Branche AT-MP : un accord pour une prévention plus ambitieuse
Un accord signé entre patronat et organisations syndicales entend placer la branche AT-MP comme un acteur central de la prévention primaire. Il définit également les évolutions nécessaires du système de réparation et de la gouvernance de la branche. Explications.
Date de mise à jour : 22 juin 2023
Auteur : Virginie Leblanc
©OPPBTP
« Branche AT-MP : un consensus social réaffirmé par une prévention ambitieuse, une réparation améliorée et une gouvernance paritaire renforcée ». Tel est l’intitulé d’un accord national interprofessionnel (ANI) structurant pour la prévention, signé le 15 mai dernier par les organisations patronales et syndicales.
A travers ce texte, les partenaires sociaux indiquent vouloir que « les moyens de la branche AT-MP, et notamment ses excédents, soient effectivement consacrés à accroître très significativement les moyens de prévention et à améliorer les modalités de réparation et d’accompagnement des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. »
Trois axes majeurs sont retenus dans cet accord :
- Améliorer les moyens et actions permettant une politique ambitieuse de prévention opérationnelle tant à destination des employeurs que des salariés ;
- Améliorer la réparation et l’accompagnement des victimes d’AT-MP ;
- Modifier la gouvernance de la branche AT-MP afin de restituer les capacités d’orientation, de suivi et de pilotage des partenaires sociaux.
Améliorer les connaissances des risques
Les partenaires sociaux souhaitent donner un nouvel élan à la mission de prévention de la branche AT-MP, notamment autour de la prévention primaire. Pour cela, ils proposent une série de mesures qui devront pour certaines être intégrées dans la future convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche.
Les signataires soulignent la nécessité d’adopter une approche visant à « anticiper le risque afin d’agir en prospective ». Il est ainsi indispensable pour eux d’améliorer les connaissances des risques, notamment les plus graves, afin de supprimer ou de réduire leur survenance. Ceci en utilisant les bases de données existantes, des remontées de terrain des comités techniques nationaux et régionaux (CTN et CTR), ainsi que des données du ministère du Travail et du Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P).
Les partenaires sociaux souhaitent inscrire le sujet des accidents graves et mortels parmi les sujets prioritaires à traiter. Ils appellent à obtenir « des statistiques globales et annuelles ainsi que des analyses détaillées des accidents mortels d’origine professionnelle permettant de décrire, entre autres, les circonstances de survenue, les secteurs d’activité, le type de contrat de travail, les disparités géographiques et l’évolution dans le temps de ces indicateurs. » Certaines situations spécifiques, comme les malaises sur les lieux de travail, qui représentent plus de la moitié des accidents mortels, nécessitent dans la mesure du possible des analyses ou des études approfondies.
Mieux faire connaître les campagnes de prévention
L’accord insiste également sur la nécessité pour la branche AT-MP de renforcer ses campagnes de prévention et de communication sur les risques qu’elle estimera prioritaires. Cela implique de rendre visible plus largement les campagnes de prévention des Carsat-Cramif-CGSS, de rechercher les complémentarités avec les acteurs de la prévention comme l’INRS, l’OPPBTP, les services de prévention et de santé au travail inter-entreprises…
Sans remettre en cause le principe assurantiel de la branche AT-MP, celle-ci entend « promouvoir toutes les démarches réalisées auprès du plus grand nombre d’entreprises dans une logique de généralisation, et justement s’appuyer sur les travaux et actions réalisés auprès d’entreprises à plus forte sinistralité pour diffuser largement les bonnes pratiques. »
S’agissant des subventions en matière de prévention, l’accord estime qu’il n’y a pas suffisamment d’évaluation qualitative des aides et des ristournes notamment, sur leur accès, les résultats obtenus et leur efficience. Le texte donne des pistes pour y remédier.
Mieux prendre en compte la prévention de l’usure professionnelle
Afin de mieux prendre en compte la prévention de l’usure professionnelle, la gouvernance de la branche AT-MP définira les orientations du fonds dédié au financement des actions et investissements dans la prévention de l’usure professionnelle découlant des « contraintes physiques marquées » (fonds créé par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023). L’accord mentionne également la nécessité d’améliorer l’accès des bénéficiaires au compte professionnel de prévention (C2P) et l’information sur le dispositif de retraite pour incapacité permanente.
Juste réparation des AT-MP
Les partenaires sociaux estiment nécessaire une juste réparation des AT-MP, plus accessible pour les salariés concernés et moins judiciarisée. Les signataires ont décidé d’abaisser de 80% à 40% le taux d’accès à la prestation complémentaire pour tierce personne (PCRTP*) et d’améliorer la prise en charge des frais médicaux engagés par la victime d’une MP ou d’un AT dont les tarifs de remboursement peuvent être améliorés.
A noter également, l’abaissement du taux d’incapacité permanente minimum requis pour faire reconnaître l’origine professionnelle d’une maladie hors tableau pour que le dossier puisse être examiné par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Il passe de 25% à 20%.
L’objectif d’améliorer le dispositif de reconnaissance d’une maladie professionnelle et de baisser en conséquence les cas de sous-reconnaissance des maladies professionnelles est affiché clairement.
Enfin, la commission des AT-MP doit évoluer et se transformer en un conseil d’administration strictement paritaire, écrivent les signataires. Il devrait être composé des seules organisations syndicales de salariés et des seules organisations d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Des moyens humains et financiers à mobiliser
Pour répondre aux enjeux de l’accord, les partenaires sociaux indiquent que les fonds et les moyens humains actuellement consacrés à la prévention, la réparation et au fonctionnement de la branche sont insuffisants.
Ils détermineront la réaffectation des budgets et plus particulièrement la part des excédents et des réserves de la branche AT-MP qui sera affectée au financement des orientations décidées dans le cadre de la négociation de cet accord tant dans le domaine de la prévention que celui de la réparation.
Il s’agira ainsi de renforcer les moyens humains et financiers des Carsat-Cramif-CGSS, de l’INRS et de son volet recherche et d’Eurogip, notamment à travers l’augmentation du nombre de préventeurs. Il conviendra aussi, selon le texte, d’augmenter rapidement les effectifs d’ingénieurs conseil et de contrôleurs de sécurité des Carsat-Cramif-CGSS avec un objectif de 20%. Renforcement qui s’accompagnera de ressources humaines supplémentaires en soutien administratif.
Les partenaires sociaux considèrent qu’il est nécessaire d’affecter 100 millions d’euros supplémentaires chaque année sur le volet prévention par rapport à la précédente COG.
Certaines des évolutions proposées par les partenaires sociaux dans l’accord devront être reprises dans la COG 2023-2027 de la branche AT-MP. D’autres nécessiteront des évolutions législatives et réglementaires.
*La PCRTP est une somme destinée à financer l'assistance d'une personne pour aider le bénéficiaire à effectuer les actes ordinaires de la vie courante (exemple : s'habiller, se lever, s'asseoir,...).