Travailler avec l’amiante : les obligations de l’employeur lors de travaux en terrain amiantifère
L’amiante est la deuxième cause de maladies professionnelles en France. Que ce soit dans certaines roches à l’état naturel ou sur des sols pollués par l’activité humaine, l’amiante représente un danger pour la santé. Alors prudence si vous envisagez des travaux de terrassement dans une zone à risque « terrain amiantifère » ! Maître d’ouvrage et employeur, chacun a un rôle à jouer dans la prévention et l’organisation du chantier. Vous êtes employeur ? Voici toutes les précautions à prendre avant et pendant les travaux.
Date de mise à jour: 6 juil. 2020
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Quelle certification pour votre entreprise ?
Les entreprises travaillant sur des chantiers à risque entrant dans la catégorie sous-section 3 (terrassements en pleine masse, dépose de réseaux, démolition ou création de voiries, etc.) doivent être certifiées conformément à l’article R4412-129 du Code du travail et à l’arrêté certification du 14 décembre 2012. Ces certifications sont délivrées par les organismes certificateurs accrédités. Il n’y a en revanche pas besoin de certification pour les travaux de sous-section 4 (fouilles et trous ponctuels, petit terrassement pour socle ou radier, interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante, etc.).
Protégez vos salariés
Sur des zones à risque telles que les terrains amiantifères, la protection de vos salariés est une priorité. Les mesures mises en œuvre s’appuient sur neuf principes généraux de prévention :
- éviter les risques ;
- évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- combattre les risques à la source ;
- adapter le travail à l’homme (conception des postes de travail, choix des équipements et méthodes de travail) ;
- tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
- remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
- planifier la prévention en y intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants ;
- prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
- donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Formez vos salariés
Que ce soit pour les travaux des sous-sections 3 ou 4, vous avez, en tant qu’employeur, pour obligation suite à l’évaluation des risques consignée dans le document unique de l’entreprise :
- d’établir les notices de postes et les transmettre pour avis au médecin du travail ; cet avis est transmis au CSE ;
- d'organiser la formation de vos salariés, portant sur les matériaux contenant de l'amiante (MCA), les modalités de travail ainsi que le rôle et le port des EPI ;
- de valider cette formation (attestation de compétence remise au salarié).
Pour les activités de sous-section 3, les formations sont assurées obligatoirement par des organismes certifiés (arrêté du 23/02/2012).
Pour les interventions de sous-section 4, l’employeur peut assurer lui-même la formation de ses salariés ; la formation peut être également assurée par les organismes de formation certifiés ou non certifiés selon l’arrêté du 23/02/12.
Avant la formation, l’employeur présente à l’organisme l’aptitude médicale du travailleur au poste de travail, délivrée par le médecin du travail.
Pour des interventions exposant au risque amiante, vous ne pouvez pas employer :
- de jeunes travailleurs de moins de 18 ans aux activités de retrait, de confinement et aux interventions sur flocages et calorifugeages susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante ;
- des salariés en CDD ou des travailleurs temporaires aux activités de retrait, de confinement ou de démolition, et aux interventions sur flocages et calorifugeages.
Les opérations sous coordination SPS
Vous rédigez le plan particulier SPS ou le plan particulier simplifié SPS. Le plan de retrait doit être annexé aux plans particuliers SPS. Il est important de prendre les dispositions nécessaires pour que vos salariés puissent accéder au chantier, en accord avec la maîtrise d’œuvre et le coordonnateur SPS.
Présence d’entreprises extérieures : établir un plan de prévention
En présence d’amiante, un plan de prévention est établi entre le responsable de l’entreprise utilisatrice (donneur d’ordre) et l’employeur de l’entreprise extérieure. L’employeur fournit la liste des postes occupés par des travailleurs susceptibles de relever du suivi individuel renforcé.
Pour mémoire, le plan de prévention est également établi, en l’absence de travaux dangereux, lorsque la durée prévisible des travaux est égale au moins à 400 heures sur une période inférieure ou égale à 12 mois, que les travaux soient continus ou discontinus.
Les travaux sans coordination SPS et sans entreprise utilisatrice
Demandez au propriétaire ou au maître d’ouvrage les résultats des recherches et repérages de l’amiante et des matériaux contenant de l’amiante (repérage avant travaux, selon les articles R4412-97 et suivants du Code du travail).
En activité de sous-section 3, vous évaluez les risques, établissez et diffusez le plan de démolition, de retrait ou d’encapsulage. Vous informez les tiers et mettez en œuvre les règles de protection adaptées.
En intervention de sous-section 4, il faudra établir et diffuser le mode opératoire du chantier.
Évaluez et limitez les risques
- Vous consultez le médecin du travail, le CSE et établissez :
- la durée de travail avec port ininterrompu d’un équipement de protection respiratoire individuelle. La durée maximale d’une vacation étant de 2 h 30 et la durée maximale quotidienne étant de 6 heures ;
- le temps des pauses après chaque vacation ;
- la durée des opérations d’habillage, de déshabillage et de décontamination.
- Pour l’évaluation des risques, vous estimez le niveau d’empoussièrement pour chaque processus de travail, selon trois niveaux :
- 1er niveau : empoussièrement inférieur à 100 f/litre ;
- 2e niveau compris entre 100 f/litre et 6000 f/litre ;
- 3e niveau compris entre 6000 f/litre et 25000 f/litre.
La VLEP (valeur limite d'exposition professionnelle) est fixée à 10 f/litre par mesurage Méta.
- Vous transcrivez les résultats de l’évaluation des risques, pour chaque processus, dans le document unique d’évaluation des risques (DUER) de l’entreprise, et le tenez à jour.
- Vous devez également :
- mettre en place le contrôle des niveaux d’empoussièrement en fibres d’amiante ; la concentration moyenne ne doit pas dépasser 10 fibres par litre d’air inhalé sur 8 heures de travail (respect de la VLEP) en Méta ;
- confier les prélèvements aux postes de travail et les analyses à un laboratoire accrédité ; la stratégie de prélèvement est déterminée après avis du médecin du travail, du CSE ;
- communiquer les résultats du contrôle au médecin du travail, au CSE ; ils sont tenus à disposition de l’inspecteur du travail et des agents des services de prévention de sécurité sociale ;
- mettre à disposition des travailleurs un équipement de décontamination : local aménagé en trois parties comportant une zone de décontamination/déshabillage (zone « polluée »), une zone intermédiaire de douche d’hygiène et une zone « propre » ;
- mettre en place l’utilisation, l’entretien et la vérification des équipements de travail et installations ;
- organiser la gestion des déchets (emballage, étiquetage, BSDA, transport…).
- Si le niveau d’empoussièrement dépasse le niveau estimé dans le DUER et que le respect de la VLEP n’est plus garanti, vous :
- suspendez les opérations et mettez en œuvre des mesures remédiant à la situation ;
- procédez à un nouveau contrôle du niveau d’empoussièrement.
- Si le niveau d’empoussièrement constaté est supérieur au 3e niveau, vous :
- suspendez les opérations ; alertez le donneur d’ordre, l’inspection du travail, la Cram ou la Carsat ;
- mettez en œuvre les moyens pour réduire le niveau d’empoussièrement.
- Pour la protection de l’environnement du chantier, vous :
- arrêtez les opérations, dans le cas de dépassement du seuil de 5f/L (article R1334-29-3 du Code de la santé publique) dans les bâtiments, équipements, installations, structures de l’opération et de son environnement ;
- mettez en place les mesures correctrices et préventives pour respecter ce seuil ;
- informez le donneur d’ordre et le préfet du dépassement, des causes et des mesures prises.
- Vous mettez en œuvre des moyens de prévention :
- mise en place de techniques et modes opératoires de réduction de l’empoussièrement (travail robotisé, imprégnation à cœur, démontage par découpe ou déconstruction) ;
- mise en place de mesures de confinement et limitation de diffusion des fibres à l’extérieur de la zone des opérations (décontamination) ;
- balisage et délimitation de la zone travail ;
- régulation du trafic : déviation, arrêt momentané de la circulation ;
- mise en place, durant la préparation de l’opération, de moyens de protection collective (EPC) : abattage des poussières, aspiration à la source, sédimentation des fibres dans l’air, décontamination ;
- utilisation d’outils équipés de systèmes d’adduction d’eau ;
- pose d’un géotextile sur les déblais stockés provisoirement sur le chantier ;
- mise en surpression des cabines des véhicules et engins ;
- décontamination des véhicules et engins avant sortie de zone (portiques d’arrosage, bacs de lavage des roues) ;
- recouvrement des terres amiantifères par des matériaux sains ;
- mise en place, selon les niveaux d’empoussièrement, des équipements de protection individuelle (EPI) ;
- maintien en état et renouvellement des EPC et EPI.
- La protection individuelle comprend :
- des vêtements de protection à usage unique avec capuche de type 5 aux coutures recouvertes ou soudées, fermés au cou, aux chevilles et aux poignets, jetables (dans ce cas, traités en fin de poste comme des déchets), gants étanches, chaussures ou bottes décontaminables ou surchaussures à usage unique ;
- une protection respiratoire choisie en fonction de l’évaluation des risques et du niveau d’empoussièrement ;
- pour un empoussièrement de 1er niveau, un demi-masque FFP3 ou APR demi-masque ou masque complet avec filtres P3 (port limité aux interventions de sous-section 4 et à une durée de moins de quinze minutes) ; APR à ventilation assistée TM2P avec demi-masque ; APR à ventilation assistée TH3P avec cagoule ou casque ; APR à ventilation assistée TM3P avec masque complet ;
- pour un empoussièrement de 2e niveau : APR à ventilation assistée TM3P avec masque complet ; APR isolant à adduction d’air comprimé à débit continu de classe 4 (débit minimum 300 l/min) avec masque complet ; APR isolant à adduction d’air comprimé respirable à la demande à pression positive avec masque complet
- pour un empoussièrement de 3e niveau : APR isolant à adduction d’air comprimé à débit continu de classe 4 (débit minimum 300 l/min) avec masque complet ; APR isolant à adduction d’air comprimé respirable à la demande à pression positive avec masque complet ; des appareils de protection respiratoires décontaminables.
- Chaque salarié fait l’objet d’un examen médical préalable, déterminant son aptitude aux travaux de sous-section 3 ou de sous-section 4. Cet examen est à votre charge. Vous devez :
- faire examiner, par le médecin du travail, tout travailleur qui se déclare incommodé lors des travaux ;
- informer le médecin du travail des absences des travailleurs exposés au risque amiante pour cause de maladie et supérieures à 10 jours ;
- établir pour chaque salarié une fiche d’exposition, qu’il transmet en copie au médecin du travail ;
- mettre en place, avec le médecin du travail, un suivi individuel renforcé (nature et périodicité des examens) des travailleurs ;
- remplir avec le médecin du travail, une attestation d’exposition (amiante) et la remettre au salarié lors de son départ de l’établissement.
L’employeur est tenu au respect de la réglementation spécifique concernant le risque d’exposition à l’amiante, codifiée aux articles R4412-94 à R4412-148 du Code du travail, et plus particulièrement :
- R4412-125 à R4412-143 : travaux d’encapsulage et de retrait d’amiante ou d’articles en contenant (sous-section 3) ;
- R4412-144 à R4412-148 : interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante (sous-section 4).
Cette réglementation s’inscrit dans la réglementation générale du risque chimique, codifiée aux articles R4412-1 à R4412-93.
Gestion des déchets : ce qu’il faut savoir
Vous devez conditionner les déchets susceptibles de libérer des fibres d’amiante de manière à ne pas provoquer d’émission de poussières (manutention, transport, entreposage, stockage). Les déchets amiantés doivent être ramassés et conditionnés au fur et à mesure de leur production.
Les déchets recueillis par aspiration, les filtres d’aspirateur, les combinaisons à usage unique, les chiffons utilisés pour le nettoyage, les cartouches usagées de protections respiratoires sont considérés comme déchets dangereux. Ils doivent être conditionnés sur le chantier, en double ensachage étiqueté amiante, le tout mis dans un grand récipient pour le vrac (GRV) de type « milieu bag » ou « big bag » pour le transport, et acheminés par un transporteur agréé vers une installation de stockage de déchets adaptée et autorisée à recevoir des déchets amiantés. Selon la nature des déchets amiantés, il peut s’agir d’une installation de stockage de déchets non dangereux ou dangereux.
Ces déchets contenant de l’amiante libre sont obligatoirement accompagnés d’un bordereau de suivi de déchets amiante (BSDA).
Transporter les déblais : comment faire ?
La cession, à quelque titre que ce soit, de matériaux contenant de l’amiante est interdite. Les déblais amiantifères peuvent être transportés vers un site autorisé. Ils devront être impérativement humidifiés et les bennes bâchées. L’utilisation de bâches automatiques permet au conducteur d’éviter de descendre du véhicule, ce qui est incompatible avec l’utilisation d’un système de mise en surpression de la cabine.
Téléchargez la fiche prévention : Interventions en terrains amiantifères.
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