Interventions sur toitures fragiles, comment éviter la chute ?
Au-delà de la faible résistance des matériaux, le défaut de préparation et l’absence de moyens de prévention sont les causes principales des chutes à travers une toiture fragile.
Date de mise à jour : 29 avr. 2024 - Auteur : Loïc Féron
©Attila
- Les chutes à travers des toitures fragiles concernent majoritairement les couvreurs.
- Évaluer les risques et mettre des moyens matériels à disposition.
Dossier paru dans PréventionBTP n°283-Avril 2024-p. 6
Un pas de côté sur une toiture fragile et la chute peut être aussi soudaine que brutale. Des chutes graves et récurrentes malgré l’expérience des professionnels concernés, en majorité des couvreurs. Dans la base de données de l’OPPBTP sur les accidents du travail, un chiffre retient l’attention : 27 % des chutes de hauteur graves ou mortelles concernent les métiers de la couverture. « Ce pourcentage est le même que celui des métiers du gros œuvre pour une population très inférieure en nombre », observe Sébastien Terrier, responsable d'opérations second œuvre, corps d’état secondaires à la direction technique (DT) de l’OPPBTP. Entre 2021 et 2022, les chutes graves, voire mortelles, à travers une toiture fragile ont sensiblement augmenté. Cette tendance s’est poursuivie en 2023, incitant, l’été dernier, l’OPPBTP à communiquer (mémo, guide, affiche…) auprès des entreprises. Lancée ce printemps, une campagne nationale sur les travaux en hauteur cible elle aussi les métiers du second œuvre.
Les couvreurs, mais pas seulement
Quel est le profil des opérateurs victimes d’accidents depuis une toiture ? Essentiellement des salariés de TPE. « Plus de la moitié des entreprises impactées comptent moins de dix salariés, explique Sébastien Terrier. Une grande majorité d’opérateurs sont en CDI, expérimentés ou qualifiés. » La force de l’habitude l’emporte donc trop souvent sur la prévention. Les couvreurs chutent, mais également les étancheurs et bardeurs, les poseurs de panneaux photovoltaïques… Tout professionnel réalisant une intervention en toiture est concerné, y compris les désamianteurs qui disposent a priori d’une meilleure connaissance des matériaux à déposer. « Il s’agit surtout de petits chantiers de rénovation, non soumis à coordination SPS, complète Sébastien Terrier. Les maîtres d’ouvrage sont majoritairement des sociétés industrielles et commerciales et des bailleurs privés. »
Trois catégories de support à risque
S’agissant des chutes à travers une toiture fragile, l’OPPBTP classe les supports en trois catégories. Parmi les toitures de bâtiments industriels ou agricoles, les plaques fibres-ciment sont les plus répandues. « La tôle fibres-ciment est conçue pour résister aux charges d’exploitation du bâtiment et aux intempéries, mais pas à la marche d’un opérateur, rappelle Sébastien Terrier. De même, les bacs aciers sont fragiles quand ils ne sont pas encore fixés. » Souvent recouvertes de mousses et salissures, les plaques translucides représentent également un danger. La deuxième famille de matériaux inclut les lanterneaux et les skydomes dont la coque en polycarbonate se dégrade avec le temps. Il suffit alors à un travailleur de prendre appui dessus pour passer au travers. Enfin, les supports d’étanchéité anciens, en aggloméré de bois, se détériorent avec le temps, de même que les chéneaux bas de pente en résine. Certains matériaux plus spécifiques, comme les toitures en chaume, sont également fragiles.
Évaluer les conditions d’intervention
« On saisit toute l’importance de la reconnaissance avant travaux, surtout si le matériau support n’est pas visible depuis l’extérieur, commente Valérie Tournier, responsable du domaine Enveloppe second œuvre à la DT de l’OPPBTP. Il faut au préalable examiner de quoi est faite la toiture, quitte à procéder à une découpe ponctuelle du revêtement d’étanchéité. » Le défaut de préparation apparaît comme la cause première des chutes à travers les toitures fragiles. « Il est primordial de procéder à une analyse et à une évaluation des risques avant de mettre en œuvre les moyens de protection adaptés, prévus par la réglementation, rappelle Gilbert De Stefano, chef du bureau des équipements et des lieux de travail à la Direction générale du Travail (DGT). Il existe des dispositifs simples de protection collective tels que les garde-corps en périphérie de la toiture, les filets de sécurité en sous-face ou les grilles de protection sur les trémies. » Les chemins de circulation font partie des solutions, à condition d’être associés à d’autres moyens de protection collective (filets) et/ou individuelle (système d’arrêt de chute).
Formation et moyens de prévention adaptés
« C’est à l’employeur qu’incombe l’obligation de fournir au salarié une formation intégrant des informations sur les risques liés à la circulation dans les zones dangereuses où il est appelé à circuler, ajoute Gilbert De Stefano. Les surfaces en hauteur constituées de matériaux fragiles en font partie. » Sensibiliser les entreprises, former les salariés… Est-il envisageable de prévenir le risque en intervenant sur les matériaux eux-mêmes ? « Si des évolutions techniques visant à renforcer la solidité des matériaux dans le temps sont nécessaires, elles sont insuffisantes pour garantir à elles seules la santé et la sécurité des travailleurs, affirme le représentant de la DGT. Elles ne dispenseront pas l’employeur de son obligation d’évaluer les risques et de mettre à disposition des moyens de prévention adaptés. »
Il faut au préalable examiner de quoi est faite la toiture.
Valérie Tournier, responsable du domaine Enveloppe second œuvre à la direction technique de l’OPPBTP.