Comment bien travailler avec la génération Z ?
Date de mise à jour : 8 févr. 2024 - Auteur : Armelle Gegaden
©Simonkr / Getty Images
- La génération Z attend des managers empathie et feed-back permanent.
- Ils sont attentifs aux conditions de travail et à la sécurité.
Dossier paru dans PréventionBTP n°260-p. 6-Mars 2022.
Le management vertical, à bannir. Les cours magistraux, à éviter. La carotte d’une augmentation de salaire, à oublier. Les Z, nés entre 1997 et 2010, bousculent leurs aînés, dans leur conception du travail, de l’apprentissage, dans leur rapport au stress, au groupe, à l’autorité… Avec, à la clé, une incompréhension et parfois un grand turn-over. « Nous observons des comportements similaires dans le BTP et la restauration, avec des jeunes qui, parfois, se mettent en pilote automatique, font le strict minimum », décrit le sociologue Daniel Ollivier, co-auteur de l’ouvrage Les Z arrivent : Comment les manager, les recruter et les fidéliser.
Vie au travail : le cas du retard de chantier
Leur rapport au travail et au temps qu’ils y consacrent génère parfois des difficultés de management. C’est le cas typique des retards de chantier, quand des pénalités sont en jeu. Une réaction très « détendue » face à l’urgence ou le refus de faire des heures supplémentaires font grincer des dents.
L'ambiance au travail plus importante que le salaire
Cette jeune génération désarçonne les managers, mais aussi les recruteurs. Pendant de nombreuses années, les entreprises se sont battues entre elles pour se « piquer » des profils rares, avec une rémunération plus attractive. C’était le cas des conducteurs de travaux, aux conditions de travail éprouvantes. « Aujourd’hui, augmenter le salaire ne fait plus du tout la différence », témoigne Anne Clapier, formatrice en prévention à l’OPPBTP.
La génération Z plus fidèle à l'équipe qu'à l'entreprise
Plus globalement, leur rapport à la carrière interroge. Ils ne rêvent plus de grimper les échelons dans une grosse entreprise. Quel que soit leur niveau d’étude, ils ont la bougeotte. Ils alternent emploi salarié, non-salarié, projet personnel, papillonnent d’un employeur à un autre… Ce qui parfois est vécu comme un manque de fidélité et de loyauté.
Des Z pas fainéants, mais différents
Alors quelles sont les clés pour les retenir ? Pour Daniel Ollivier, cela passe par l’évolution d’un mode de management « à l’ancienne ». S’ils ne se sentent pas écoutés, traités d’égal à égal, personnellement accueillis, ces apprentis se mettent en retrait. « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a dix ou vingt ans. Ils ne sont pas fainéants, mais différents. Leur ordre des priorités n’est pas le même ». Le travail vient en concurrence avec d’autres types de besoins : les loisirs, les copains, les jeux vidéo… « Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas s’engager… Mais il leur faut une relation de confiance, de bienveillance, un véritable intérêt porté à l’autre, à ses attentes… », détaille le sociologue.
Installer un baby-foot ne suffit pas
Pour cette génération, le collectif est essentiel. « Ils ont besoin de vivre des expériences émotionnelles régulières », analyse l’anthropologue Élisabeth Soulié. Installer un baby-foot dans son entreprise ne suffit pas. On attend des managers beaucoup d’empathie, un feed-back permanent, informel, pas seulement en milieu d’année pour un entretien archaïque. « C’est une génération “wiki”. Elle pense qu’elle n’est pas assez écoutée, comprise, entendue. Il faut la laisser agir », insiste l’anthropologue. Cette reconnaissance attendue de leur individualité, de leur capacité à contribuer, s’accompagne d’une quête de sens authentique, sans « greenwashing », immédiat, positif et concret. Et cela passe avant leur niveau de rémunération.
Du challenge, mais sans stress
Pour capter les meilleurs éléments, les petites structures agiles ont désormais toute leur chance. « Aujourd’hui, six jeunes sur dix veulent s’orienter vers les TPE et les PME », note Franck Le Nuellec directeur de l’innovation stratégique du CCCA-BTP à l’origine d’un baromètre semestriel. La condition, c’est de leur donner du temps, de l’autonomie et d’insuffler une dynamique collective de challenge, mais sans stress. Dans ce contexte, la diffusion de la culture prévention a un grand rôle à jouer. Car les Z ne veulent plus travailler la boule au ventre. Ils ne veulent plus « perdre leur vie à la gagner », ni perdre leur vie tout court sur un chantier.
Ambassadeurs de la prévention
« En matière de prévention, on observe un intérêt de fond qui progresse d’année en année. Les Z sont assez convaincus, mais constatent une réalité un peu différente de l’idéal qu’on aimerait atteindre », témoigne Arnaud Chaumont directeur de la formation initiale à l’OPPBTP.
Selon le baromètre du CCCA-BTP, les Z veulent être des ambassadeurs d’innovation durable et d’amélioration des conditions de travail. Pas toujours facile, comme l’exprime Franck Le Nuellec : « Ils sont face à des artisans qui ont leurs habitudes et ce n’est pas évident de faire bouger les pratiques. Mais le digital est une porte d’entrée pour les y aider ».
« Ce qui me fait lever le matin ? La bonne ambiance, parler de tout avec tout le monde, travailler avec d’autres sportifs ». Guillaume Touret, 22 ans, est apprenti en CVC (chauffage, ventilation et climatisation) chez STME, spécialisée en CVC, plomberie, électricité. Cette PME d’un peu plus de 50 salariés a mis l’accent sur l’intégration des jeunes. Guillaume, passionné par son métier manuel, a aujourd’hui trouvé un employeur qui lui convient. « Si c’est la rentabilité à tout prix, ça ne me donne pas envie de rester. » Il apprécie notamment d’avoir son « mot à dire dans les réunions » et de pouvoir, s’il le souhaite, transformer le paiement des heures supplémentaires en vacances. Bref, d’avoir aussi du temps pour lui.
Il leur faut une relation de confiance, de bienveillance, un véritable intérêt porté à l’autre, à ses attentes.
Daniel Ollivier, sociologue