TMS : des méthodes pour agir efficacement
Les troubles musculo-squelettiques (TMS), qui pèsent 88 % des maladies professionnelles dans le BTP, ne sont pas une fatalité. À condition d'utiliser les bons moyens de prévention. Entreprises et experts témoignent des solutions mises en place collectivement pour mieux organiser le travail afin d'éviter l'apparition ultérieure des TMS.
Date de mise à jour : 25 mars 2024 - Auteur : Armelle Gegaden
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L’effet différé des TMS et leur caractère multifactoriel contribuent à rendre complexe la prévention.
Pour agir efficacement, observer le travail réel et écouter les salariés est essentiel.
Dossier paru dans PréventionBTP n° 271-Mars 2023-p. 6
Au départ, il y a une petite gêne douloureuse, un début de tendinite, à l’épaule, au coude, au poignet, et qui revient de plus en plus fréquemment. Quelques années plus tard, la mobilité se réduit et la personne touchée glisse vers l’inaptitude. « À cause des TMS, j’ai dû licencier l’un de mes meilleurs maçons. Comment est-il possible de devoir se séparer d’un salarié brillant et de le voir pleurer ? », interroge Jean-Claude Brossier, ancien chef d’entreprise, administrateur de la FNTP chargé du groupe de travail sur le bien-être au travail et les TMS. Pourtant, les TMS ne sont pas une fatalité. Pour inciter les entreprises à s’engager davantage, l’OPPBTP organise une campagne d’information du 3 avril au 16 mai 2023, axée sur trois phases de chantier : livraison et évacuation des matériaux, approvisionnement du poste et réalisation de la tâche. La FNTP a elle aussi annoncé le lancement d’une grande campagne nationale de communication en 2023.
Réflexion de fond collective
Car beaucoup de solutions permettent d’agir, à condition d’employer la bonne méthode. Mettre en place des séances d’échauffement ou investir dans des exosquelettes, sans réflexion de fond collective, ne va pas régler le problème durablement. « À une certaine époque, on disait aux entreprises : vous avez des TMS, achetez un diable, un chariot… Les préventeurs se sont aperçus que le matériel n’était pas utilisé, car non adapté au travail réel », explique Christophe Desplat ingénieur conseil national de l’Assurance maladie-Risques professionnels, spécialisé dans le BTP. Inutile, en outre, de dire à une personne de tenir le dos droit et de plier les genoux, s’il lui est matériellement impossible de le faire. « Avec trente ans de recul, on s’aperçoit que former les personnes aux gestes et postures n’a pas eu beaucoup d’effets pérennes, car le problème ne vient pas des comportements individuels, mais de la manière d’organiser le travail et de la possibilité effective de chacun de s’adapter réellement aux situations », analyse Pascal Girardot, ergonome en charge de la prévention de l’usure professionnelle à l’OPPBTP.
88 % des maladies professionnelles
Affections inflammatoires des tissus mous autour des muscles (tendons, ligaments, nerfs, bourses séreuses…), les troubles musculo-squelettiques représentent 88 % des maladies professionnelles reconnues dans le BTP et sont à l’origine d’un nombre élevé de déclarations d’accidents du travail. Les impacts humains sont considérables et les conséquences économiques importantes pour les entreprises, en termes d’attractivité, de climat social et de désorganisation. Selon la Cnam, un TMS de l’épaule génère 250 jours d’arrêt de travail et 64 000 euros de coûts directs. « Le BTP est mal placé pour ses résultats d’accidentologie. D’où un coût de cotisation AT/MP énorme, que souvent les chefs d’entreprise ignorent ou négligent. Or, par des actions de prévention, une entreprise peut réduire sa cotisation de plus de 50 % », affirme Jean-Claude Brossier. Le montant des cotisations dépend en partie de sa sinistralité.
L’effet différé des TMS
Deux éléments contribuent à rendre complexe la prévention. Tout d’abord, l’effet différé des TMS. Ce n’est pas à la fin de la journée de marteau-piqueur qu’un problème de canal carpien apparaît, mais des mois ou des années plus tard. « Il y a un tel délai, que le discours de prévention a du mal à passer », admet Pascal Girardot. Ensuite, le caractère multifactoriel : un facteur isolé (geste d’amplitude extrême, répétition des mouvements…) n’explique jamais à lui tout seul l’apparition des TMS. S’y ajoutent d’autres facteurs, comme souvent le stress et des questions d’organisation.
TMS Pros : 1 700 entreprises du BTP
Pour lutter efficacement, un plan global est donc indispensable. C’est l’esprit de l’approche TMS Pros de l’Assurance maladie-Risques professionnels et de la démarche Adapt de l’OPPBTP. Créé en 2014, TMS Pros cible des entreprises à forte sinistralité. Ce programme, engageant et imposé aux entreprises les plus sinistrées, est aussi ouvert aux entreprises volontaires, et comprend différents volets (aides financières, formations…). Depuis sa création, 1 700 entreprises du BTP s’y sont engagées. « Ce programme démontre qu’il est possible d’agir, témoigne Julien Tonner, ingénieur conseil national en charge de ce programme. Les entreprises ayant fait l’objet d’un accompagnement y voient des bénéfices : une réduction des accidents du travail et maladies professionnelles ou de la sinistralité au travail, une baisse de l’absentéisme et une émergence du dialogue. » Et de citer plusieurs facteurs clé de réussite. « Le chef d’entreprise doit porter vraiment le projet. Il faut intégrer tous les métiers de l’entreprise et pas seulement les préventeurs. Car le programme est fondé sur l’observation du travail réel, ce qui implique de donner la parole aux salariés lors du diagnostic et de leur faire tester les solutions. »
Le problème ne vient pas des comportements individuels, mais de la manière d’organiser le travail.