces mouvements convergents, qui font du curage, et donc de la déconstruction, une modalité majeure de la démolition. La valorisation des matériaux et produits issus des chantiers va de pair avec la valeur ajoutée aux phases de conception et réalisation de ces opérations et à la sécurité des compagnons.
Mesure d’empoussièrement : une campagne exploratoire
En matière de prévention, l’émission des poussières sur les chantiers de curage reste un sujet majeur. « Le point réglementaire le plus significatif est la reconnaissance des travaux exposant aux poussières de silice cristalline comme cancérogènes », estime Matthieu Lassus, responsable du domaine Risques chimiques, biologiques et matériaux à l’OPPBTP.
Applicable depuis janvier 2021, l’arrêté du 26 octobre 2020 transpose une directive européenne en droit français. « Cette prise de position juridique conforte les actions déjà engagées pour réduire les niveaux d’empoussièrement dans les activités du BTP. » La démolition est directement concernée.
« Initiée par les organisations professionnelles, une action exploratoire sur 24 situations de travaux courants, dont l’évacuation de gravats, a permis de réaliser 74 mesurages, explique Alison Alazard, en charge de ce sujet à la direction technique de l’OPPBTP.
Disponible depuis mars 2021*, le rapport de cette campagne Carto Silice doit permettre aux entreprises de s’orienter vers l’organisation, les techniques et les moyens de protection collective les plus efficaces. »
Traitement des déchets : mieux cerner l’ouvrage à démolir
Liée à l’économie circulaire, la volonté de recycler les déchets issus du bâtiment est à l’origine de la création d’une filière propre au BTP. Le diagnostic produits, matériaux, déchets (PMD) va dans ce sens. « L’instauration du PMD bouleverse les modes de déconstruction, estime Matthieu Lassus, les maîtres d’ouvrage vont devoir anticiper le planning et engager rapidement les diagnostics obligatoires ». Paulo Belo, chef d’agence Grand Est de l’entreprise Cardem approuve cette disposition, qui complète le travail du démolisseur : « Il faut évidemment des spécialistes pour effectuer ces sondages, mais nous sommes demandeurs de tout ce qui permet de mieux estimer la composition de l’ouvrage et d’appréhender sa démolition. » Les standards de sécurité ont déjà été réévalués.
« Nos protocoles ont été rendus compatibles avec la volonté de réemployer les matériaux. Grâce aux ingénieurs venus dans nos entreprises, nous parvenons à modéliser l’ouvrage à démolir sous forme de maquettes numériques. Qualité et sécurité sont indissociables. »
Modes opératoires pour la démolition d'un bâtiment, tri et mécanisation
« La prévention contre les émissions de poussières ne doit pas occulter les autres risques, comme la ruine de l’ouvrage, la chute de matériaux ou l’écrasement, observe Manuel Martin, responsable du domaine Gros Œuvre et travaux en hauteur à la direction technique de l’OPPBTP, qui constate aussi de grandes avancées dans les modes constructifs. Les modes opératoires s’inscrivent dans une approche globale d’amélioration de la productivité et de la sécurité incluant les techniques et les matériels, estime le préventeur. Qui plus est, les résultats sont mesurables rapidement, ce qui est rare. »
En lien avec le tri des matériaux, la mécanisation de la démolition concerne dorénavant les opérations de curage du bâtiment. « L’exemple de la brique plâtrière est significatif de l’impact de la valorisation des déchets sur les modes opératoires, témoigne Benoît Lemoine, le dirigeant de l’entreprise Génidem. Avant, lors du curage d’un bâtiment à démolir, seuls les équipements techniques et menuisés en ferraille, plastiques, bois, isolants, sols souples et plâtre étaient triés. Les cloisons brique et plâtre étaient laissées en place pour être démolies avec le reste du bâtiment. Aujourd’hui, elles doivent être démontées avant l’abattage mécanique. Pour faire baisser le coût de leur traitement en décharge adaptée, de 25 à 45 euros par mètre carré, nous avons décidé de mécaniser la tâche à l’aide de robots. »
La prévention contre les émissions de poussières ne doit pas occulter les autres risques.